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Les salaires de la peur

Les comptes anderlechtois affichent une masse salariale inédite, qui est la source d’une bonne partie des soucis de la gestion financière mauve.

Malgré l’annulation des play-offs, la chute semble avoir été bien amortie. De 52,1 millions, le chiffre d’affaires de l’année comptable mauve n’est tombé qu’à 51,6. À la lecture des comptes anderlechtois, c’est peut-être la seule bonne nouvelle.

Le problème, c’est que ce chiffre d’affaires est inférieur à la masse salariale du Sporting bruxellois. Là où les recommandations de gestion d’un club de football indiquent généralement que les salaires doivent représenter environ 70% du chiffre d’affaires (à Bruges, le ratio est à 64%), les émoluments mauves facturaient au 30 juin dernier 112% de ce chiffre d’affaires. Beaucoup trop élevé pour être tenable sur la durée, même si le recasage de joueurs excédentaires à gauche et à droite par Peter Verbeke a permis de faire chuter l’addition lors de ces derniers mois.

58 millions, c’est un plafond historique pour les masses salariales de Pro League. À titre de comparaison, le champion brugeois affichait fin juin 46,3 millions dans la colonne « salaires » de son bilan, alors que les autres membres du G5 sont tous sous la barre des quarante millions.

Gargantuesque, la somme est le résultat d’années de nouveaux projets, tous menés avec le faste d’un géant désireux de retrouver les sommets. Quand il est installé par Marc Coucke, Luc Devroe offre à certains joueurs, notamment venus d’Ostende, des salaires bien supérieurs à leur véritable valeur. Le président lui-même frappe plus fort que juste, quand il propose une paye royale à Adrien Trebel sans même que le Français et son entourage ne doivent tenter de faire monter les enchères. Par la suite, c’est Michael Verschueren qui proposera à certains joueurs des augmentations salariales parfois surréalistes, sans même évoquer l’arrivée en grandes pompes de Vincent Kompany, payé rubis sur ongle au même titre que des Nacer Chadli ou Samir Nasri, faisant définitivement décoller une masse salariale déjà historiquement élevée.

58 millions, c’est le plafond historique pour les masses salariales de Pro League qu’a atteint Anderlecht.

Largement au-dessus de ses moyens, le club constate une perte abyssale de 65 millions d’euros sur les deux dernières années, malgré deux augmentations de capital depuis 2019 à hauteur cumulée de 32,3 millions d’euros. Au moment où il laisse la présidence du club à Wouter Vandenhaute, Marc Coucke promet un décollage ambitieux du capital mauve pour permettre au club le plus titré du pays de se rapprocher plus rapidement des sommets. Le blocage des actionnaires minoritaires, qui refusent de voir leur participation gonfler sans retour en termes de pouvoir décisionnel, en décide autrement. L’augmentation de capital de cinq millions d’euros conclue pour 2021 est un accord minimaliste pour éviter de mettre la licence en péril. En manque de liquidités, l’entreprise RSCA est en péril à court terme. Le calcul du taux de liquidité au sens strict, qui doit se situer entre 0,7 et 0,9 pour être sain, affiche un très faible 0,55, témoin d’une société qui doit s’attendre avec certitude à des difficultés de paiement des dettes à court terme.

Anderlecht est au moins débarrassé du spectre des sanctions qui menaçaient des augmentations de capital excessives (joueurs en moins sur la feuille de match, voire retrait de points), grâce à l’assouplissement des règles du fair-play financier. L’irruption du Covid et ses dégâts sur la comptabilité des clubs belges a incité la Fédération à relâcher la bride, et permet indirectement à certains clubs – l’Antwerp en tête – de surcapitaliser, au risque de tomber dans le dopage financier et la concurrence déloyale. Au sein des pages du règlement P de la RBFA, les limites fixées à trente millions sur plusieurs saisons ont disparu.

Reste malgré tout aux Mauves à trouver un nouvel accord dans les bureaux pour pouvoir offrir à Peter Verbeke et ses équipes une politique plus ambitieuse que celle des prêts à répétition pour encadrer les jeunes talents de Neerpede. Sans cela, la vente d’un joyau du centre de formation sera un passage indispensable de l’été pour espérer sortir la tête de l’eau. Après Jérémy Doku, parti avant de lutter pour le moindre trophée, Anderlecht sera-t-il encore contraint de faire passer ses nécessités financières avant ses ambitions sportives pour redresser la barre?

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