Les sans avenir des Mondiaux -17 ans

Activité indispensable ou perversion d’un système, le scouting est omniprésent aux divers niveaux du foot pro. Les scouts prolifèrent comme des souris, des métastases ou des managers. Le scout est un chasseur de têtes qui cherche des pieds doués. Son efficacité dépend de la sûreté de coup d’£il footballistique qu’a bien voulu lui reconnaître sa direction ; son boulot est d’être premier sur la balle pour dénicher avant ses rivaux des jeunes gars – voire des p’tits gars – de qualité. Suite à quoi le club placera le gamin sous contrat, le fera (ou le laissera…) arriver à maturité, l’utilisera tant qu’il constitue un bon rapport qualité/prix, et enfin tentera de le transférer avec plus-value jolie, si le gars a des offres et exige plus de biftons que ce que le club consent à lui laisser palper. Bizness is bizness, en n’oubliant jamais cette règle d’or pas nécessairement reluisante : mieux je déniche, moins je dois m’échiner à former…

Je pensais aux scouts en regardant sur Eurosport le Mondial des moins de 17 ans à Lagos, bouclé dimanche avec la victoire d’une Suisse étonnante, qui s’était offert notamment les scalps brésiliens, allemands et italiens avant de battre 1-0 les Nigérians organisateurs : lesquels avaient beau avoir un coach nommé Obuh, ils n’ont pas fait parler la poudre, pas même leur joker-miracle Sani Emmanuel qui, avant la finale, avait planté 5 buts en 134′ et en 4 matches sans en commencer un seul… En face, le collectif helvète était impressionnant, faudra plus me faire croire que les ados ont encore tout à apprendre de la vraie vie ! Les p’tits Suisses jouent comme des grands. Pas sûr qu’il y ait parmi eux de futurs diamants (perso, je retiens le gaucher Janick Kamber, vif comme David Silva, ça n’engage que moi…), mais ne restent en tout cas plus guère de trucs bruts à tailler : on ne badine plus avec l’écolage, c’est à 17 ans désormais qu’on devient vieux briscard ! Le foot suisse remporte ainsi son premier titre mondial toutes compétitions confondues, et rejoint enfin le foot belge par la même occasion : rappelons en effet que nos Diables ont triomphé aux Jeux Olympiques de 1920.

A Lagos, les scouts pullulaient forcément puisqu’il y était rassemblé pour 52 rencontres le top de la chair fraîche à crampons : à en croire les commentateurs, sans nul doute les stars de demain, vu qu’ils répétaient à foison qu’étaient passés par pareille compétition bisannuelle des gars comme Emmanuel Petit, Luis Figo, Juan Veron, Gigi Buffon, Iker Casillas, Ronaldinho, Fernando Torres, Carlos Tevez ou Cesc Fabregas… J’ai voulu en savoir plus et le site de la FIFA, bien foutu pour la cause (*), me l’a permis : il répertoriait tous les noyaux des équipes ayant disputé pareil Mondial depuis sa création en 1985 ! J’ai tout épluché, persuadé de retrouver des kyrielles de noms célèbres.

Stupeur, ce fut exactement l’inverse : je tombais en pays de patronymes inconnus au bataillon de ma mémoire ! Mise à part l’Espagne (pour laquelle j’ai repéré six gars du dernier onze vainqueur de l’Euro 2008), l’Histoire me révèle que la presque totalité des gamins passés par cette compétition n’a jamais ensuite atteint le top niveau : ils sont même majoritaires (y compris au sein des grandes nations du foot) à n’avoir jamais réussi une réelle carrière professionnelle ! Ceux que les speakers d’ Eurosport citaient ci-dessus comme des fleurons n’étaient en réalité que les exceptions confirmant la règle, laquelle est la suivante :  » Si je fais partie des meilleurs de mon pays dans les -17 ans, il y a de très fortes probabilités que d’autres gars de mon âge, et pas moi, aient squatté d’ici quelques années les meilleures places disponibles chez les pros !  »

Suite à pareille constatation, une question se pose à tous : est-ce un handicap plutôt qu’un atout, pour la suite d’une carrière, d’être peu ou prou starisé précocement ? Et le dirigeant de club pourrait s’en poser une autre :  » Dois-je encore croire au scouting comme à la prunelle de mon équilibre budgétaire ? »

(*) http://fr.fifa.com/u17worldcup/index

par bernard jeunejean

Qui parlera dans quelques années des vainqueurs suisses de Lagos ?

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