Les raisons de sa razzia

Pourquoi la Belge a accompli une année magnifique ponctuée d’une époustouflante finale au Masters de Madrid contre Maria Sharapova.

1. Le tennis

Justine possède le jeu le plus complet du circuit, avec un seul petit bémol pour le service et encore (voir plus loin). Sans doute faut-il remonter à l’Américaine Chris Evert pour trouver une compétitrice développant un tennis aussi pur. MartinaHingis n’était pas mal dans son genre mais elle n’avait pas l’aptitude à passer aisément du revers slicé au revers plat ou lifté (et pour cause puisqu’elle le frappait à deux mains). Le fait que Justine ait été formée au mini-tennis l’a dotée d’une vision du jeu et d’un sens tactique peu commun.

2. Le physique

Après avoir été régulièrement aux Etats-Unis pour travailler sa puissance chez Pat Etcheberry, Justine est revenue à un travail plus fluide, davantage basé sur la rapidité que sur la force. Aujourd’hui, elle a donc conservé une grande partie de la puissance acquise sous la férule de son mentor de Floride tout en récupérant sa vélocité d’avant, l’augmentant même considérablement.

3. Le service

Grâce entre autres à son physique, Henin est devenue une excellente serveuse (même si, au Masters, elle n’a pas été excellente en la matière). Pas la meilleure de la planète, sans doute, car elle sert moins fort que Venus ou SerenaWilliams et commet moins d’aces mais sa deuxième balle est particulièrement gênante. Son retour est quant à lui le meilleur du circuit.

4. L’équilibre

Tout au long de sa carrière, Justine a dû (ou a voulu) prendre des décisions personnelles qui, toutes, ont eu un effet positif sur son tennis. Les dernières décisions n’ont pas échappé à la règle. Qu’on le veuille ou non, on ne peut nier qu’après avoir digéré la séparation de son mari Pierre-Yves Hardenne, Justine s’est totalement libérée. Jamais, on ne l’avait vue si sereine, si épanouie, si proche de ses fans que depuis février. Autant son mariage avait eu un impact non discutable sur ses résultats, autant la fin de ce mariage a eu le même effet.

Quelques mois plus tard, les retrouvailles familiales accélérées par l’accident grave du grand frère David, a apporté la pierre qui manquait à l’édifice Henin : la stabilité familiale. Là encore, comme le départ du giron familial, le retour dans ce même giron a, lui aussi, généré un bien-être qui influence positivement le moral de Justine et, donc, son tennis. Pour la première fois depuis sept ans, elle peut dédier ses victoires à ses proches parents (s£ur, frères ou papa) ce qui la motive et la comble de joie.

5. La maturité

A 25 ans et quelques mois, Justine est au sommet de son art et en pleine maturité. Mais cette maturité n’est pas qu’une question d’âge. Le fait qu’elle ait gagné quatre fois Roland Garros et qu’elle s’approche des 100 semaines au sommet du classement mondial lui a fait prendre conscience qu’elle était bel et bien la meilleure joueuse du monde.

Si on se souvient de ses premières victoires en Grand Chelem, on se rappellera qu’il y a encore deux ou trois ans, Henin croyait être obligée de confirmer chaque victoire par… une victoire. Elle quittait par exemple Roland Garros convaincue que son sacre parisien devait être directement doublé par un titre à Wimbledon. Ce qui pouvait avoir pour effet de la plonger dans le doute à la moindre défaite surprenante. Cette année, sa déroute face à la Française Marion Bartoli l’a certes énervée et déçue (il suffit de voir la rage de vaincre dont elle a fait preuve au Masters, infligeant à la Française un double 6-0) mais elle n’a pas entraîné Justine dans les affres du doute. Aujourd’hui, elle assume sa première place et sait que même une numéro 1 mondiale peut perdre un match, sans que sa domination soit remise en cause.

6. Les statistiques

Aujourd’hui, il ne reste que les s£urs Williams à présenter des statistiques positives ou équilibrées face à Justine qui contre ses neuf suivantes, mène :

* 15-2 face à Svetlana Kuznetsova (RUS, WTA 2)

* 9-0 face à Jelena Jankovic (SRB, WTA 3)

*3-0 face à Ana Ivanovic (SRB, WTA 4)

*6-6 face à Serena Williams (USA, WTA 5) mais Justine a gagné les trois derniers duels

*6-2 face à Maria Sharapova (RUS, WTA 6)

*3-0 face à Anna Chakvetadze (RUS, WTA 7)

*2-7 face à Venus Williams (USA, WTA 8), mais les joueuses ne se sont rencontrées qu’une seule fois depuis l’Australian Open 2003 alors que Justine n’était pas encore la championne que l’on connaît. La Belge a d’ailleurs remporté leur unique duel 2007, en demi-finales de l’US Open.

*3-2 face à Daniela Hantuchova (SVK, WTA 9)

*3-1 face à Marion Bartoli (FRA, WTA 10)

Non seulement, ces statistiques peuvent conférer une confiance extrême à Henin mais, surtout, désespérer ses rivales. Prenons l’exemple des deuxième et troisième joueuses mondiales. Elles devront faire preuve d’une force de caractère de très haut niveau pour oublier qu’elles sont menées 15-2 ou 9-0. A Madrid, Jankovic ne cachait d’ailleurs pas son ras-le-bol de n’avoir encore jamais battu la numéro 1.

7. Les rivales

Les véritables rivales de Henin, à savoir celles susceptibles non pas de la battre de temps en temps mais bien de contester sa première place mondiale, sont très peu nombreuses. On oublie les s£urs Williams qui ne joueront jamais plus assez de tournois (soit elles se blessent, soit elles ont autres choses à faire). On peut également oublier la Française Amélie Mauresmo (WTA 13), qui ne devrait pas se sortir de sa mauvaise passe.

A vrai dire, les deux Serbes (Jankovic et Ivanovic) et la Russe Sharapova semblent être les seules à pouvoir prétendre au trône. Mais elles devront pour cela se montrer plus régulières face à Henin ou… attendre que cette dernière parte à la retraite.

8. Les trois sets

Cette année, Justine a disputé 17 matches en trois sets. Elle en a gagné 14… dont cette finale madrilène. A nouveau, ces statistiques ont un effet détestable sur ses rivales. Qui, non seulement, savent que Justine les domine de la tête et des épaules mais qu’en plus, elle est quasiment imprenable quand un match va au terme des trois manches.

9. Le but Wimbledon

Le fait que Justine n’ait pas encore gagné l’ All England Championships constitue une motivation extrême. Tant qu’elle n’aura pas triomphé à Londres (ce qui ne devrait pas tarder), elle continuera à travailler d’arrache-pied, à garder le regard fixé vers un objectif précis.

A Madrid, au soir de son premier succès un rien laborieux face à Chakvetadze, elle reconnaissait très honnêtement ne pas toujours parvenir à se motiver suffisamment de jour en jour. Mais l’odeur du gazon l’y aide certainement.

10. Le coach Rodriguez

Si Justine a retrouvé un équilibre familial, elle n’a jamais perdu sa connivence avec Carlos Rodriguez, le divin coach. Enfin, quand on dit coach, on devrait plutôt dire coach et pilier de la maison Henin. Non seulement, l’Argentin conseille souvent judicieusement sa protégée mais il parvient aussi à la maintenir éveillée lorsqu’elle donne des signes de lassitude. On l’a ainsi vu lui confier des enveloppes lors de certains tournois et on sait également qu’il joue souvent avec Justine en lui fixant des objectifs dont le seul but est de maintenir la concentration.

En dehors du court, il peut également se muer en garde du corps, n’hésitant pas à attaquer les potentiels ennemis de sa joueuse. A l’US Open, il s’en est par exemple violemment pris à la maman des Williams. Il avait déjà fait pareil avec le clan Clijsters ou l’ex-joueur devenu journaliste Filip Dewulf lorsque ce dernier avait osé prétendre que, peut-être, Henin prenait ses compléments vitaminés…. S’il agit de la sorte, ce n’est pas tant pour montrer les crocs mais bien pour éviter que ce soit Justine qui monte au front. Leur cohésion est telle et dure depuis tellement longtemps qu’un seul mot ou geste du coach peut convaincre la joueuse de changer d’attitude ou de tactique. Qui plus est, Rodriguez n’a jamais eu peur de critiquer sa championne dans les médias. Là encore, un seul objectif : faire réagir Henin qui, parfois, a besoin d’un électrochoc. Il a aussi réussi à ne jamais interférer dans la vie privée de la Rochefortoise :  » Je ne donne des conseils que si elle me le demande « . Une habitude qui augmente encore la confiance entre les deux éléments de cette paire définitivement soudée.

11. Le mental

Du fait des dix points précédents, Justine est aujourd’hui la joueuse la plus forte mentalement. Certes, elle a perdu contre Bartoli un match étonnant mais, si on regarde les grandes confrontations de ces dernières années, on constate que, très régulièrement, elle retourne en sa faveur des situations terriblement compromises (n’est-ce pas Sharapova ?), En fait, Justine sait qu’elle n’est pas invincible (elle l’a encore dit et répété à Madrid) mais ses adversaires, elles, commencent peut-être à croire qu’elle l’est…

par patrick haumont – photos: reuters

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire