Les racistes visent le père Williams

Le père de Serena et Venus dérange le milieu conservateur du tennis mais a mené ses filles au sommet!

Richard Williams le crie haut et fort : « Les gens peuvent me critiquer autant qu’ils le veulent et se plaindre de moi aussi souvent qu’ils le désirent, je m’en moque car, même ceux qui se montrent le plus virulent viennent pour au moins une de mes deux filles. Serena et Venus ont insufflé de l’oxygène dans le milieu du tennis féminin et c’est pour cette raison que l’on nous déteste ».

Richard Williams ne se fait pas d’illusions. Il sait que ses frasques irritent le milieu tennistique qui, s’il s’est démocratisé depuis deux décennies, ne supporte pas encore les comportements par trop décalés. Il ne s’agit certes pas de défendre les préceptes du tennis de château mais dès que l’un des joueurs (voir Agassi à ses débuts) ou un des accompagnateurs d’un compétiteur sort des sentiers battus, il se fait montrer du doigt par l’ensemble de la communauté tennis, restée, il est vrai, conservatrice.

Pourtant, si l’on observe bien les faits et gestes de papa Williams, ils ne sont pas réellement plus insupportables que ceux de maman Connors lorsque « Jimbo » était encore jeune et meilleur joueur mondial. Que dire, aussi, des agissements du père Pierce ou du papa Dokic? A côté d’eux, Richard Williams fait figure d’un enfant de choeur perdu dans une cour (un court?) des miracles.

On l’a traité de nègre.

Il y a pourtant une petite différence qui fait tout : les Williams sont noirs. Pris individuellement, aucun des acteurs ou observateurs de la WTA ne se dira raciste. Reste que, dans la vie de tous les jours, quelques gestes, quelques mots, quelques sous-entendus démontrent clairement que les Williams dérangent, en partie parce qu’elles sont d’une autre race que celle de la majorité des intervenants. Les propos tenus par certains à Indian Wells prouvent d’ailleurs clairement cela. Rappelons les faits : Venus et Williams étaient qualifiées pour les demi-finales. Alors que Serena venait de se hisser en finale, on a appris le forfait de sa soeur qui devait défier Kim Clijsters en demi. A ce moment, les observateurs et les spectateurs ont crié au scandale, affirmant que c’est le père qui avait ordonné à sa fille aînée de se retirer. Nul ne connaîtra jamais la vérité mais la manière dont le père à été insulté est, elle aussi, scandaleuse.

« Le jour de la finale, on n’a pas arrêté de me lancer le mot N à la figure -NDLA : il s’agit du mot Nigger, nègre en français. D’autres me disaient que si l’on avait été 20 ans plus tôt, j’aurais tout bonnement été écorché vif. Les gens sont tellement jaloux de moi qu’ils préféreraient me voir cueillir du coton dans le sud des Etats-Unis plutôt que d’être sur le circuit ».

Sud où, en son temps, le jeune Arthur Ashe était interdit de compétition pour la bonne et simple raison qu’il n’était pas blanc. Né en Louisiane, Richard est rompu aux pratiques racistes.

« Quand j’étais petit, je vivais dans les quartiers noirs de Louisiane. Dès que l’on en sortait, on était la cible d’attaques racistes permanentes. A tel point que j’ai fini par me plaindre sans cesse du nez très large qui est le mien et qui me faisait un visage trop rigolo. C’est ma mère qui m’a aidé à vaincre ce problème. Elle m’a dit que ce nez faisait de moi quelqu’un de très spécial », explique papa Richard.

Serena passe à l’attaque : « Je ne sais pas si ma race a quelque chose à voir avec la situation particulière que nous vivons. Mais en général, ici aux Etats-Unis, il existe encore des problèmes liés au racisme ».

Cela dit, il ne faut pas non plus exagérer. Il y a certes encore des réminiscences de racisme dans le tennis, mais Richard s’amuse clairement de la situation. Il pousse même parfois le bouchon un peu loin, juste histoire de montrer que, s’il n’est pas issu du monde tennistique, ce dernier a besoin de ses filles et, donc, de lui.

Et il n’a pas tout à fait tort puisque, même lorsque Venus ou Serena ne sont pas sur les terrains, les médias s’intéressent au père, allant même jusqu’à affirmer qu’il entretient des relations extra-conjugales.

« C’est très amusant, pour moi, de constater que les gens croient que j’ai un besoin vital d’entretenir des controverses. Ce n’est absolument pas le cas. J’aime vivre comme j’en ai envie et je ne vais jamais me fondre dans un costume que l’on aimerait bien que je porte ».

Elles ont déjà gagné 7 milliards de francs.

C’est en partie pour cela, mais aussi et surtout parce qu’il ne veut en rien changer ses habitudes, que Richard Williams ne descend jamais aux Etats-Unis dans un autre hôtel qu’un très simple Motel 6, l’une des chaînes américaines les moins chères. « Je n’ai pas besoin d’aller ailleurs. Dès lors, je garde cette bonne habitude ».

Ce qui ne veut pas dire que le géniteur des deux stars n’est pas un homme d’affaires avisé. C’est lui et lui seul qui gère les affaires de ses deux championnes, faisant de lui un millionnaire en dollars, étant entendu qu’il touche, comme tous les managers, un pourcentage sur les gains de ses joueuses. La fortune actuelle de la famille Williams est estimée à 150 millions de dollars, soit quelque 7 milliards de nos francs.

Montant qui ne cesse de monter, Richard ayant plus d’un tour dans son sac. C’est lui, par exemple, qui a joué à l’apprenti sorcier en créant une boisson isotonique portant le nom de ses filles. Et, si vous lui demandez la différence qui existe entre cette nouvelle boisson et les existantes, il réplique : -La différence, c’est que c’est moi qui l’ai créée. Il n’y a donc pas de petits profits. C’est pour cette raison que, tout au long du récent tournoi de Wimbledon, Richard-le-manager, s’est mué en photographe amateur afin de fixer à jamais les images de ses filles sur la pellicule. Ce qui lui permettra, aussi, de gérer ses photos comme bon lui semblera.

Mais Richard a bien d’autres projets. Alors que la BBC et la Fox lui ont consacré un documentaire, il est en train de penser à réaliser lui-même un film sur sa vie. « Comme cela, c’est moi qui raconterai mon histoire. Et, en le faisant moi-même, je suis certain que seule la vérité sera médiatisée ». Et puis, aussi, il touchera les droits de ce court métrage. Car, s’il est déjà immensément riche, ce self-made-man ne l’est pas encore assez pour atteindre le but de sa vie. Il y a quelques années, il rêvait en effet de.. s’offrir le Rockfeller Center.

Un père très malin mais généreux.

Fou, Richard? « Quand on me demande s’il l’est, je réponds qu’il est fou, mais comme peu l’être un renard », répond un entraîneur qui a travaillé avec lui. « Mais, en fin de compte, on se rend compte que tout ce qu’il montre à l’extérieur n’est qu’une farce. Et puis, il ne faut tout de même pas oublier qu’il a le coeur sur la main. Si une de ses filles signe un contrat important, il exige qu’un certain nombre d’unités du produit soit livré aux enfants des ghettos ».

Reste à savoir comment Venus et Serena supportent leur père. Ce qu’elles ne confieront jamais, préférant continuer à donner à l’extérieur une image d’une famille très unie. « Nous avons toujours eu ce que des filles espèrent avoir. Nous avons toujours été heureuses », disent-elles de manière récurrente.

A vrai dire, on peut même affirmer que Serena et Venus ont obtenu plus que les autres filles de leur âge. Leur père pensait à tout et a tout mis en scène pour les préparer au pire. « Quand elles étaient encore petites, je payais des petits voisins pour les insulter et les traiter de noires. Je voulais qu’elles soient préparées à tout. On ne peut pas faire front à une situation que l’on n’a pas encore connue », raconte-t-il.

Si Richard Williams est fou, il s’agit d’une géniale folie.

Bernard Ashed, avec Newsweek et ESM.

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