Les pirates du Canonnier

Ils ont 37, 36 et 35 ans, mais ne songent toujours pas à raccrocher. Samedi, ils seront de retour à Mouscron.

A respectivement 37, 36 et 35 ans, Yves Vanderhaeghe, Koen De Vleeschauwer et Stefaan Tanghe s’accrochent à leur place et tirent leur carrière en longueur. Ils ont l’impression d’avoir encore leurs jambes de 20 ans et n’envisagent toujours pas de raccrocher. Samedi, ils retrouveront un stade du Canonnier où ils ont vécu quelques beaux moments de leur carrière. Si les deux derniers fouleront probablement la pelouse, ce ne sera sans doute pas le cas de Vanderhaeghe, toujours tracassé par des problèmes de genoux.

Souvenirs hurlus

Vous êtes trois anciens Hurlus. Quel est votre meilleur souvenir de votre passage au Canonnier ?

DeVleeschauwer : La fierté d’avoir produit de l’excellent football. Lorsqu’on a joué tous les trois ensemble, avec Tonci Martic en plus dans l’entrejeu, on pratiquait peut-être le meilleur football de Belgique et on était capable de battre n’importe qui. Lors de la finale de la Coupe de Belgique, perdue contre Bruges en 2002, Yves et Stefaan étaient déjà partis. C’était l’époque où l’Excelsior attisait encore les passions. Le délégué Patrick Stelandre avait les larmes aux yeux en constatant qu’il y avait presque autant de supporters hurlus que de brugeois au Heysel. Pour moi, davantage encore que pour Yves et Stefaan sans doute, Mouscron a constitué le point d’orgue de ma carrière. J’y ai connu de très beaux moments, et en plus, j’y ai très bien gagné ma vie.

Tanghe : Mouscron est le club qui m’a permis de devenir professionnel. C’est là, aussi, que je suis devenu international, ce qui m’a valu d’être repéré par le FC Utrecht. Je dois donc beaucoup à ce club. J’avais été découvert à Courtrai, en D2, alors que j’avais déjà 23 ans.

Vanderhaeghe : J’ai connu Mouscron durant deux périodes. D’abord en D2, où j’ai disputé plusieurs tours finals. Mais comme le club échouait chaque fois au port, je suis parti à Alost qui était monté à la place de l’Excelsior. Je suis revenu au Canonnier lorsque le club était enfin parvenu en D1 et que l’Eendracht connaissait une période plus trouble. C’était devenu une équipe fantastique, au sein de laquelle régnait une très bonne ambiance. On prenait énormément de plaisir à s’entraîner et cela se ressentait le week-end, car on a livré des rencontres mémorables. Je me souviens d’un 5-0 contre Genk, puis d’un 7-1 contre La Gantoise. C’était vraiment la fête au Canonnier. Malheureusement, j’ai loupé les trois points d’orgue du club : la montée en D1 et les deux finales de Coupe de Belgique.

Samedi, vous retournez à Mouscron. Avec un sentiment particulier ?

Tanghe : Pour moi, ce sera la première fois. J’espère que je serai bien accueilli. Mais je ne me fais pas trop de soucis à ce sujet. Je suis parti en bons termes, pourquoi m’en voudrait-on ? Je me réjouis déjà de revoir certaines personnes. Il est fort possible, d’ailleurs, que je ne reprenne pas le car avec les autres joueurs de Roulers, car la troisième mi-temps vaudra sans doute la peine également.

Vanderhaeghe : Sur ce point, je peux rassurer Stefaan : il sera bien accueilli. Je suis déjà retourné plusieurs fois au Canonnier avec Anderlecht, et cela s’est toujours bien passé, même lorsque j’ai inscrit l’unique but d’une victoire 0-1. Le Sporting s’en est souvent bien sorti le long de la frontière, mais la plupart du temps au prix de mille difficultés.

DeVleeschauwer : J’y suis retourné deux fois. La saison dernière, ce fut le fameux match où Demba Ba s’est blessé. J’ai failli être accusé à tort, car je ne l’ai pas touché.

Yves, comment va le genou ?

Vanderhaeghe : Mieux, merci. La semaine dernière, j’ai déjà pu disputer un petit match de Réserves. J’entrevois tout doucement le bout du tunnel. Mais que ce fut long ! J’ai subi cinq opérations. En février, on a découvert une bactérie dans mon genou. C’est une infection qu’il ne fallait pas sous-estimer. J’ai perdu pratiquement une année. Je pense que le plus dur est derrière moi, mais il me manque encore 20 %.

Vous avez tous les trois l’âge où la plupart des footballeurs raccrochent. Qu’est-ce qui vous fait encore courir ?

DeVleeschauwer : Je me sens encore bien et j’éprouve toujours autant de plaisir à me défouler sur une pelouse. Le jour où je ne parviendrai plus à mettre un pied devant l’autre à l’entraînement, je prendrai la décision qui s’impose. Mais ce n’est pas encore le cas. Le club décidera peut-être pour moi. Le 31 janvier, je dois savoir si Roulers lèvera l’option et si je continuerai encore une saison supplémentaire. En cas contraire, il est possible que ce championnat-ci soit mon dernier. Il y a quelques semaines, des rumeurs d’un passage à Dender avaient été évoquées dans la presse. En fait, il y a simplement eu un contact entre les néo-promus et mon manager. Entre-temps, Johan Boskamp est arrivé et il semble vouloir miser sur la jeunesse. Un transfert n’est plus à l’ordre du jour.

Vanderhaeghe : Confronté aux ennuis de santé que j’ai connus, j’aurais pu mettre un terme à ma carrière. A 37 ans, il n’y aurait rien eu d’anormal. Mais, au-delà de l’aspect sportif, il en allait également de ma santé tout court. Je n’avais pas envie de rester invalide, et ces opérations étaient indispensables pour me remettre sur pied. Je veux être capable de jouer avec ma fille sans avoir mal au genou. Footballistiquement, l’un de mes objectifs est de pouvoir encore jouer un match de D1 avec mes copains Koen et Stefaan. Je rêve également de refouler la pelouse du Parc Astrid comme joueur. Ces perspectives-là me donnent l’énergie pour continuer à travailler.

Tanghe : Mes motivations sont pareilles. Je veux jouer le plus long possible. J’ai encore deux ans et demi de contrat à Roulers. J’aurai alors 37 ans, mais rien ne dit que ce bail-ci sera mon dernier. Le cas échéant, je continuerai ailleurs.

Un entrejeu de vétérans

Pourquoi avez-vous choisi Roulers ?

Tanghe : Après sept années aux Pays-Bas, j’étais avide de revenir en Belgique. Koen et Yves étaient déjà à Roulers. Leur présence a sans doute joué un rôle. En plus, le Schiervelde n’est pas très loin de mon domicile.

DeVleeschauwer : En juin 2005, j’étais arrivé en fin de contrat à Mouscron où, après cinq années merveilleuses, j’avais vécu deux saisons chaotiques, pas très agréables. J’aurais pu resigner, mais à des conditions inacceptables. Le manager général Roland Louf s’était mis en tête de réduire la masse salariale et m’a proposé des cacahuètes. J’ai bien tenté de discuter avec Jean-Pierre Detremmerie, mais il n’était plus le seul maître à bord. Entre Louf et moi, le courant ne passait pas. J’ai senti qu’il valait mieux aller voir ailleurs. Yves m’a conseillé Roulers : il connaissait bien le manager Luc Devroe, parti à Bruges depuis lors. Au départ, je n’étais pas très chaud, mais j’ai tout de même écouté ce que l’on pouvait me proposer. On est directement tombé d’accord.

Vanderhaeghe : En janvier 2007, lorsque j’ai dû quitter Anderlecht, j’avais le choix entre Mouscron ou Roulers. Ce fut un choix cornélien. Ce qui a fait pencher la balance, c’est que l’Excelsior ne pouvait temporairement pas réaliser de transfert durant le mercato hivernal. Le club avait rentré sa demande de licence plus tard et devait attendre le feu vert de la commission. Si j’avais pu signer tout de suite, j’aurais sans doute pris la direction du Canonnier. Mais je n’avais pas trop envie d’attendre et j’ai opté pour la certitude. En plus, Roulers est ma ville natale.

L’entrejeu de Roulers est donc constitué de vétérans. Quels sont les avantages et les inconvénients de cette situation ?

DeVleeschauwer : Pour l’avantage, je répondrai par un cliché : l’expérience. Mais je ne vois pas d’inconvénient. Physiquement, je soutiens encore la comparaison avec mes coéquipiers.

Tanghe : Moi aussi, je me sens encore bien.

Vanderhaeghe : On a notre âge, c’est vrai. Mais je n’ai pas encore joué un match cette saison. J’ai donc fait… baisser la moyenne d’âge ! N’exagérez pas en parlant de vétérans : Frederik Vanderbiest n’a que 30 ans, vous savez. ( Ilrit) Blague à part : si l’on trouve des joueurs plus jeunes et meilleurs que Koen et Stefaan, il faut les faire jouer. Jusqu’à preuve du contraire, on ne les a pas encore trouvés. Lorsque les vieux affrontent les jeunes à l’entraînement, ce sont souvent eux qui gagnent.

Et la reconversion ?

Que pensez-vous de l’Excelsior actuel ?

Vanderhaeghe : Je n’ai pas encore eu l’occasion d’aller voir jouer l’Excelsior cette saison. L’équipe a tellement changé qu’il m’est difficile de porter un jugement.

DeVleeschauwer : On connaît surtout les gens de notre époque. A l’exception de Steve Dugardein, cela se limite surtout à l’entourage : le délégué Patrick Stelandre, les deux kinés Jean-Luc Massin et Christophe Soyez. Pour le reste, tout a bien changé.

Vanderhaeghe : J’éprouve toujours beaucoup de plaisir à retrouver les gens que j’ai connus. Lorsque nous étions jeunes, Dugardein et moi étions partis en vacances ensemble en République Dominicaine, il y a déjà une quinzaine d’années de cela. On est resté de bons copains, mais on s’appelle rarement. Le téléphone et Steve, ce ne sont pas les meilleurs amis du monde.

Tanghe : Lorsque je jouais aux Pays-Bas, j’ai continué à me tenir informé des résultats de l’Excelsior. Mais moi non plus, je n’ai pas encore eu l’occasion d’aller voir jouer mon ancienne équipe cette saison.

Un retour au Canonnier est-il possible, comme joueur ou dans une autre fonction ?

DeVleeschauwer : En fin de saison dernière, Gil Vandenbrouck avait pris langue avec moi car l’Excelsior était à la recherche d’un arrière droit. On avait même trouvé un accord sur le plan financier. Suite à cela, je m’étais également entretenu avec Ariel Jacobs, l’entraîneur de l’époque, qui n’était pas opposé à mon retour. Mais il fallait l’accord du nouveau président, Philippe Dufermont. Lorsqu’il a appris que j’avais déjà 36 ans, il a estimé que le jeu n’en valait pas la chandelle. Gil a encore tenté de le convaincre, en lui expliquant que j’étais toujours en parfaite condition et que je pouvais encore rendre des services, mais le président a eu le dernier mot : il préférait ne pas investir autant d’argent dans un joueur qui avait l’essentiel de sa carrière derrière lui. Un retour dans une autre fonction ? En fait, je n’ai pas encore réfléchi à une possible reconversion. Je continue à me concentrer sur la préparation des matches.

Vanderhaeghe : A plusieurs reprises, à l’époque de Detremmerie, on avait évoqué l’idée d’une reconversion dans le staff mouscronnois. Cela se réalisera-t-il ? Je l’ignore. Avec l’arrivée du nouveau président, les priorités ont peut-être changé. Personnellement, je ne serais pas contre : j’aimerais rester dans le football au terme de ma carrière et je considère toujours Mouscron comme un club très sympathique, où il me plairait de travailler à l’avenir.

Tanghe : Je n’ai pas encore eu le moindre contact avec Mouscron dans la perspective d’un retour, que ce soit comme joueur ou dans une autre fonction. Si l’on me contacte, j’écouterai attentivement ce que l’on me propose. J’ai commencé les cours d’entraîneurs, mais je n’envisage pas encore de raccrocher. Si je ne peux pas rester dans le football plus tard, je me reconvertirai sans doute comme vendeur. Avant de devenir professionnel, je vendais des cierges d’église.

Vanderhaeghe : Si tu reprends cette profession, tu auras déjà un premier client : j’ai entendu que Detremmerie envisageait de se retirer dans un cloître ! Et, si tu deviens entraîneur, choisis bien tes adjoints. Koen et moi, on pourrait faire l’affaire, non ? ( Il rit)

par daniel devos- photo: reporters/ vander eecken

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