Les salaires de vos idoles

Enquête sur les comptes en banque des joueurs de notre D1.

Que gagnent les 230 à 250 champions en culottes courtes qui gambadent chaque week-end sur les pelouses de la Jupiler League ? Tous payés comme des princes ? N’en croyez rien ! Un agent résume la situation :  » Ils disent tous qu’ils touchent des salaires colossaux, mais il y a beaucoup de bluff là-dedans. Oui, ils ont de grosses voitures, mais vous seriez étonné si vous saviez combien les achètent à crédit « .

Pas facile, en outre, de s’y retrouver dans cette jungle de chiffres. Quand on entend que tel joueur gagne x centaines de milliers d’euros par an, cela ne veut pas encore dire grand-chose. Est-ce du brut ou du net ? Son salaire fixe ou son fixe augmenté des primes de matches ? Avec ou sans les sommes que son club doit verser à la caisse d’épargne pension ? L’éventuelle prime à la signature est-elle comprise dans le calcul ? Tient-on compte des avantages en nature (voiture, logement) ? Le joueur en question est-il taxé comme n’importe quel contribuable (près de 50 %) ou la ponction du fisc se limite-t-elle à 18 % (pour les étrangers et les Belges domiciliés à l’étranger) ? Bref, c’est une fameuse soupe.

Un autre agent nous dresse les différents profils des footballeurs de notre championnat : salaire all inclusive (brut, fixe + primes, avec les versements du club à la caisse d’épargne pension et les avantages en nature) :

– 40 % de joueurs ont moins de 120.000 euros par an

– 30 % tournent entre 120.000 et 200.000 euros

– 20 % ont de 200.000 à 400.000 euros

– 10 % sont au-dessus de 400.000 euros.

Mais que leur reste-il dans le portefeuille à la fin de l’année ?

-120.000 euros bruts par saison, cela correspond à 52.000 euros nets, soit 4.300 euros mensuels nets s’il s’agit d’un Belge domicilié en Belgique – 78.000 euros annuels nets et 6.500 euros mensuels pour un étranger ou un Belge domicilié à l’étranger. Il faut y ajouter le capital et les dividendes de la caisse d’épargne pension, mais cet argent ne pourra pas être encaissé avant l’âge de 35 ans.

-200.000 euros bruts par an, c’est 84.000 euros nets, soit 7.000 par mois – 131.000 annuels et 11.000 mensuels si taxation à 18 % (+ épargne pension).

-400.000 euros bruts à l’année, c’est 164.000 euros nets, soit 13.600 par mois – 262.000 par an et 22.000 par mois si 18 % d’imposition (+ épargne pension).

Sûr que vous rêvez déjà un peu moins en sachant maintenant ce que gagnent 40 % des footballeurs de l’élite belge !

Pour connaître les salaires offerts en Jupiler League, inutile de s’adresser aux joueurs : les mieux payés se contentent d’un sourire et les parents pauvres avancent des chiffres souvent gonflés. Les dirigeants ne sont pas plus précis : cela se comprend. Les agents, eux, communiquent volontiers des salaires, mais pas ceux de leurs propres joueurs. Nous avons ratissé le plus large possible pour donner un aperçu de la situation.

Le salaire, qu’est-ce que c’est ?

Le salaire d’un footballeur comporte quatre postes : le fixe, les primes, l’assurance groupe et les avantages en nature. Pour certains, il faut y ajouter l’un ou l’autre bonus. Le minimum légal actuel pour un sportif professionnel est de 16.350 euros bruts annuels. Les sportifs à temps partiel (notamment ceux qui combinent sport rémunéré et études) ont droit à un minimum de 8.175 euros (toujours bruts annuels). Pour les extracommunautaires, le minimum passe à 65.400 euros. Les primes et les avantages en nature sont compris dans ces calculs. Par contre, le pécule de vacances (auquel les footballeurs ont droit depuis 2003) et l’assurance groupe s’ajoutent à ces montants.

Le fixe

Dans la plupart des clubs, le fixe représente entre 55 et 60 % du salaire total. Aujourd’hui, Anderlecht applique à fond un principe qui fut longtemps la marque de fabrique du Club Bruges : un fixe (relativement) peu élevé mais de très grosses primes de matches : jusqu’à 9.000 euros par victoire pour les joueurs les mieux payés du noyau. Les conséquences sont terribles pour les Mauves qui signent en s’attendant à être repris systématiquement dans le groupe de 18 mais n’y figurent finalement pas. L’exemple le plus marquant est évidemment celui de WalterBaseggio, qui serait un des très gros contrats du Sporting s’il était toujours sur la feuille de match mais dont les revenus ne sont finalement pas si élevés puisqu’il n’est plus jamais dans les grâces de son entraîneur.

Les primes

Un contrat de footballeur prévoit une prime par point en championnat, généralement multipliée par trois exactement en cas de victoire. Il est rare que tous les joueurs figurant sur la feuille de match aient droit aux mêmes primes. C’est le cas au Standard.

Dans certains clubs, on offre des primes progressives : elles augmentent de semaine en semaine si l’équipe reste invaincue ou enchaîne les victoires, voire en fonction de la progression au classement général. Exceptionnellement, certains clubs acceptent d’offrir des primes garanties sur la base d’un nombre précis de points. Lorsqu’il établit son budget en début de saison, un club tient compte d’un nombre hypothétique de points en fin de championnat : 75 à Anderlecht, 68 à Genk, 62 au Standard, 60 à La Gantoise. Pour la plupart des petits clubs, la base de calcul est de 40 points.

Il arrive que tous les joueurs inscrits sur la feuille de match touchent la totalité de la prime. Dans certains autres cas, celui qui monte au jeu reçoit 75 % et celui qui ne quitte pas le banc doit se contenter de 50 %. Un joueur blessé reçoit, durant le premier mois de son indisponibilité, les primes obtenues sans lui. Ensuite, il tombe sous le coup de l’assurance accidents de travail ou de la mutualité. Après six mois d’incapacité pour accident de travail ou deux mois d’indisponibilité pour maladie, la perte de revenus devient très importante.

L’assurance groupe

Depuis 1985, l’épargne pension (assurance groupe) a été généralisée pour les sportifs professionnels actifs en Belgique. C’était une idée de Jean-Luc Dehaene qui souhaitait éviter que les footballeurs ayant dépensé tous leurs revenus pendant leur carrière ne se retrouvent à la rue dès leur retrait des terrains. Les clubs sont obligés de verser un pourcentage du salaire de chaque joueur dans un fonds d’épargne : plus le salaire est élevé, plus le pourcentage est important – mais plafonné à 40 %.

Cette cotisation s’ajoute au salaire brut (fixe + primes) payé aux footballeurs. A l’âge de 35 ans ou à la fin de leur carrière, les joueurs peuvent empocher cette épargne en une fois, avec l’avantage que cette somme est relativement peu taxée (entre 10 et 20 %). A l’âge requis, Pär Zetterberg serait ainsi allé rechercher 2 millions d’euros (nets) à la banque !

Cette assurance groupe est une bonne poire pour la soif mais aussi un handicap pour les clubs car ils ont parfois du mal, lors des négociations, à expliquer à des joueurs étrangers qu’ils toucheront un complément de salaire différé à 35 ans seulement.

Les avantages en nature

De nombreux clubs mettent un appartement ou une maison à la disposition de certains de leurs joueurs, en plus d’une voiture (avec carte de carburant). Ceux qui ne reçoivent pas de logement de leur employeur peuvent obtenir une compensation sous forme de versement mensuel, et ceux qui utilisent leur propre véhicule ont la possibilité de se faire rembourser leurs déplacements professionnels. Les joueurs étrangers reçoivent généralement un autre avantage en nature sous forme de tickets d’avion.

Les bonus

Les meilleurs joueurs de notre championnat négocient souvent une prime à la signature, et pas seulement ceux qui sont libres de transfert à leur arrivée. Cette prime se pratique aussi lors de certaines prolongations de contrat. Une prime à la signature est imposable et renseignée sur la fiche de paie. Elle fait donc partie du salaire et peut être considérée comme une avance. Elle est versée soit à la signature, soit avec le premier mois de salaire, soit en plusieurs tranches.

Les targets constituent une autre forme de bonus : c’est une prime unique et exceptionnelle que le club offre pour un titre, une victoire en Coupe de Belgique, une qualification européenne, un passage de tour en Coupe de Belgique ou Coupe d’Europe, etc. Certains joueurs reçoivent aussi une prime s’ils jouent un certain nombre de matches en équipe Première. Mais ce système comporte le risque que le club n’aligne plus le joueur en question dès qu’il s’approche du total de rencontres lui donnant droit à sa prime. C’est ce que La Louvière avait fait avec ManuKaragiannis, mais celui-ci a attaqué le club en justice et gagné le procès.

Brut/net : que leur reste-t-il ?

Les Belges domiciliés en Belgique

Ils sont taxés selon le même calcul que n’importe quel autre contribuable. Sur leur première tranche de revenus (31.700 euros), ils gardent (net) environ 20.000 euros. Et tout ce qui dépasse 31.700 euros est taxé à 50 %.

Les étrangers évoluant en Belgique

Depuis 2002, ils bénéficient d’un taux d’imposition extrêmement avantageux de 18 % sur la totalité de leurs revenus. Cela leur confère un sérieux avantage concurrentiel par rapport aux joueurs belges car, pour un même salaire net, le brut d’un étranger est beaucoup moins élevé que celui d’un Belge taxé à près de 50 % – ce qui fait que les clubs ont intérêt à recruter des étrangers plutôt que des Belges.

En d’autres mots : lorsqu’un club allonge le même budget pour un Belge et pour un étranger, le Belge garde en poche (net) beaucoup moins que son coéquipier venu d’ailleurs. Cette taxation est d’ailleurs l’une des explications de nombreux départs de joueurs belges vers d’autres championnats.

Les Belges domiciliés ailleurs

Il leur est possible de contourner la taxation classique à 50 % en se domiciliant en France ou en Allemagne. Celui qui utilise cette liberté (tout à fait légale) bénéficie du régime de taxation préférentiel de 18 %, comme les étrangers. Cela explique que de nombreux joueurs de Genk (par exemple) soient domiciliés en Allemagne, et que de nombreux footballeurs de Charleroi, d’Anderlecht ou du Club Bruges (notamment) aient leur domicile en France. Mais les Belges du Standard, par contre, ne sont pas autorisés par la direction à se domicilier à l’étranger pour raisons fiscales.

Quelques exemples :

Brut annuel (hors assurance groupe) (BA)

Net annuel pour Belge domicilié en Belgique (NAB)

Net annuel pour étranger ou Belge domicilié en France/Allemagne (NAE)

Toutefois, ce régime avantageux est limité à quatre années. Et il va carrément disparaître. En effet, la règle des 18 % d’imposition n’existera plus à partir du 1er janvier 2008. Ni pour les Belges domiciliés à l’étranger, ni pour les étrangers de notre championnat. Tous les footballeurs de notre championnat seront donc sur le même pied, taxés de la même façon que n’importe quelle personne physique exerçant son métier sur le territoire belge.

(Dans les cadres consacrés aux clubs, nous avons réalisé une simulation sur la base d’un nombre prévisible de points obtenus en fin de saison, pour calculer le salaire brut approximatif de certains joueurs. Ce nombre de points a été fixé en tenant compte du classement de la saison dernière et des résultats du club concerné lors des premiers matches du championnat en cours).

par pierre danvoye et jan hauspie

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