Les possibilités des Îles

Retour sur des aventures mouvementées, vécues dans l’extrême nord de l’Europe, aux Îles Féroé. Entre match international et vin bon marché.

Il y a un mois, Jasper Van der Heyden (25 ans) a changé de club. Cet ancien espoir du Lierse a quitté l’AB Argir pour le KI Klaksvik, deux clubs des Îles Féroé, dont est originaire son amie, et qu’il a découvertes après un passage en Islande.

Le joueur a le goût du voyage inscrit dans ses gènes: son père Stephan est actuellement sélectionneur-adjoint en Jordanie. Ce dernier, qui a joué pour Beveren et le Club Bruges, n’a jamais été du genre à passer ses vacances estivales au bord d’une plage. Sac sur le dos, il partait plutôt à la découverte du monde, en compagnie de sa femme. Il avait par exemple très envie de jouer pour le Sparta Prague, car la capitale tchèque lui plaisait beaucoup, mais les joueurs belges n’ont pu s’exporter librement qu’après l’arrêt-Bosman, en 1995.

Quelques semaines avant la victoire 0-3 de la Belgique aux Féroé, le 3 juin 1992, dans un match de qualifications pour le Mondial, nous étions partis en reconnaissance pour le compte de votre magazine préféré. Via Copenhague, un point de passage obligatoire étant donné que les 18 îles et leurs 45.000 habitants font partie du Danemark. Stephan Van der Heyden n’avait pas joué, mais il était présent sur le banc au match retour.

On ne pouvait se rendre de Copenhague à Vagar, situé à septante kilomètres de la capitale, Thorshavn, qu’avec Atlantic Airways, la compagnie aérienne des Féroé, qui ne possédait qu’un seul avion. Seuls ses pilotes spécialement formés étaient à même de négocier les périlleux atterrissages et décollages, dans des conditions météorologiques souvent difficiles. D’ailleurs, ce jour-là, un épais brouillard enveloppait l’archipel et il nous a fallu attendre longtemps pour avoir la certitude que le vol aurait bien lieu. Un des internationaux des Féroé avait pour sa part vu la durée d’un stage à Go Ahead Eagles (Pays-Bas) réduit de moitié, parce que la météo avait contraint l’avion à rester au sol pendant toute une semaine.

À l’atterrissage, les casiers de bagages, méchamment secoués, faisaient un sacré bruit: quasi tous les passagers voyageaient avec d’énormes sacs en plastique frappés de la mention duty free. En effet, la consommation d’alcool était autorisée sur les îles, mais pas sa vente. Les habitants se fournissaient donc dans la capitale danoise avant d’embarquer.

Le personnel de l’aéroport avait été surpris qu’un journaliste belge veuille acheter une carte routière de l’île, afin de trouver son chemin jusqu’au stade national, assez éloigné. Les GPS et les GSM n’existaient pas encore. Un regard sur la carte nous avait appris pourquoi. Malgré de longues distances, il n’y avait qu’un seul carrefour.

Les habitants de Toftir, un hameau de 1.500 âmes, à quelques heures de route de la capitale, avaient dynamité l’emplacement du terrain, avant d’y apposer un revêtement en gazon, le seul de l’archipel. La délégation belge de Sport 90, comme notre magazine s’appelait alors, avait été gentiment reçue par le tout premier sélectionneur des Féroé, l’Islandais Paul Gudlaugsson (34 ans). Le soir, nous avions bavardé avec le deuxième gardien de l’équipe nationale dans un club privé de Thorshavn. L’enthousiaste Kaj Leo Johannesen, qui allait défendre le but contre la Belgique, avait parcouru les mers du monde entier pendant quatre ans, après ses études. Il avait ensuite bossé comme vendeur de voitures et, en 1992, vendait du poisson, entre autres à la chaîne de magasins Carrefour.

Tous les internationaux travaillaient en journée. Kaj Leo avait commandé une excellente bouteille de vin, très chère, disponible en exclusivité dans ce club privé. Il savourait son verre de Rosé d’Anjou, un vin qui est plutôt populaire auprès des étudiants en Belgique, surtout en raison de son prix peu élevé. Aux Féroé, c’était un petit luxe, qui coûtait l’équivalent de 25 euros, mais qui vaudrait au moins cinq fois plus maintenant.

Johannesen a même été ministre-président des Féroé de 2008 à 2015. Les îles ont toujours facilement recruté des sélectionneurs, y compris des noms connus comme Allan Simonsen (ex-Borussia Mönchengladbach et Barcelone) et Lars Olsen, champion d’Europe avec le Danemark en 1992, alors qu’il jouait pour Seraing. La qualité du vin, sans doute…

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