Les raisons du renouveau

Le flamboyant gaucher explique pourquoi ni le duel contre Bordeaux ni le championnat ne sont joués.

Il y a un peu plus d’un an, Jelle Van Damme faisait encore partie au RSCA, à l’instar de Cristian Leiva, des transferts douteux. L’Argentin est passé au Mambourg et son ancien compagnon d’infortune, lui, s’est élevé dans la hiérarchie anderlechtoise au point d’y faire figure d’incontournable. Aligné indifféremment à tous les postes à gauche, l’Anversois compte parmi les Mauves les plus réguliers de la saison.

Que retenez-vous de ce match aller contre Bordeaux ?

Jelle Van Damme : Le résultat et la manière. Le résultat d’abord car plus personne ne donnait cher de nos chances de l’emporter après que l’adversaire eut ouvert le score sur un penalty à tout le moins généreux. Pour beaucoup, cet avantage à la marque était ni plus ni moins conforme à la logique dans la mesure où, sur papier, Bordeaux nous était soi-disant supérieur. En renversant la vapeur, nous avons prouvé que nous méritions un peu plus de considération. D’autant que pour arracher in extremis la victoire, nous avons produit un jeu d’excellente facture. C’était le meilleur match d’Anderlecht depuis longtemps. Il doit nous servir de référence pour le retour au Parc Lescure.

Comment voyez-vous cette joute ?

Chez nous, le mot d’ordre des Girondins était manifestement de tenir le nul le plus longtemps possible avant de faire la différence suite à l’introduction de sang neuf. Les gars de Laurent Blanc ont failli y parvenir, à cette nuance près que c’est nous qui nous sommes singulièrement rebiffés en fin de rencontre, vu l’injustice dont nous avions été victimes. A Bordeaux, il ne faudra pas s’attendre au même attentisme. Le credo, pour les locaux, sera d’inscrire le plus rapidement possible le but synonyme de qualification pour eux. A cette fin, ils aligneront sans doute directement leur armada offensive formée de Fernando Cavenaghi, David Bellion et Johan Micoud, ceux-là mêmes qui avaient pris place sur le banc dans nos installations.

Micoud, précisément, avait été le tourmenteur du RSCA avec Brême.

Je sais. Il ne s’est d’ailleurs pas privé de me le rappeler quand je l’ai eu au téléphone pour évoquer nos retrouvailles. Jo, c’était mon meilleur pote à l’époque où nous jouions de concert au Werder. L’allemand, ce n’était pas vraiment son truc et quand il s’agissait de faire chambre commune, il se réfugiait toujours chez moi, qui baragouinais quelques mots de français. Je l’ai souvent dépanné comme traducteur mais je lui dois une fière chandelle aussi. J’ai beaucoup appris à ses côtés, à la fois sur le plan footballistique et humain. Près de dix années nous séparent. J’étais un véritable chien fou à mon arrivée en Allemagne. Lui, en revanche, c’était le sage qui me prodiguait toujours de judicieux conseils.

 » Tout doux, le Belge « 

Exemple ?

A un moment donné, je me suis sérieusement blessé. Si j’ai été soigné dans les règles de l’art, le club m’a quand même fait comprendre, de manière indirecte, que j’étais devenu indésirable. En ne m’incorporant pas dans le noyau, par exemple ou en m’obligeant à m’entraîner en solitaire au moment où tous les autres bénéficiaient de 48 heures de récup’. Une fois, j’ai failli sortir de mes gonds mais le Français m’a dit -Tout doux le Belge, on se calme (il rit). Il m’a fait comprendre que c’était peine perdue de me révolter et que j’avais tout intérêt à faire contre mauvaise fortune bon c£ur. J’ai écouté ses conseils et bien m’en a pris car un beau jour j’ai fini par être repêché et j’ai terminé la saison. A l’heure des adieux, j’ai d’ailleurs reçu un beau cadeau des dirigeants pour services rendus. Comme quoi, tout peut basculer très vite.

Qui de Micoud ou vous a le plus envie de rencontrer le Bayern en huitièmes ?

J’ai une furieuse envie de passer le tour, comme lui sans doute, mais je ne flashe pas sur les Bavarois. J’ai beau avoir joué une saison en Bundesliga, je ne suis pas spécialement branché sur cette compétition et ses clubs. A la limite, le championnat des Pays-Bas, que j’ai disputé avec l’Ajax, m’interpelle davantage. Mais le top, évidemment, c’est la Premier League. A la fois pour la qualité du football et l’effervescence. Sous cet angle-là, je regrette d’avoir abouti trop tard à Anderlecht car il m’aurait plu de jouer Chelsea ou Liverpool. Pour le reste, je n’ai pas de préférence, un adversaire allemand, espagnol, italien ou danois, c’est kif-kif.

Anderlecht est souvent méconnaissable away. Pourquoi en irait-il autrement à Bordeaux ?

Tout simplement parce que l’équipe s’est sensiblement bonifiée. Elle exprime enfin tout son potentiel à présent. Aucune autre n’est aussi riche en profondeur en Belgique. Car le Sporting a vraiment tout : des gars techniques, d’autres physiques. De plus, on a des individualités marquantes comme Ahmed Hassan.

A priori, tout semble pourtant vous opposer ?

C’est vrai, mais ne dit-on pas que les extrêmes s’attirent. L’Egyptien est quelqu’un de très réservé mais il est toujours le premier à rire de mes facéties. Je pense qu’il a tout particulièrement apprécié que je l’appelle Magic un beau jour. Ahmed carbure à la reconnaissance. Il a besoin qu’on lui dise régulièrement qu’il est grand et très important pour l’équipe. Moi, je n’ai de cesse de le lui répéter. Ariel Jacobs joue sur cette corde aussi. Mais son devancier ne l’avait pas toujours compris ainsi, hélas. Or, quand on l’a avec soi, c’est un joueur fantastique. Je comprends qu’il se pose parfois des questions : trois fois vainqueur de la Coupe d’Afrique des Nations mais toujours pas reconnu à sa juste valeur chez nous. Pourtant, à côté de lui, on peut tous aller se rhabiller. On a juste le droit de lui cirer les pompes.

 » Je préfère une position centrale « 

A ce point-là ?

Alors qu’on partageait la chambre lors d’une mise au vert, il m’a un jour montré une cassette avec l’essentiel de ses buts dans le championnat de Turquie. J’en ai eu le souffle coupé : des goals tous plus beaux les uns que les autres. Dès cet instant, j’ai réalisé qu’un joueur de cette trempe pouvait réellement s’avérer d’un concours précieux pour nous. Il l’a bel et bien montré, mais sur le tard.

Ce constat s’applique à vous aussi.

Quelques mois après mon arrivée, je me souviens effectivement d’une interview du secrétaire général du club, Philippe Collin, qui précisait que mon transfert était encore entouré d’un point d’interrogation, au même titre que celui de Cristian Leiva d’ailleurs, alors que toutes les autres recrues, tels Nicolas Frutos ou Lucas Biglia donnaient ample satisfaction. Sur l’instant, ça fait très mal de lire ça, c’est évident. Mais ces propos n’en étaient pas moins fondés, dans la mesure où je n’avais pas encore montré ce dont j’étais capable. Depuis lors, je pense m’être rattrapé. J’ai été aligné à plusieurs postes et j’ai quand même le sentiment d’avoir donné satisfaction la plupart de temps.

Vous êtes la polyvalence faite joueur ?

Du côté gauche, on peut effectivement m’aligner à toutes les places, je tirerai toujours mon épingle du jeu. Back, stoppeur, médian ou ailier, je suis à même de me débrouiller partout. Personnellement, ma préférence va à une position centrale. J’ai déjà joué au côté de Guillaume Gillet et c’était un véritable régal. J’espère que cette initiative sera répétée. Sinon, j’essayerai toujours de donner le meilleur de moi-même là où le coach le décidera.

On a l’impression que le Liégeois a toujours joué au RSCA ?

Ce jugement n’est pas simplement d’application à lui. Il peut être étendu également à Thomas Chatelle et à Luigi Pieroni qui ont, eux aussi, trouvé immédiatement la bonne carburation au Sporting. Pour Stanislav Vlcek, c’est un peu plus laborieux mais il est en train de retrouver également ses meilleures sensations. Globalement, ce qui m’épate, c’est le niveau d’ensemble. On n’a pas seulement un bon onze mais un bon groupe. La preuve par Serhat Akin et Mbo Mpenza, souvent utilisés comme doublures cette saison, mais qui ont tous deux répondu pleinement à l’attente contre Bordeaux.

Un détail est frappant aux entraînements : la bonne humeur est de retour.

Vous n’êtes manifestement pas le seul à faire cette observation. Après le match contre Bordeaux, notre ancien coéquipier, Grégory Pujol, est venu nous saluer dans le vestiaire. Bien sûr, il y régnait un véritable vent de folie en raison de notre victoire sur le fil. Il n’empêche qu’il n’avait jamais vécu ça pendant son court séjour au Sporting. Je lui ai fait remarquer qu’il en était ainsi depuis son départ. Comme il connaît mon humour, il a apprécié ( il rit).

Vous êtes l’un des boute-en-train du vestiaire. A ce propos, Yves Vanderhaeghe nous a dit un jour que cette attitude était, à vos débuts au RSCA, un des moyens de vous faire valoir, entendu que le football ne suivait pas encore.

C’est possible. J’en remettais probablement une couche à cette époque, histoire de faire bien dans le groupe. Reste que j’ai toujours été un petit marrant dans tous les clubs où je suis passé. Je fais des farces à tout le monde mais ma spécialité, c’est d’imiter les cris des animaux. Pas de chance, dans une interview pour un magazine, c’est évidemment le genre de truc qui ne passe pas ( ilrit).

 » Chez les Diables, tout est ouvert à gauche « 

Que peut encore espérer Anderlecht cette saison ?

On est toujours engagés sur trois fronts et il faut jouer le jeu jusqu’au bout sur ces différents tableaux. Dans les deux épreuves de coupe, cela paraît tout à fait normal. Au risque de paraître pour un fêlé ou un doux rêveur, je suis toutefois d’avis que le Sporting n’a toujours pas dit son dernier mot non plus dans la lutte pour le titre. D’accord, l’écart est conséquent. Mais quelque chose me dit qu’au train où vont les choses, nous serons l’équipe du deuxième tour. Les autres vont s’entre-déchirer et nous profiterons de cette situation pour progresser au classement. Reste à voir où ça va finalement nous mener. Nous ne serons pas loin de la première place, j’en mets ma main à couper.

Vous venez de rempiler jusqu’en 2011.

Pour la bonne et simple raison que je me sens bien ici. Je partage l’opinion de Bart Goor qui répète souvent, à propos du Sporting, que c’est een mooie club, un beau club. Et c’est vrai que tout y est mis en £uvre pour que les joueurs s’y sentent bien. Ici, on n’a qu’une seule préoccupation : faire le mieux possible son boulot sur le terrain. Tout le reste est pris en charge par le club. Chacun trouvera ça peut-être normal mais j’ai connu d’autres endroits où l’on était nettement moins organisé.

Qu’espérez-vous atteindre d’ici la fin de votre bail ?

C’est toujours la même trilogie : titre, coupe nationale et coupe d’Europe. Un club du standing d’Anderlecht se doit d’aller le plus loin possible dans chacune de ces épreuves. 2010 éclipsera peut-être les autres, puisqu’il y aura quand même une participation à la Coupe du Monde à la clé. Ce ne sera pas facile compte tenu de la valeur des adversaires. Mais je ne suis pas du genre à baisser les bras très vite. J’ai fait progressivement mon trou au Sporting et j’espère en faire de même en sélection nationale. Tout est ouvert du côté gauche, il n’y a pas de certitudes. Vu ma polyvalence, je me dis que je devrais faire l’affaire dans un rôle ou un autre.

par bruno govers – photos: reporters

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