Les play-offs : fête ou hérésie ?

Chaque semaine, Sport/Foot Magazine pose à différents interlocuteurs la question qui fait débat.

Aimé Anthuenis

 » On a mis sur pied les play-offs en prétendant que c’était pour rehausser le niveau, en organisant plus de grands matches. C’est hypocrite « , explique Aimé Anthuenis, triple Entraîneur de l’Année.  » C’est financièrement intéressant pour les clubs qui y participent, la presse, le suspense et la vente des abonnements mais 95 % des personnes sportivement impliquées y sont opposées. Diminuer de moitié le total des points obtenus à l’issue du championnat régulier revient à le falsifier. C’est la première fois que je peux m’en accommoder car les écarts entre les clubs étaient minimes en fin de championnat, réduisant ainsi l’impact de la division par deux des points. D’autre part, si l’écart final n’est que d’un point, l’impact sera conséquent. Je plaide donc pour qu’on conserve les PO1 mais sans diviser les points. Cela supprimera pas mal de plaintes.

Je trouve qu’il faut aussi maintenir les points en PO2 ou du moins conserver une différence en fonction du classement, comme pour les PO3. Les PO2 offrent quand même une possibilité de qualification pour l’Europe et les inclure dans l’abonnement saisonnier n’implique pas de hausse du prix pour les gens. Les PO3 n’échapperont pas aux réformes annoncées. Je suis favorable à une scission du football professionnel et amateur mais aussi au maintien du système de montées et de descentes.  »

Jan Van Winckel

 » Les PO1 sont une nécessité économique pour les grands clubs « , explique Jan Van Winckel, préparateur physique, actuellement adjoint de Marcelo Bielsa à l’Olympique Marseille.  » La division des points semble injuste mais elle a été acceptée par tout le monde et elle accroît le suspense. On peut la comparer avec la NBA : en fin de saison, les meilleures formations ont moins de chances d’enrôler les bons joueurs via le draft. Ça paraît également injuste mais, avec le salary cap, c’est une bonne manière d’accroître la compétitivité et donc l’attrait d’une compétition. Sur le plan physique, il est prouvé qu’à partir de février, les joueurs parcourent moins de kilomètres pendant un match. En fin de saison, le risque de blessures double, à cause de la surcharge. La récupération est donc plus importante que l’entraînement. Des études démontrent que trois jours de récupération suffisent sur le plan physique mais qu’avec un rythme de deux matches par semaine, on accroît le risque de blessures.

Personne n’aime participer aux PO2, qui ne sont pas attrayants financièrement non plus. On pourrait envisager d’instaurer un quota de jeunes, en obligeant par exemple les clubs à aligner trois joueurs issus des U22. Des PO3 en cinq matches ne servent à rien. Je ne connais aucune autre compétition où on peut ne prendre aucun point lors de la phase classique et se maintenir malgré tout. En résumé, moyennant des aménagements aux PO2 et aux PO3, je suis partisan de ce système, sachant que les équipes sont en moyenne moins affûtées et plus exposées aux blessures. Les clubs peuvent évidemment parer ces problèmes en déplaçant leurs priorités en cours de saison, en modifiant leur recours aux joueurs, etc.  »

Joseph Allijns

 » Courtrai y participe pour la troisième fois sur six et jusqu’à présent, c’est un succès « , commente le président courtraisien Joseph Allijns.  » Je ne puis nier le succès de la formule quand je vois l’animation qui règne dans un club comme Charleroi et la ferveur de la presse pour les PO1. Je pense que la plupart des gens trouveraient plus correct de ne pas diviser les points. Cela augmenterait l’intensité des trente premières journées : il ne serait plus possible de garder des réserves car une défaite entérinerait une perte de trois points et donc un recul plus net. Je suis partisan des PO1 mais je plaide donc en faveur du maintien des points réellement gagnés afin que toutes les équipes soient motivées lors de chaque match, pendant trente journées. Courtrai ne serait pas opposé à une compétition simple, directe et claire.

Les PO2… Les clubs ont approuvé leur organisation et ils offrent un billet européen. Ils permettent aussi de générer des rentrées supplémentaires. C’est important dans le football professionnel. La saison passée, nous avons abordé les PO2 avec l’ambition de gagner notre poule et lors du dernier match à domicile, contre Charleroi, nous avons accueilli 7.500 spectateurs payants. Si chacun en tire le meilleur, les PO2 ont une certaine valeur. Les PO3 sont plus problématiques mais je n’en dirai rien pour le moment, puisqu’il va y avoir des réformes.  »

Ivan Vukomanovic

 » Les PO1 ne sont sans doute pas négatifs pour le suspense, les affiches intéressantes, les droits TV et l’aspect commercial, mais je ne les trouve pas corrects sur le plan sportif « , précise d’emblée Ivan Vukomanovic, T2 du Standard lors des derniers PO1.  » Championnat régulier et PO1 compris, c’est le Standard qui a pris le plus de points et qui a eu la meilleure attaque. Il méritait donc le titre. Pourtant, nous n’avons pas été champions à cause de la division des points au terme du championnat régulier. Il serait préférable de maintenir les points. Dans ces conditions, celui qui passerait de la troisième à la première place pendant les play-offs le devrait à son mérite.

Cette formule stimule certaines équipes mais a l’effet contraire sur d’autres, celles qui ont moins de chances. En fin de compte, ce sont toujours les mêmes deux ou trois équipes qui se disputent le titre. A partir de la mi-mars, beaucoup de joueurs s’intéressent plus aux catalogues de vacances, aux destinations attrayantes et aux agences de voyages qu’au nombre de points qu’ils peuvent encore gagner. C’est certainement le cas en PO2. Je trouve ridicule de lutter en championnat pour une place puis de démarrer les PO2 avec zéro point, ce qui permet au 14e de briguer une place en Coupe d’Europe et à des clubs qui n’ont même pas demandé une licence européenne de disputer la finale des PO2. Les PO3… J’ai déjà essayé d’expliquer le système à des amis étrangers. Ils en rigolent. Personne ne comprend. Mais bon, c’est comme ça et il faut bien s’y faire. Je comprends aussi que la formule est née de la mauvaise situation financière de certains clubs, qui ont ainsi pu redresser la barre.  »

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE

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