Les questions d’un retour

A 26 ans, elle commence sa deuxième carrière la semaine prochaine à Cincinnati.

Septembre 2005, quelques minutes après son seul en tournoi du Grand Chelem, une radieuse Kim Clijsters lâche en conférence de presse :  » Je n’ai que 22 ans, mais mon corps, lui, a bien plus que cela…  »

Occupés à se réjouir de ce succès à l’US Open derrière lequel elle courait depuis bien longtemps, les journalistes ne relèveront pas cette déclaration. Or, très clairement, la Limbourgeoise annonçait au monde entier que sa carrière ne durerait pas très longtemps et qu’il était hors de question qu’elle se mette en danger. En 2006, alors qu’une nouvelle blessure au poignet la replonge dans les affres des doutes, elle avoue :  » Je n’ai pas envie de me trouver dans une chaise roulante à 35 ans. Je désire encore pouvoir faire du sport, un jour, avec mon mari et mes enfants. « 

Clijsters n’a pas été épargnée par les blessures. Lancée sur le circuit professionnel en 1997, c’est dès 2002 que les ennuis commencent par une inflammation à l’épaule qui l’éloigne des terrains pendant six semaines. Dix-huit mois plus tard, elle est victime d’une entorse à la cheville droite puis à la cheville gauche. Mais la blessure la plus sévère, une tendinite au poignet gauche, l’empêchera de prendre part à la plupart des tournois en 2004. Malgré cela, Kim parviendra à disputer une année 2005 exceptionnelle.

Comment expliquer un corps aussi fragile ? D’une part, comme la plupart de ses collègues, Kim a commencé le tennis très jeune. A 6 ans, elle frappe ses premières balles au club Tennisdel de Genk. Elle aurait certes préféré se lancer dans le foot, comme son papa Diable Rouge, mais ce dernier et sa maman, championne de Belgique de gym, préfèrent la guider vers un sport plus féminin et… moins dangereux. Cinq ans plus tard, la très volontaire Clijsters remporte le championnat de Belgique Minimes et, à 15 ans, elle devient la plus jeune championne de Belgique de l’histoire. Un record qu’elle bat 12 mois après une certaine Justine Henin avec laquelle on ne cessera de la comparer. C’est face à cette même Henin qu’en 2001, Clijsters s’imposera en demi-finale de Roland Garros avant de s’incliner de justesse en finale face à l’Américaine Jennifer Capriati.

C’est très tôt que Clijsters fait une entrée tonitruante sur le circuit belge et international. Qui plus est, comme l’Espagnole Arantxa Sanchez ou, chez les hommes, l’Américain John McEnroe, elle parviendra à combiner avec autant de talent le simple et le double. Elle sera numéro 1 mondiale dans les deux disciplines. Cette combinaison réduit évidemment la durée des repos puisque, quand elle ne joue pas en simple, elle s’aligne en double.

A cela il faut ajouter les nombreux matches disputés sur des surfaces différentes dont certaines, comme le ciment et le rebound ace, sont traumatisantes pour les articulations et les muscles, il faut ajouter une technique rudimentaire et très exigeante. Contrairement à une… Henin ou la Suissesse Martina Hingis, Clijsters ne dispose pas d’un jeu fluide. Dès son plus jeune âge, elle privilégiera le jeu en force. Son plan de frappe est d’ailleurs régulièrement situé, si pas derrière elle, du moins sur la même ligne que ses épaules. Ce qui a pour effet de solliciter davantage les muscles et articulations qu’une frappe effectuée devant soi. Et le jeu de jambes de Clijsters, pour impressionnant qu’il était, présentait de grands risques, principalement lorsqu’elle réalisait ses frappes en bout de course le tout en effectuant un grand écart !

Elle devait avoir 18 ans, lorsqu’au lendemain d’examens médicaux et sur le conseil des médecins, Kim a annoncé qu’elle était obligée d’alléger ses saisons. Conseils qui ne seront pas suivis, le circuit professionnel ne permettant pas à une championne de sa trempe de se maintenir à niveau en jouant nettement moins.

Comment son corps va-t-il réagir ?

Certes, elle ne se concentrerait que sur les tournois du Grand Chelem et les grands rendez-vous et n’a que 26 ans. Mais si son retour se passe bien, on peut aisément imaginer que Kim sera tentée, assez vite, d’ajouter quelques tournois à son calendrier. Elle serait donc reprise par les exigences du circuit et en oublierait les précautions nécessaires. D’autant que le tennis d’aujourd’hui, comme elle le disait elle-même à la BBC Radio il y a quelques semaines, est désormais uniquement basé sur la puissance :  » Je ne me suis remise à suivre le tennis que depuis quelques mois et, honnêtement, je peux difficilement juger les nouvelles joueuses. Ce que j’ai par contre remarqué, c’est qu’elles pratiquent toutes le même tennis, il n’y a personne avec son propre style. Je me souviens qu’il y avait plus de stratégie par le passé, maintenant il s’agit avant tout de frapper. « 

Mais ne soyons pas trop pessimiste : si le retour de Kim peut légitimement inquiéter quelque peu, il est, surtout et avant tout, très excitant.

Pourquoi ce retour ?

La semaine dernière, elle a déclaré :  » Je suis très excitée à l’idée de rejouer à l’US Open. Tout a changé, mais je suis contente d’y retourner et de raviver tous ces souvenirs. Je me suis entraînée comme une pro afin de revenir comme une pro. C’est une nouvelle expérience, puisque je vais voyager avec Brian et Jada. J’ai hâte de retrouver l’ambiance et de rejouer contre les meilleures et les petites jeunes.  »

Voilà pour l’explication officielle. En filigrane, on peut aussi imaginer que Kim n’a pas envie de rester inactive aussi jeune. Sa vie a été très remplie depuis son arrêt de carrière : elle s’est mariée, elle est devenue maman et elle a accompagné son papa au cours de ses derniers mois. Aujourd’hui, elle n’a plus vraiment de but car, contrairement à Henin, elle ne semble pas encore avoir défini de nouveaux objectifs. N’ayant que 26 ans, il est assez normal de la voir se tourner vers l’activité qu’elle pratique avec excellence. D’autant que Kim aime l’ambiance du circuit :  » Les plus beaux souvenirs de ma carrière ? Les nombreuses victoires en tournois, les Grands Chelems en simple et en double, ainsi que la première position mondiale en simple et en double. Des moments magnifiques, mais moins encore que d’avoir profité des bons moments avec les autres joueuses, le plaisir échangé avec les supporters belges et étrangers, la joie lors de la journée des handicapés, les visages souriants des aînés ou encore les larmes de joie de cette femme avec son nouveau petit chien. Sans oublier, aussi, toutes les récompenses reçues, attribuées par les joueuses du circuit, qui prennent une place à part chez moi. « 

Amour du jeu et des joueuses qui constituent des motivations extraordinaires. Et il est vrai que, même après une défaite, le bonheur d’être de la fête pouvait toujours se lire sur le visage de la championne.

A-t-elle besoin d’argent ?

Certains pensent que l’argent pourrait aussi constituer une motivation. Ils oublient sans doute que Clijsters a remporté 11 millions de dollars uniquement en prize-money, auxquels il faut bien évidemment ajouter au moins la moitié en contrats et autres avantages. Qui plus est, ni sa famille, ni son conjoint ne sont dans le besoin. A ce sujet, Kim était d’ailleurs très claire en 2007 :  » Stopper à près de 24 ans, c’est très jeune, mais c’était si beau. J’aurais facilement pu continuer encore quelques mois et participer aux quatre tournois les plus lucratifs. L’argent c’est important, mais certainement pas le plus important dans ma vie. « 

Kim retrouvera-t-elle les sommets

En termes de classement, si elle maintient sa position de pas trop jouer, elle ne devrait pas revenir rapidement dans le Top 10. Par contre, elle sera capable de faire très vite jeu égal avec les meilleures. Le tennis féminin n’a pas la profondeur du tennis masculin. Si, chez les messieurs, les 200 premiers disposent d’un tennis de haut niveau, seules les 30 ou 40 premières joueuses du monde peuvent en dire autant. Qui plus est, l’histoire récente ne laisse planer aucun doute : les anciennes premières mondiales qui réapparaissent sur le circuit retrouvent très rapidement une place parmi les dix premières en termes de niveau de jeu. On pense à Hingis, Lindsay Davenport (USA) ou Monica Seles (USA).

Toutefois, ces trois joueuses n’ont pas réussi à gagner un Grand Chelem au cours de leur nouvelle carrière. Kim y parviendra-t-elle ? Franchement, on aurait tendance à répondre par l’affirmative. Ses principales adversaires devraient être les deux s£urs Williams. Face aux Américaines, ses statistiques ne sont pas positives : elle a été battue 7 fois sur 8 par Serena et 6 fois sur 10 par Venus. Pour le reste, à condition qu’elle maintienne sa motivation pendant plusieurs mois, on ne voit pas qui pourrait réellement ennuyer Kim. Attention, on ne prétend pas qu’elle va gagner l’US Open 2009 parce qu’il lui faudra quelques tournois avant de retrouver ses automatismes. Si le tennis est très différent lorsqu’il est pratiqué en compétition officielle ou en exhibition, l’expérience de Kim et le niveau relativement faible du tennis féminin, devraient lui permettre de réussir un retour très rapide dans le top. D’autant que Kim n’a que 26 ans, soit le même âge que ses désormais nouvelles collègues.

Si elle parvenait à triompher dans un majeur, Clijsters deviendrait la deuxième maman à réaliser un tel exploit après l’Australienne Evonne Goolagong, qui remporta Wimbledon en 1980 alors que sa fille Kelly Inala avait trois ans. La petite Jada aura, elle, 1 an et demi au moment de l’US Open…

par patrick haumont

« Le tennis est encore plus physique qu’avant: il faut surtout frapper. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire