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Les pros de la D1 amateurs

En difficultés financières il y a quelques mois, l’Excelsior Virton est aujourd’hui the place to be en D1 amateurs. L’argent coule comme jamais, les ambitions sont énormes et le noyau de qualité. Derrière tout cela, un homme : Flavio Becca.

Au coeur de l’automne 2017, quand la pluie balaie les feuilles mortes, le temps est à la déprime du côté de Virton. L’Excelsior convie la presse pour lui confier son mal-être : le club est en difficultés financières. Au Faubourg d’Arival, les temps sont durs et l’avenir incertain alors que le conseil d’administration se cherche toujours un président.

Pour les Vert et Blanc, la saison est longue. Pénible même. En février, pour la Saint-Valentin, Frank Defays rompt avec le club pour répondre aux avances d’un autre Excel, celui de Mouscron et troquer le lit de la D1 amateurs avec celui de la D1A.

En avril, quand les licences sont distribuées, les Gaumais sont recalés avant d’être sauvés un peu miraculeusement. Au bout des 30 journées de championnat, Virton se classe 10e dans l’anonymat le plus complet. La période estivale s’annonce chaude. Très chaude.

Alors que l’avenir de l’ancien club de Thomas Meunier, Renaud Emond et TimothyCastagne est assez sombre, une lueur dorée vient illuminer l’été caniculaire du club. Un repreneur est trouvé. Ce sauveur vient du Luxembourg et porte un nom : Flavio Becca.

Un empereur au pays de la finance

L’homme n’est pas n’importe qui. Au Luxembourg, ce maçon de formation, comme il aime à le rappeler, s’est bâti un empire financier considérable en moins de 20 ans. Au total, il possède plus de 80 sociétés actives dans la construction, l’immobilier ou encore le financement, toutes de petites tailles pour contourner la loi sur les grosses entreprises.

 » Une chose est sûre : il semble que peu des grands projets de prestige nationaux se font aujourd’hui sans lui « , écrivait paperJam, un magazine économique luxembourgeois, en 2008. Dans le top 100 des décideurs du pays, il pointait alors à la 28e place. Sa société Promobe fait office de plaque tournante de cet empire financier et c’est via elle qu’il acquièrt (ou cède, comme dans le cas des restaurants Quick du Luxembourg) des actifs.

Quelques années plus tard, la réussite du Luxembourgeois connaît cependant quelques couacs autour de deux grands dossiers de construction. Le premier, lié à un nouveau quartier de Luxembourg, le ban de Gasperich et le second, lié au futur stade national du Luxembourg.

Alors que le projet urbanistique de la capitale est finalement mené à bien (malgré des différends judiciaires avec son associé, Eric Lux, et une vive opposition des associations écologistes), le stade, lui, ne voit jamais le jour. Les autorisations de construction sont sans cesse repoussées au point d’enterrer totalement le projet (qui sera finalement mené ailleurs, par d’autres promoteurs). Résultat : le partenaire de Becca l’attaquera en justice.

Foot, cyclisme et sport moteur

Mais cet empereur au pays des Grands-Ducs est également un féru de sport. Mécène du F91 Dudelange, il était aussi proche de Gérard Lopez et Eric Lux, les patrons de feu Renault-Lotus (2012-2015) et est à l’origine, en 2011, de la création d’une équipe cycliste luxembourgeoise construite autour des frères Andy et Fränk Schleck, Léopard-Trek, avec l’ambition de remporter le Tour de France.

 » Mais sa vraie passion, c’est le sport moteur. Il possède une écurie de Moto3 et une autre de WTCR « , précise Xavier Maka, administrateur du club à l’origine de l’arrivée du Luxembourgeois à Virton.

Avec Dudelange, il écrase littéralement le football luxembourgeois. Depuis 2000, le club a remporté 14 titres de champion et vient d’en signer trois consécutifs. Même sur la scène européenne, avec l’apport de Becca, le F91 a réalisé quelques exploits.

S’il n’est pas parvenu à atteindre la phase de poules de la Champions League ou même de l’Europa League, il franchit régulièrement l’un ou l’autre tour préliminaire, ce qui n’arrivait jamais auparavant.

Durant l’été 2012, les Luxembourgeois arriveront même jusqu’au 3e tour préliminaire de la C1 après avoir sorti le Red Bull Salzbourg, ce qui reste le plus grand exploit du club à ce jour.

Homme de l’ombre et hommes de main

Si Becca est le nouvel homme fort de Virton, il ne devrait pourtant pas être omniprésent en Gaume. Trois hommes seront chargés de le représenter au club : Frédéric Lamotte, Sébastien Grandjean (pour le sportif) et Vincent Olimar.

Le premier travaille également depuis quelques mois chez Promobe en tant que business development manager. Grandjean, le nouveau directeur sportif, est loin d’être un inconnu à Virton puisqu’il en fut l’entraîneur entre 2006 et 2009. Et lors de la saison 2014-2015, c’est à Dudelange que le Dinantais officiait.

Olimar a, lui aussi, un passé à Virton puisqu’il y joua avant de devenir expert-comptable. Sa société, VO Consulting, possède une branche luxembourgeoise et une autre belge. L’homme est également le conseiller fiscal de Thomas Meunier.

 » C’est lui qui est le véritable relais de Flavio Becca « , indique Xavier Maka.  » C’est une personne en qui il a une grande confiance.  »

 » C’est quelqu’un de discret « , remarque Jean-Sébastien Legros, ancien joueur de Dudelange de juin 2011 à janvier 2013, aujourd’hui à Hamoir.  » On ne le voyait jamais au centre d’entraînement ou dans le vestiaire. Il était là aux matchs mais ce n’est pas quelqu’un d’intrusif. Il laissait le groupe vivre et on ne le croisait pas souvent.  »

Bonhomie et ambition

Lors de sa signature, c’est avec lui que Legros négocie. Il garde le souvenir d’un homme  » jovial, plein de bonhomie et d’ambition. Il nous avait montré la maquette du projet de stade national, et on voyait que cela lui tenait à coeur.  »

 » Il est arrivé à son maximum avec Dudelange avec qui il écrase tout au Luxembourg « , enchérit le gardien Anthony Moris.  » Avec Virton, il s’offre aussi une meilleure visibilité sur la Belgique et reste proche du Luxembourg.  »

Pour Legros, sa venue à Virton est une aubaine.  » Il veut faire bouger les choses, casser les lignes. Il ne fait pas les choses à la légère. Il refuse la médiocrité et veut toujours être le meilleur. Et, pour cela, il s’en donne les moyens. Il va faire décoller Virton.  »

 » La province du Luxembourg peut être fière qu’un homme pareil ait repris Virton « , ajoute le nouveau portier des Gaumais.  » Il est né pour faire du business « , avance Xavier Maka.  » Vous avez là une personne réfléchie qui sait s’entourer pour mener à bien ses affaires. C’est aussi quelqu’un de très exigeant. Envers lui-même mais aussi envers les autres.

Il faut aller dans la même direction que lui sinon il réagit très vite. Mais quand la confiance est là, tout se passe agréablement. Il attache beaucoup d’importance à l’esprit de famille et, je pense, que c’est ce qui lui a plu ici, à Virton.  »

L’autosuffisance en 3 ans

Si son arrivée n’est annoncée officiellement que le 13 juillet, Flavio Becca oeuvre en coulisse dès le mois d’avril. Tel un mécène, c’est lui qui a permis au club d’obtenir sa licence en allongeant les billets mauves. Ensuite, l’homme d’affaires a pris le temps de s’entourer d’autres investisseurs pour reprendre sereinement le club.

 » Ce challenge lui plaît. Il a senti que le produit Virton avait du potentiel, qu’il y avait un coup à jouer « , affirme Maka. Le businessman ne compte cependant pas délier les cordons de la bourse de manière éternelle. Comme pour tout projet, celui-ci devra se montrer rentable assez rapidement.

 » Dans le business plan qui a été établi, nous devons arriver à l’autosuffisance dans les 3 ans « , poursuit l’administrateur du club. Pour y arriver, l’entrepreneur devrait utiliser la même formule qu’à Dudelange : trouver des joueurs avec un certain potentiel, les bonifier et les revendre avec une belle plus-value.

Sans oublier la formation des jeunes. Les exemples de Castagne, Meunier et Emond – dont les futurs transferts rapporteront encore de l’argent au club – doivent inspirer. En attendant, les effets de son arrivée n’ont en tout cas pas tardés à être visibles. Moins d’une semaine après son arrivée en Gaume, Becca attirait déjà Marc Grosjean comme coach principal.

Un choix qui n’étonne pas quand on sait que le Liégeois a coaché Dudelange entre 2009 et 2011. Suivent ensuite l’international luxembourgeois Aurélien Joachim (ex-Lierse), Guillaume François (ex-Beerschot) et Anthony Moris (ex-Malines) quelques jours plus tard.

Une kyrielle de nouveaux

Récemment, on apprenait même que Mbaye Leye, libéré par Eupen, avait été contacté de manière concrète mais, préférant rester en D1A, l’ancien Panda a décliné. En tout, ce ne sont pas moins de 18 nouveaux joueurs qui ont été transférés.

 » Début juin, Sébastien Grandjean m’a contacté pour m’expliquer le projet. Je l’ai écouté et j’ai décidé d’y adhérer « , raconte Anthony Moris, lui aussi international luxembourgeois et mis sur une voie de garage au YRFC Malines.  » Monsieur Becca veut refaire de Virton un club qui compte sur la scène belge.  »

Cette campagne de transferts montre bien que Virton ne boxe plus dans la même catégorie que les autres écuries de D1 amateurs. Cette dénomination est d’ailleurs particulièrement erronée dans le cas du club luxo puisque l’ensemble du staff et des joueurs sont engagés sous statut professionnel.

 » C’est bien simple, nous avons doublé notre budget « , révèle Xavier Maka.  » Le club subit une grosse évolution – je ne parlerai pas de révolution – avec une rupture de fonctionnement par rapport à ce qui se faisait avant. On rompt avec le passé.  »

Sans surprise, le club affiche des ambitions élevées : rejoindre la D1B à court terme.  » Si ce n’est pas pour cette saison, alors, en 2020. La raison est double : premièrement, l’an prochain, la D1 amateurs sera réformée et verra l’arrivée des U21 des équipes de D1A. Ce sera plus complexe pour arriver à monter. Deuxièmement, les retombées pour notre académie de jeunes ne seront que plus positives en D1B « , prophétise-t-il.

Rendez-vous le 1er septembre contre Dessel pour le début de cette ascension annoncée. Avec le noyau dont dispose Marc Grosjean, c’est quasi une certitude que les Vert et Blanc figureront parmi les quatre premiers.

Le cyclisme n'a guère porté chance à Flavio Becca.
Le cyclisme n’a guère porté chance à Flavio Becca.© TIM DE WAELE

Échec dans le cyclisme

Si les expériences de Flavio Becca dans le football et le sport moteur (titre mondial en Moto3 en 2015 et 2017) se passent très bien, celle dans le cyclisme fut aussi ambitieuse que ratée.

En 2011, avec sa société Leopard (boisson énergétique) et en association avec l’équipementier Trek, il fonde autour d’ Andy et Fränk Schleck l’équipe Leopard-Trek. L’idée est alors de former la meilleure équipe du monde pour permettre aux deux coureurs luxembourgeois de remporter le Tour de France. L’ambition est élevée mais les résultats ne sont pas ceux escomptés.

L’année 2011 sera notamment marquée par le décès du coureur belge Wouter Weylandt sur les routes du Giro. Au Tour, Andy portera le maillot jaune jusqu’à l’avant-dernière étape et un chrono à Grenoble remporté par l’Australien Cadel Evans.

À la fin de la saison, l’équipe fusionne avec RadioShack et Nissan, Leopard restant la structure faitière du projet qui comprend également une équipe réserve continentale. Pour 2013, Nissan se retirant, l’équipe change à nouveau de nom et devient RadioShack-Leopard. Ce sera la dernière saison pour Flavio Becca qui retire ensuite ses billes pour se concentrer sur la deuxième équipe.

Une chambrée bien fournie à Virton.
Une chambrée bien fournie à Virton.© BELGAIMAGE
Dans quatre ans, l'Excelsior fêtera son centenaire. De quoi être ambitieux.
Dans quatre ans, l’Excelsior fêtera son centenaire. De quoi être ambitieux.© BELGAIMAGE

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