Les revanchards

Matches truqués, président en prison, faillites, C4, problèmes de contrat, supporters déchaînés,… Pas belle pour tous, la vie avant d’arriver chez les Zèbres.

Le sauvetage n’est pas garanti mais ça sent bon pour Charleroi, dans le top 10 avant de reprendre le fil du championnat. Tout le monde savoure. Certains joueurs encore plus que d’autres ! Parce qu’avant cette gloire soudaine, il y a eu quelques galères. Evocation.

Parfait Mandanda, dangereux bain turc

Aujourd’hui. La cote de Parfait Mandanda est de plus en plus énorme. Certains l’appellent  » le chat « , d’autres mettent le doigt sur son keeping aussi spectaculaire que celui de son frère Steve – Marseillais, Bleu et double meilleur gardien de Ligue 1. Il y a aussi les jeux de mots à deux balles sur son prénom. Et sa récente désignation de meilleur étranger de la Pro League par Het Nieuwsblad. Genk a déjà essayé de l’avoir, son agent reconnaît qu’il y a de l’intérêt dans d’autres clubs flamands et à l’étranger. Plus anecdotique : Mandanda est répertorié par Wikipédia comme l’une des personnalités historiques de sa ville natale, Nevers. Aux côtés de Bernadette Soubirous et Pierre Bérégovoy, rien que ça !

Hier. Juste avant de poser son sac à Charleroi, il a pourtant traversé une belle galère. Evitez de lui rappeler son passage à Altay Izmir, en D2 turque. Il y reste une saison (2010-2011) et joue à peine une douzaine de matches. La fin de son séjour est une vraie catastrophe. Les joueurs ne sont plus payés, ou avec retard. Il soupçonne même des trucages. Dans Le Soir, il dit :  » A quelques matches de la fin, les trois renforts étrangers ont été mis sur le banc, sur ordre venu d’en haut, si vous voyez ce que je veux dire. Et Altay est descendu en D3. A ma place, on avait fait jouer le troisième gardien, qui n’avait pas 18 ans.  » Mandanda passe directement à Manisaspor, où il fait la préparation estivale en attendant de rencontrer le président pour finaliser son contrat. Le boss se fait désirer.  » J’ai fini par me rendre compte pourquoi il ne pouvait pas me rencontrer : il était en prison à cause d’une affaire de matches truqués. J’ai repris mes affaires et je suis rentré en France.  »

Un an plus tôt, il avait déjà pris l’avion pour la Turquie sur un coup de tête, un malentendu :  » A Beauvais, mon entraîneur m’avait cassé parce que je n’avais pas pu lui dégoter des places pour un match que Marseille jouait à Nancy. D’un coup, j’étais passé de doublure du titulaire à quatrième gardien. Ça fait mal, c’est le genre de truc dont un jeune peut ne jamais se remettre.  »

Danijel Milicevic, Eu-peine

Aujourd’hui. Le nouveau capitaine, c’est lui. Le meilleur buteur zébré (derrière DavidPollet, faut quand même pas déconner…), c’est encore lui. Le roi des assists (huit, seulement deux de moins que Thorgan Hazard), c’est toujours lui. Danijel Milicevic a du (beau) foot dans les pieds, la justesse de la passe qui tue et le sens de l’infiltration. Le Suisse figure accessoirement dans le top 3 des joueurs les plus légers avec ses 61 kilos.

Hier. Quand il racontera sa vie à ses petits-enfants, Milicevic pourra dire qu’il était au Kehrweg (et même comme capitaine) quand Eupen a disputé la seule saison de son histoire en D1. Mais à quel prix ! Il y dispute d’abord deux championnats en D2, puis il y a la montée et cette campagne complètement folle. Danny Ost est vite dégommé. Il est remplacé par le tout petit coach italien Eziolino Capuano, surnommé  » TheSpecialOne  » dans son pays. Son premier entraînement, c’est deux heures pleines de tactique, avec Capuano qui hurle comme un perdu. Milicevic, déjà plaque tournante et capi, reçoit une troisième casquette : il doit traduire en français les consignes en italien de l’entraîneur, pour ceux qui ne comprennent pas cette langue. Capuano ne fait que passer – trois semaines. Sa place est prise par Albert Cartier, viré au début des play-offs 3 contre Charleroi et remplacé par Ost !

Le médian suisse s’accroche. Eupen remporte ces barrages puis s’écroule lors du tour final contre les équipes de D2. De nouveaux patrons débarquent et font le ménage : il n’y a plus de place pour Danijel Milicevic dans le noyau. De son expérience germanophone, il retient par exemple les hivers interminables et les innombrables entraînements en salle quand les terrains étaient recouverts de 30 ou 40 centimètres de poudreuse.  » Cela nous a fait perdre le rythme et c’est, pour moi, l’une des principales explications à notre deuxième partie de saison compliquée « , dit-il à l’époque.

Guillaume François, faillite-man

Aujourd’hui. Il a un gabarit un peu bouboule mais qu’est-ce qu’il court ! GuillaumeFrançois, de la race des rares Ardennais à avoir fait son trou dans notre foot, est une très bonne pioche de l’hiver dernier. Mettez-le au back, avancez-le quelques mètres plus haut, il y aura souvent la même efficacité au bout du compte pour cet ancien attaquant.

Hier. On appelle ça la scoumoune. Guillaume François travaille successivement pour deux condamnés à mort. Pour des patrons mégalomanes. Incapables – évidemment – d’assumer dans la durée. D’abord à Mouscron. Il y est un témoin privilégié de la disparition du club. Il quitte fin 2009 quand l’Excel déclare forfait général en plein championnat. Direction le Beerschot où ça ne se passe pas beaucoup mieux. A son programme : blessures, manque de confiance de certains coaches (comme Glen De Boeck), ensuite malaise financier. Sa dernière saison  » pleine  » à Anvers n’est pas si pleine que ça : en 2011-2012, il est titularisé moins d’une quinzaine de fois. Il s’en plaint à l’époque dans les journaux :  » Je suis monté dix-huit fois en cours de match, mais huit fois, c’était pour moins de cinq minutes. Cette année n’a pas été facile du tout. Elle a même été frustrante. Mais que faire dans une situation pareille ? Le coach m’a fait remarquer que j’avais reçu ma chance en début de championnat et que je ne l’avais pas saisie. Et un jour où je suis rentré d’un match des Espoirs, il n’y avait plus de place pour moi dans l’équipe.  »

Guillaume François commence la saison suivante avec un moral regonflé, il mise beaucoup sur l’arrivée d’AdrieKoster. Mais le spectre mouscronnois refait surface, les caisses se vident, on entend les pires rumeurs sur l’avenir du Beerschot. Il s’en va à temps, en janvier 2013, quatre mois avant la mise en faillite du club. Avec des sentiments mitigés sur sa première expérience en Flandre. Les supporters ne sont pas convaincus non plus. Lu sur un réseau social au moment de son départ vers Charleroi :  » Ce gars-là sait dribbler mais il ne tient jamais une heure et demie à un haut niveau.  »

David Pollet, sang (beaucoup) et or (un peu)

Aujourd’hui. David Pollet rappelle François Sterchele et Joseph Akpala (par l’efficacité et la joie de vivre), les deux derniers buteurs pur jus de Charleroi. L’ange blond a frappé onze fois cette saison, il avait déjà mis six buts entre janvier et mai alors qu’il découvrait le championnat de Belgique. Et, régulièrement, ce sont des goals beaux à voir. Pas étonnant qu’il soit devenu une des principales cibles du mercato en cours. On a cité Lokeren, et surtout Zulte Waregem qui voit en lui le successeur de Habib Habibou. Mais il faudra mettre le prix. Probablement un petit million, avec 30 % qui iront directement sur le compte de Lens, son club d’origine, qui l’a cédé gratuitement en échange de cette clause de bonus.

Hier.  » Quand un joueur ne prolonge pas dans son club formateur, je me dis qu’on ne peut pas compter sur lui, c’est révélateur d’un état d’esprit.  » Ces mots durs sont lâchés il y a un peu plus d’un an par le directeur sportif de Lens. David Pollet y traverse alors des moments difficiles. La direction veut prolonger son contrat, il refuse obstinément. Il affirme :  » Le Racing, c’est mon club.  » Mais il ajoute :  » Je suis ici depuis longtemps et j’ai envie de voir autre chose. Je veux partir car aujourd’hui, le contexte est pesant.  » Lens l’a donc formé, l’a ensuite prêté (Reims, Gueugnon, Paris FC) puis l’a récupéré et lui a même donné une chance en Ligue 1. Il y a marqué un (seul) but, puis le club a fait la culbute. Pendant sa saison complète en Ligue 2, il a scoré douze fois et assuré le maintien. Ensuite, dès le début de la saison 2012-2013, sa situation se gâte. Il a encore à peine un an de contrat, on lui demande de resigner, le bras de fer s’engage. Sans qu’on sache si c’est lié à sa situation contractuelle, il perd sa place de titulaire. Son entraîneur, Eric Sikora, le tacle publiquement :  » Ce qui est dommage, c’est qu’au départ, on instaure de la concurrence, tout le monde est d’accord, et après tu lâches. Il n’y a rien de tronqué dans mon choix de privilégier un autre attaquant.  »

Le public choisit son camp, celui de la direction. Le refus de Pollet face aux propositions de prolongation fait les choux gras de la presse du Nord. Il se fait siffler, et même plus. Il déclare :  » Mes relations avec les supporters se sont dégradées et ça me touche. J’ai été formé au club et c’est dur à vivre. L’an dernier, j’ai marqué beaucoup de buts mais le supporter a la mémoire courte (…) C’est difficile de montrer ce qu’on sait faire quand on ne joue que les deux dernières minutes. Et je me suis échauffé en me faisant insulter par les supporters.  »

En décembre 2012, il annonce son départ irrévocable :  » Je ne prolongerai pas, mon dossier a été trop mal géré. On aurait dû me proposer une prolongation en fin de saison dernière, pas à six mois de la fin de mon contrat. On me donne l’impression de vouloir me prolonger pour mieux me vendre et ça me ferme des portes. Ce qui est certain, c’est que je ne porterai plus le maillot de Lens en 2013.  » En quittant Bollaert, il met la dernière couche :  » Je veux oublier les derniers mois.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Dans la famille, on ne la ramène pas et on ne se la joue jamais.  » (Parfait Mandanda)

 » Je m’inspire plus de Thomas Meunier que de Guillaume Gillet.  » (Guillaume François)

 » Je marque, je donne des assists, je l’ai même fait dans une ambiance fantastique contre Anderlecht, c’est parfait.  » (Danijel Milicevic)

 » Pour y arriver, il ne suffit pas de faire des misères aux grands.  » (David Pollet)

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