Les recalés

Plusieurs athlètes dont Steve Darcis et Olivier Rochus ont contesté les minima du COIB.

Le verdict est tombé : Wouter D’Haene n’ira pas à Pékin. Le kayakiste, qui avait goûté aux Jeux à Athènes en terminant cinquième (avec Bob Maesen) du K2 1.000m, n’a pas réussi à réaliser les critères demandés par le COIB. Or, D’Haene avait satisfait aux critères du CIO (il avait terminé septième aux Championnats d’Europe), plus faciles, et a donc décidé d’attaquer en justice le Comité Olympique Interfédéral Belge. Le tribunal en référé de Bruxelles ne lui a finalement pas donné raison, jugeant la requête trop tardive, les places dévolues par le CIO à la Belgique ayant entre-temps trouvé preneurs du côté du Portugal et d’Israël.

Cet exemple n’est pas isolé. Pour la première fois, de nombreux athlètes recalés se sont rebellés. Outre D’Haene, sa collègue Petra Santy, le cycliste BMX Arnaud Dubois, la nageuse Kimberly Buys et les tennismen Steve Darcis et Olivier Rochus sont furieux de ne pas avoir été retenus dans la sélection définitive. Certains sont d’autant plus amers qu’ils ont échoué aux portes des JO. Comme Buys à qui il a manqué 9 centièmes de seconde sur le 100m papillon.  » Le COIB n’a aucune raison d’exiger des critères plus sévères que les critères internationaux « , déclarait Dimitri Dedecker, l’avocat qui défendait les intérêts de D’Haene.  » Le CIO a déjà fixé des limites pour éviter que des paumés et des amateurs ne viennent aux Jeux. De précédents arrêts de la Cour européenne donnent raison à Wouter D’Haene : il n’y a pas de raison d’exiger des critères plus stricts en Belgique. Il doit donc être repris dans la sélection olympique « .

Les objectifs du COIB et du CIO sont différents

Et c’est sur ce point que le bât blesse. Car les critères du CIO et ceux du COIB n’ont pas la même vocation.  » Les critères du COIB sont apparus pour les Jeux de 1980 « , explique Philippe Préat, coordinateur de la commission de sélection du COIB.  » A l’époque, ils concernaient tous les athlètes qui pouvaient terminer dans les seize premiers. Ce n’est qu’en 1996 que le CIO a fixé des critères. Mais pas dans le même but. En 1980, le COIB recherchait un niveau de prestation mais cela avait aussi un but économique. Les Etats-Unis avaient appelé au boycott. L’Etat belge ne s’était pas prononcé en faveur du boycott mais avait refusé de financer la délégation. Le COIB avait donc dû financer les Jeux de Moscou à 100 %. Par la suite, le critère financier n’a plus compté mais le critère de qualité s’est affiné car le sport évoluait. Le CIO a, quant à lui, pensé à émettre des critères face à l’inflation du programme olympique. En 1996, le CIO a fixé des critères afin de limiter le nombre d’athlètes à 10.500. Ils sont élaborés pour que chaque sport ait son quota. Le COIB est mû par un autre but : il veut un même niveau de performance dans tous les sports « .

D’après cette logique, il est donc normal que les critères du CIO et ceux du COIB ne correspondent pas.  » Il faut que chaque athlète termine dans les huit premières nations « , continue Préat.  » Dans un sport comme le judo où il n’y a qu’un athlète par pays, il faut terminer dans les huit premiers. Dans une discipline comme la natation où il y a deux nageurs par pays, il faut intégrer le top-12 mondial. En athlétisme, où il y a parfois trois athlètes par pays, il faut être parmi les 16 premiers mondiaux. Et en tennis (4 joueurs par pays), on fixe la barre à la 24e place mondiale « .

A côte du ranking, le COIB prend également en considération les résultats réalisés lors des grands tournois ou des grands championnats (Championnat d’Europe ou du Monde). Tout cela fonctionne mais échaudé par les mauvais résultats enregistrés par certains athlètes lors des précédentes olympiades, le COIB a haussé ses exigences. Ce que d’aucuns ne comprennent pas.  » C’est une fausse idée de croire que nous avons durci l’accès aux Jeux Olympiques « , ajoute Préat,  » Nous adaptons les critères après chaque olympiade mais cela reste réaliste. En haltérophilie, par exemple, on a tenu compte de tous les problèmes de dopage et on a revu à la baisse les critères. Même chose dans certaines épreuves d’athlétisme. Par contre, on se rend compte qu’en natation, nos critères deviennent limites. Avec l’évolution du sport et des équipements, nous craignons qu’ils ne soient trop faciles et que les athlètes, dès lors, ne répondent plus à nos objectifs. Mais on ne veut pas changer de critères en cours d’olympiades. Ils ont été arrêtés en novembre 2006 et nous n’avons fait qu’une exception pour la gymnastique, à la demande de la Fédération internationale « .

Un tennisman au classement insuffisant ne va pas à Roland-Garros

D’après le COIB, tout cela est limpide. Il n’empêche que la révolte gronde, ce que personne n’avait imaginé.  » Ces critères n’ont jamais été critiqués. Sauf ces derniers mois. Quand nous les avons établis, cela s’est fait en concertation avec toutes les fédérations. Les critères étaient connus à l’avance et ils avaient été expliqués aux athlètes. En tennis, un membre du COIB avait pris la peine de se déplacer à un match de Coupe Davis et avait expliqué aux joueurs présents les conditions pour rallier Pékin. Je comprends la déception de certains athlètes. Cela prouve qu’ils ont de l’ambition mais leur réaction n’est pas appropriée. Des règles existent dans tous les sports. Quand le classement d’un tennisman est insuffisant, il ne va pas à Roland-Garros. Il s’agit simplement de l’évolution de la société actuelle. On regarde surtout ce qu’on n’a pas, plutôt que ce qu’on possède « .

Ce que les athlètes reprochent au COIB, c’est finalement le peu de clémence de la commission de sélection. Car s’il y a la loi, il y a aussi l’esprit de la loi. En tennis, pour se qualifier, Darcis et Rochus devaient faire partie du top-24. Quasiment irréalisable. Ou réaliser deux quarts de finale en Grand Chelem ou Masters Series. Une gageure. Les sceptiques rétorqueront que cela ne sert à rien d’envoyer à Pékin, un tournoi qui regroupera la crème de la crème, un joueur comme Darcis qui n’a jamais passé un tour en Grand Chelem. Les défenseurs du tennisman rétorqueront que les critères édictés ne tiennent pas compte de la progression énorme réalisée par un jeune joueur qui pointe déjà à la 63e place mondiale. Même remarque pour D’Haene qui a terminé septième du Championnat d’Europe (alors que, pour le COIB, il fallait une sixième place pour se qualifier pour les JO) et qui a réalisé une bonne performance à Athènes.

Le COIB n’a pas du tout apprécié la révolte. Aucun des frondeurs n’a d’ailleurs été repêché. Sans doute pour ne pas devoir les reprendre tous. Or, comme il n’y a pas de critères bien établis pour les repêchages…  » Il y a une analyse complète au cas par cas par la commission de sélection et vous comprenez que celle-ci garde ses débats secrets « , conclut Préat.

par stéphane vande velde

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