LES ROIS DU GASPI

Le Portugal a tiré 49 fois au but depuis le début de l’Euro. Et il n’a marqué qu’une fois. La Ronaldodépendance n’explique pas tout.

Même si, au vu du classement FIFA, elle était considérée comme favorite du groupe E, la Belgique savait que les hypothèses de deuxième place étaient réelles. Et que, dans ce cas, elle serait opposée au vainqueur du groupe F. Soit, dans l’esprit de tous, le Portugal.

Sauf que… les Portugais sont restés coincés dans les starting blocks et qu’après deux matches nuls, il va leur falloir battre la Hongrie pour terminer en tête de leur poule. Et même comme cela, il leur faudra inscrire un but de plus que l’Islande si celle-ci battait l’Autriche.  » Nous allons gagner. Et pas seulement par un ni peut-être même deux buts d’écart « , assure JoãoMoutinho, fort du nombre d’occasions que les Portugais se sont créé jusqu’ici.

Le Portugal est l’équipe qui a le plus tiré au but : 49 tentatives en 180 minutes. Elle est aussi la troisième au nombre de passes réussies et en terme de possession de balle.  » En neuf matches officiels sous ma direction, c’est la première fois que nous n’arrivons pas à marquer et cela n’arrivera plus « , dit FernandoSantos.  » Quand on se crée 15 occasions nettes en deux matches, elles ne peuvent pas toutes passer à côté.  »

Dans le clan portugais, cependant, l’atmosphère reste très sereine. On moque gentiment les nombreux ratés de l’équipe mais ni la stratégie ni l’ensemble des choix de Fernando Santos ne sont remis en question. Samedi soir, au retour à l’hôtel, les joueurs ont même été applaudis par les supporters qui les attendaient.

Contrairement à ses prédécesseurs, Fernando Santos communique abondamment, sans aucune agressivité ni lassitude. Le jeu est au rendez-vous (  » Parfois, j’ai même l’impression qu’on veut trop bien faire « , dit le sélectionneur) et le Portugal concède peu d’occasions. Même s’il n’a plus la vitesse de ses 20 ans, RicardoCarvalho a ramené de la stabilité dans l’axe aux côtés d’un Pepe toujours trop agressif.

Le poste d’arrière droit peut poser un problème sur le plan défensif mais à gauche, Guerreiro apporte beaucoup de profondeur et démontre qu’il n’a pas usurpé son transfert à Dortmund.

Dans l’entrejeu, emmené par JoãoMoutinho (élu Homme du match contre l’Autriche) ou JoãoMario (ensemble, ils se marchent un peu sur les pieds), le Portugal a renoué avec une qualité de jeu proche de celle qu’on lui connaissait à l’époque de RuiCosta et Deco, d’autant que WilliamCarvalho coupe bien les angles derrière eux. Seul défaut de Moutinho : il ne surgit pas suffisamment de la deuxième ligne.

SUR UNE JAMBE

Ce qui ajoute encore un peu plus au problème de manque de concrétisation. Les Portugais savaient avant le début du tournoi qu’ils dépendraient à nouveau énormément de CristianoRonaldo. C’est comme ça depuis la retraite de la plupart des joueurs de la génération dorée, après la finale perdue de l’Euro 2004.

Et malheureusement pour eux, depuis 2006, CR7 n’a plus jamais pris le départ d’une phase finale dans les meilleures conditions. Cette fois encore, il a joué la finale de la Ligue des Champions sur une jambe, sauvant sa prestation en inscrivant le tir au but décisif. Puis on l’a envoyé se reposer à Ibiza pendant que la selecção préparait l’Euro.

Ronaldo est revenu pour le match amical contre l’Estonie (7-0), au cours duquel il a marqué deux buts. Tout le pays a poussé un ouf de soulagement : l’air maritime d’Ibiza et une jolie jeune fille avec qui on peut le voir se trémousser chaleureusement sur un bateau semblaient l’avoir remis d’aplomb.

Dès le premier match contre l’Islande, il a fallu déchanter : Cristiano Ronaldo était présent d’esprit mais pas de corps. La détente est l’un de ses points forts mais jamais il n’est parvenu à battre les Vikings islandais dans le jeu de tête. Comme s’il ne pouvait prendre appui sur sa cheville. Après quelques minutes, quand on l’a vu redescendre chercher des ballons au milieu de terrain, on avait compris.

Pire : on l’a vu s’énerver, se montrer ironique à chaque décision arbitrale et, après le match, il a accusé les Islandais d’afficher  » une petite mentalité, de ne songer qu’à défendre.  » Il a même refusé d’échanger son maillot avec le capitaine islandais, lui répondant :  » Tu es qui ?  »

Contre l’Autriche, Cristiano Ronaldo ne fut guère meilleur. Il s’est fait prendre comme un débutant au piège du hors-jeu tendu par les Autrichiens, a manqué tous ses coups francs (pourtant une autre de ses spécialités) et a joué de malchance lorsque son penalty s’est écrasé sur le bas du montant. Mais à la fin du match, il était beaucoup plus cool que contre l’Islande puisqu’il a empêché la sécurité d’embarquer un supporter qui voulait faire un selfie avec lui, prenant même le temps de regarder le cliché qui venait d’être pris.

PROBLÈME DE CONCRÉTISATION

Quelques voix s’élèvent timidement pour savoir si un autre joueur ne devrait pas prendre ses responsabilités sur les phases arrêtées mais ceux qui posent la question savent qu’il n’y a pas d’autre réponse que celle donnée par Fernando Santos.  » Ronaldo tirera encore les coups francs parce que cela fait des mois que nous travaillons cela et le prochain penalty sera également pour lui : cette fois, il le marquera « , dit le sélectionneur, qui affirme que le Portugal reste le favori de ce groupe, un des plus faibles de l’Euro (6 buts inscrits en 4 matches, seul le groupe de l’Allemagne a fait pire).

Le problème de concrétisation du Portugal n’est pas neuf. Depuis… Eusébio, la seleção souffre de l’absence d’un attaquant. Pendant quelques années, Pauleta a été l’arbre qui cachait la forêt, même si une bonne partie de ses buts a été inscrite dans des matches amicaux. De plus, Deco et Rui Costa ou Figo marquaient régulièrement, ce que Moutinho ne fait pas.

Le Portugal a bien un « vrai » attaquant de pointe : Eder, que Swansea a prêté à Lille, où il a inscrit 5 buts en 13 matches. Mais en 26 sélections, il n’a marqué que 3 fois. A Braga déjà, où il s’était révélé, il s’était surtout avéré être très rapide en contre. Or, le Portugal passe le plus clair de son temps dans le camp adverse.

Fernando Santos est donc le premier sélectionneur depuis longtemps à oser jouer en 4-4-2 avec l’équipe portugaise. Contre l’Islande, CR7 a joué en pointe aux côtés de Nani. Avant le match contre l’Autriche, quand on a demandé au coach si c’était la meilleure solution, il a noyé le poisson en répondant qu’au Real, quand KarimBenzema sortait, c’est Ronaldo qui terminait le match en pointe. Il n’a pas précisé que, dans ces cas-là, la différence était bien souvent déjà faite.

 » Cristiano est un des meilleurs joueurs du monde et il doit avoir une liberté totale « , a-t-il ajouté. Contre l’Autriche, cependant, il avait profité du retour de blessure de RicardoQuaresma pour modifier son système.  » Ça pouvait vous sembler être un 4-3-3 mais ce n’en était pas un « , dit-il.  » C’était juste un 4-4-2 plus audacieux. La différence est que Nani jouait derrière Cristiano Ronaldo et pas à côté. Contre la Hongrie, il est cependant possible que j’en revienne au système utilisé contre l’Islande, parce que je m’attends au même type de match. Sauf que, cette fois, la victoire sera au bout.  »

PAR PATRICE SINTZEN – PHOTO BELGAIMAGE

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