» LES PLAY-OFFS 1 SONT NOTRE LIGUE DES CHAMPIONS « 

Avec son compatriote Mbaye Leye et Christophe Lepoint, Mame Thiam assure la production des buts de Zulte, qui dispute les PO1 pour la quatrième fois en sept ans. L’avant sénégalais a quitté son foyer à quinze ans, en quête de réussite.

Neuf buts et trois assists : Mame Thiam a une large part dans la qualification de Zulte Waregem pour les PO1. A voir le sourire désarmant de ce garçon de 23 ans, on croirait que sa route a été un lit de roses. Mais non.  » J’ai connu la misère et la faim « , reconnaît-il. Le Sénégalais est francophone mais demande à s’exprimer dans la langue d’Alessandro Del Piero, son idole.  » Je trouve plus facilement mes mots en italien car j’ai vécu huit ans dans la Botte, de 2007 à l’été dernier.  »

Comment as-tu atterri là-bas ?

MAME THIAM : Via mes agents. J’avais quinze ans à mon arrivée en Vénétie. Une famille m’a accueilli et on a désigné un tuteur. On m’a casé dans un club à Trévise. Ce fut dur : je découvrais un pays inconnu, dont je ne maîtrisais pas la langue. En plus, je ne possédais pas les documents nécessaires pour obtenir ma licence de joueur. Ça a duré plus d’un an. Je m’entraînais tous les jours sans pouvoir jouer. Ce fut la pire période de ma carrière mais j’ai puisé des forces dans ma volonté de réussir. J’étais venu en Europe pour aider ma famille.

L’Inter t’a transféré.

THIAM : Il avait suivi mes matches amicaux. Une fois mes papiers en ordre, j’ai disputé mes deux premiers matches de championnat pendant le mercato de janvier 2009 puis j’ai rejoint les nerazzurri et ses équipes d’âge. Je vivais au centre de formation et quand j’avais un week-end, je retournais dans ma famille d’accueil. Mes sacrifices se sont révélés payants à l’Inter.

Quel est ton plus beau souvenir de l’époque ?

THIAM :Sportivement, le succès à Viareggio en 2011, un tournoi qu’a gagné Anderlecht plus tard. Mais j’ai beaucoup d’autres bons souvenirs. J’ai été bien entouré, au club comme dans ma famille d’accueil, avec laquelle je reste en contact. Elle a une petite fille qui est comme une soeur pour moi.

On t’a comparé à Mario Balotelli, qui a été formé à l’Inter aussi ?

THIAM :On m’a surnommé Super Mame dès mes débuts pros à Avellino, en 2011, à cause de notre ressemblance physique et de notre style de course mais nous avons des caractères différents. Enfin, je ne le connais pas personnellement et je n’ai pas le droit de le juger mais il a la réputation d’un bad boy. Je suis serein, j’essaie de faire mon devoir de footballeur.

 » JE SUIS VENU POUR DISPUTER LES PLAY-OFFS 1 ET RIEN D’AUTRE  »

Balotelli a souvent été victime de racisme. Toi aussi ?

THIAM : Pas vraiment. Sur le terrain, je me replie dans mon cocon. Je n’entends rien. Sans doute y a-t-il eu des cris racistes, parfois, mais ils émanent de gens qui ne réfléchissent pas et qui ne font ça qu’en espérant nous faire mal jouer. Je me suis bien plu en Italie, vous savez.

Après tes deux saisons en Serie B, à Virtus Lanciano, tu aurais pu évoluer en Serie A cette saison.

THIAM : Empoli, Chievo et l’Atalanta se sont manifestés concrètement mais je voulais me faire connaître en dehors de la Botte. J’ai choisi Zulte Waregem, même si je pouvais gagner plus ailleurs.

Pourquoi ?

THIAM : Je ne savais rien du club mais Francky Dury m’a téléphoné plusieurs fois et m’a fait comprendre que j’avais une belle chance à saisir. Il m’a dit :  » Je suis un battant et je veux des joueurs comme toi.  » Je savais qu’il y avait des play-offs à six et qu’il y avait cinq grandes équipes. Je lui ai répondu :  » Si je viens en Belgique, c’est pour jouer. Pas pour les PO2, pour les PO1.  »

Quelle est la différence entre la Serie B et notre compétition ?

THIAM : Le football italien en général est beaucoup plus tactique. Il est difficile de marquer car les équipes défendent et attaquent d’une pièce. Le jeu est fermé. Ici, il y a de l’action.

Que t’a appris Francky Dury ?

THIAM : Qu’il faut se livrer à fond en Belgique. Pas question de jouer un bon match puis de se laisser aller. Dury veut qu’à peine un match achevé, nous pensions au suivant. Seuls les meilleurs footballeurs sont toujours à leur niveau, quel que soit leur adversaire.

Est-ce la meilleure saison de ta carrière ?

THIAM : Au nombre de buts, oui, mais j’étais mieux la saison passée : je n’avais pas eu de contrecoups physiques. Cette année, mon genou m’a handicapé à plusieurs reprises. Après le dernier match contre Mouscron, je me suis fait soigner à Turin. Ces quelques semaines de récupération devraient suffire.

D’où vient cette douleur ?

THIAM : D’un manque de base avant la saison. Je suis arrivé en août, après mes vacances, alors que le championnat avait repris.

 » MON OBJECTIF EST DE RETOURNER UN JOUR À LA JUVENTUS  »

As-tu discuté de ton avenir à Turin ? La Juventus détient la totalité de tes droits de transfert depuis ton passage là-bas, en 2015.

THIAM : La Juve me suit de près. Après chaque match, un dirigeant fait le bilan avec moi, par téléphone. J’ai dit au club que j’affrontais dix matches cruciaux, dix finales. Je veux jouer les PO1 et me livrer à fond pour l’équipe. Nous avons déjà gagné notre championnat : les PO1 sont notre Ligue des Champions. Nous devons prouver que nous ne nous sommes pas qualifiés par hasard. Les PO1 sont une belle vitrine, même si l’Europe serait encore mieux. Si je dois partir, je veux que ce soit en laissant de bons souvenirs. On ne parlera de l’avenir qu’après le 22 mai.

Quel était le club de tes rêves ?

THIAM : La Juve. Alessandro Del Piero a toujours été mon idole. J’ai pu lui adresser la parole quand j’ai signé à Turin. Je lui ai avoué mon admiration, pour son jeu mais surtout pour son comportement exemplaire, empreint de sérieux, de respect. Je veux l’imiter.

Penses-tu rester la saison prochaine ?

THIAM : Je suis loué pour un an. Mon objectif est de retourner à la Juve mais pas comme sixième avant. Je vais aussi discuter avec Zulte à l’issue de play-offs. Je n’exclus rien car je suis content de cette saison-ci.

Tu as rapidement connu le succès.

THIAM : Deux jours après mon arrivée, je jouais contre le Standard. Et je marquais. Un bon début. Malgré mes problèmes de genou, j’ai progressivement trouvé mon rythme.

L’entraîneur apprécie ta polyvalence : tu peux jouer au centre comme sur les flancs.

THIAM : A l’Inter, j’évoluais souvent en décrochage, ma position de prédilection. Sur les flancs, je suis plus limité mais au fil des années, mes entraîneurs ont de plus en plus procédé en 4-3-3, ce qui a eu un impact sur ma place. Avec Mbaye, je pourrais très bien jouer au centre mais si l’entraîneur a besoin de moi sur l’aile, pas de problème.

Qui t’a découvert ?

THIAM : Un coach et des agents portugais. J’ai appris à jouer en rue dès mes six ans. Les Portugais ont organisé un tournoi et ont choisi trois joueurs, dont moi. Ils ont demandé à mes parents la permission de m’envoyer en Europe. Je ne sais pas ce que sont devenus les deux autres.

 » J’ÉTAIS UNE BALLE ENTRE LES MAINS DES MANAGERS  »

Comment a réagi ta mère ?

THIAM : Elle voulait que j’achève mes études. J’étais doué et ma mère me voyait déjà médecin ou ingénieur mais je ne pensais qu’au football. Elle n’avait pas le choix tant nous étions pauvres. Mes parents se sont séparés après ma naissance et j’ai déménagé à Dakar avec ma mère. J’ai deux soeurs aînées, pas de frère. Ma mère gagnait peu. Donc, il fallait que je parte avec les Portugais pour aider la famille.

En Italie ?

THIAM : Non, au Portugal mais les agents n’ont pas trouvé d’accord financier avec un club et au bout de deux semaines, je suis allé en Italie. Ce fut pénible mais tout ce qui comptait pour moi, c’était de monter sur un terrain. J’ai suivi ces managers sans savoir où j’allais me retrouver, d’autant qu’ils ne pensaient qu’à leurs intérêts. J’étais une balle entre leurs mains. Puis je me suis retrouvé seul. Ce n’est qu’une fois à l’Inter, en commençant à gagner de l’argent, que j’ai réalisé que mes sacrifices n’avaient pas été vains. Ma mère a également compris que j’étais prédestiné à devenir footballeur.

Comment as-tu supporté cette incertitude ?

THIAM : En pensant à mon objectif ultime. Je n’ai jamais perdu ma détermination. J’étais certain qu’en continuant à m’entraîner et à me livrer à fond, je finirais par réussir. Le secret, c’est le travail.

Vois-tu souvent ta famille ?

THIAM : Je retourne au Sénégal une ou deux fois par an. Ma mère n’est encore jamais venue ici. J’aimerais qu’elle assiste à un match des PO1. Une de mes soeurs vit à Turin, où elle travaille dans un restaurant. Je la vois plus souvent. Ma mère est heureuse, maintenant. J’ai réussi à aider ma famille. J’ai acheté une belle maison à ma mère, à Dakar. La société sénégalaise est solidaire : quand on a de l’argent, on a l’obligation d’aider sa famille et ses proches.

Quel regard portes-tu sur le chemin que tu as accompli ?

THIAM : Il m’a endurci. Chaque nouvelle expérience m’apprend à gérer cette situation, si elle se reproduit. On traverse des moments difficiles dans tous les métiers. Il s’agit de faire preuve de patience, sans jamais perdre de vue son objectif.

PAR BENEDICT VANCLOOSTER – PHOTOS BELGAIMAGE

 » On m’a surnommé Super Mame en raison de ma ressemblance avec Super Mario Balotelli.  » MAME THIAM

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