Les piliers de la montée

Le purgatoire pourrait se limiter à une seule saison. Voici grâce à qui.

La machine mise au point par Tibor Balog continue à cracher le feu : Charleroi a atomisé Eupen dans le choc de la D2, au c£ur d’un stade qui sentait à nouveau la D1 : 13.000 spectateurs et une ambiance à l’opposé de l’atmosphère funèbre des play-offs 3 entre les deux mêmes clubs il y a moins d’un an.

Avec six points d’avance, les Zèbres filent droit vers le titre. Le purgatoire devrait se limiter à une seule saison. Ce championnat révèle quelques piliers. Le point sur les stars carolos et les commentaires techniques du coach injustement démis, dont le nom est toujours scandé au Mambourg.

Le patron : Ederson

Quand Jos Daerden débarque l’été passé sans connaître grand-chose du club, Balog lui dit qu’il n’y a pas à hésiter sur le choix du capitaine : le Brésilien Ederson doit recevoir le brassard. Parce qu’il s’exprime dans les deux langues qui animent le vestiaire (français et anglais), parce qu’il possède une expérience intéressante (plus de 80 matches de D1 avec le Beerschot – où il s’était révélé comme box-to-box – et Genk), parce qu’il a des capacités de rassembleur et aussi – peut-être surtout – parce qu’au moment de la chute de Charleroi en D2, il a été un des seuls joueurs confirmés à lancer qu’il ne voulait pas s’éclipser en douce, qu’il avait une dette vis-à-vis du club.

Ederson récupère un nombre incalculable de ballons dans l’entrejeu et sait surgir de cette ligne pour aller faire peur devant. Balog signale que la notion de patron est relative au Sporting, que c’est plutôt  » un collectif qui fait la loi, sans un leader qui essaie de se placer au-dessus de tous les autres, un groupe où il n’y a pas un seul gamin de merde mais seulement des gars qui se déchirent pour gagner et faire remonter le club « .

Mais Ederson joue quand même un rôle particulier. Dans le même style, mais de façon moins marquée parce qu’ils ne sont pas aussi anciens au Sporting, il y a le gardien français Stéphane Coqu (ex-Lille, Lecce et Valenciennes, voir son interview dans la rubrique de Stéphane Pauwels) et le défenseur espagnol JavierMartos ( Barça dans une autre vie… ensuite en Bulgarie et en Grèce).

Les cerveaux : Hervé Kagé et Danijel Milicevic

En début de saison, il y avait trois brains dans l’équipe du Sporting, ses trois milieux offensifs : Onur Kaya, Hervé Kagé et Danijel Milicevic. Kaya avait été présenté comme le petit magicien de Bruxelles quand il était arrivé en 2010, après cinq ans à Vitesse Arnhem qui suivaient sa formation à Anderlecht. Il a rarement fait des flammes en D1 avec le Sporting, mais ce championnat de D2, il l’a entamé comme une fusée. Il s’est ensuite blessé à l’épaule et n’a pas encore réintégré l’équipe.

Depuis sa sortie du 11 de base, il reste deux cerveaux pour imaginer le jeu de Charleroi : Milicevic et Kagé. Mili, c’est ce Suisse qui a joué à Eupen de 2008 à 2011. Il a directement trouvé ses marques dans le Hainaut. Il tire presque tous les coups francs et corners, c’est l’un des meilleurs donneurs d’assists de la série. Et il donne des passes en profondeur d’une précision diabolique. A ses côtés, il y a ce Kagé dont Johan Walem nous avait dit l’année dernière que c’était l’un des joueurs les plus brillants qu’il avait entraînés chez les jeunes d’Anderlecht. Walem avait ajouté :  » Je n’ai jamais compris que Charleroi l’ait reconverti en back droit « . A ce poste, Kagé avait accumulé les floches la saison passée et était devenu la cible du public.

 » J’ai été le premier à l’aligner à cette place-là, lors d’un match contre le Standard « , dit Balog, qui faisait un premier intérim au moment de faits.  » A mes yeux, c’était un simple dépannage. Mais les coaches qui m’ont succédé l’ont laissé au back. Ce n’est clairement pas sa place.  » Insuffisant dans la ligne arrière et dégoûté par l’attitude des supporters, Kagé est parti faire une brève pige au Beitar Jérusalem, puis il est revenu à Charleroi pour y devenir une tête pensante de l’équipe. Sortir une astuce technique inattendue, éliminer un ou plusieurs adversaires dans un mouchoir, garder le ballon quand ça chauffe, percuter et aller faire seul la différence : aucun souci pour lui, il l’a encore bien montré le week-end dernier. Dans sa tête aussi, il est parfaitement bien depuis qu’il est devenu père.

Balog :  » De tous les joueurs du noyau, c’est celui qui réalise la progression la plus spectaculaire cette saison. Il peut facilement faire son trou dans un bon club belge ou étranger dès l’été prochain. C’est sans doute le joueur le plus doué avec lequel j’ai travaillé. Sa vivacité sur les premiers mètres est extraordinaire. Il fait des trucs incroyables : pas seulement à l’entraînement, aussi en match ! Je l’ai déjà vu garder le ballon entre trois adversaires qui le pressaient, puis sortir subitement de la mêlée via un petit pont ou un coup du sombrero. C’est phénoménal. Il trouve toujours une solution. Sa formation anderlechtoise saute aux yeux. Il est trop grand pour Charleroi ! S’il reste encore un an, je serai content pour le Sporting mais déçu pour lui. « 

Le meilleur buteur : Moussa Gueye

Le Sénégalais Moussa Gueye s’est traîné pendant trois ans avec le Brussels et Mons : 53 matches, 11 buts, rien d’un tueur. La saison dernière, il fut encore peu productif en D1 avec Charleroi : 2 petits goals en 19 rencontres. Mais il a complètement explosé dans ce championnat. Il a déjà frappé 17 fois. C’est surtout en début de saison qu’il a été intenable. Depuis la trêve, il connaît un petit coup de moins bien. Il a passé quelques jours en Afrique et est revenu à Charleroi en retard, mais surtout avec un petit moral. Gueye a un point faible : son mental. Cela fait près de cinq ans qu’il est seul en Belgique, il a du mal à supporter l’éloignement de sa famille, sa compagne n’est pas encore venue le rejoindre, il ne conduit pas et se sent donc fort esseulé. Quand il a la confiance de son entraîneur et évolue dans une équipe qui tourne, il est très percutant. S’il a une forte concurrence et joue dans un team qui rame, il n’est pas du tout le même : cela s’est bien vu la saison dernière.

 » Il faut être gentil avec lui, parler énormément, presque le caresser, lui montrer qu’il est indispensable, lui faire comprendre que l’équipe est prête à jouer pour lui « , dit Balog.  » Il a du mal à gérer la pression. Mais dès qu’il est bien dans sa tête, il est terriblement bon, trop bon pour la D2, il aurait sa place dans la majorité des clubs de D1. Il sait tout faire. Il a une super pointe de vitesse, il allume des deux pieds, son jeu de tête est quasi parfait, il contrôle facilement les ballons les plus compliqués, son passing est très précis. Et sa marge de progression est importante car il n’a que 23 ans. « 

L’homme du deuxième tour : Harlem Gnohéré

 » C’est le Walter Baseggio du Sporting « , explique Balog en parlant de l’attaquant français HarlemGnohéré, dit Bison, souvent en guerre avec sa balance.  » S’il corrige son hygiène de vie, s’il arrête la malbouffe, il peut faire une belle carrière. C’est un buteur pur et dur.  »

Gnohéré a galéré pendant trois ans dans des clubs suisses de deuxième zone avant de poser ses valises à Virton, en D3, en 2010. Là, il a scoré 23 fois (en 24 matches) la saison dernière. Puis, il a signé à Charleroi mais a vite souffert du changement de division.  » Deux entraînements par jour, c’était trop pour lui « , affirme Balog.  » Il était… beaucoup trop gros et ne suivait pas le rythme. Il était incapable d’aller dans le rouge, complètement cuit. « 

Gnohéré vit donc le début de championnat dans l’ombre. Et il n’a pas la confiance de ses coéquipiers. A Virton, il recevait le ballon devant dès qu’il le demandait. A Charleroi, il n’est souvent qu’une solution de secours. Mais tout change pour lui à partir de début janvier. Gueye est un peu dans le trou et Gnohéré a digéré le passage de la D3 à la D2. Depuis le Nouvel An, il a marqué huit fois, dont deux goals samedi face à Eupen, et il a offert des points importants aux Zèbres. Il dégage une puissance énorme, il a un redoutable tir du gauche et il a entre-temps compris qu’un avant devait faire autre chose qu’attendre le ballon aux abords du but. Il est devenu un joueur qui travaille, participe à la récupération, s’implique dans le jeu défensif.  » Maintenant, plus personne n’a peur de lui donner le ballon, on sait qu’il peut le transformer en but « , ajoute l’ex-coach.

Le maton : Stéphane Coqu

Certains l’appellent  » Coc « , d’autres  » Cocu « . Il a passé trois ans à Boussu-Dour avant de s’engager à Charleroi durant l’été 2011. Juste un peu trop tard car le championnat a commencé sans lui et dans le but, il y avait alors le Serbe Nemanja Dzodzo, qui n’a pas fait que des miracles et a entre-temps quitté la Belgique.

Coqu connaît bien la D2. Il s’est vite imposé, par sa personnalité et ses prestations. Il laisse dans l’ombre deux autres gardiens qui ont le niveau du haut du classement de la deuxième division : Cyprien Baguette et ParfaitMandanda.  » Trois gardiens d’un niveau pareil en D2, c’est un luxe « , reconnaît Balog.  » Il faut en laisser un chaque week-end dans la tribune, ce n’est pas normal.  »

L’avocat de la défense : Mijusko Bojovic

Mijusko Bojovic, c’était un défenseur monténégrin perdu dans le charter des transferts (surtout israéliens) de janvier 2011. Son bilan durant le deuxième tour de la saison dernière : trois petits matches dans les play-offs 3 avec Luka Peruzovic. On le voyait rentrer dans son pays dès l’été passé avec un dossard de busé. Mais Balog l’a fait enfin vivre chez nous. Cette saison, il est titulaire indiscutable dans l’axe. Il gagne beaucoup de duels et impressionne par son sens du placement et son jeu très propre.

Les cracks de demain : Samuel Fabris et Kenneth Houdret

Balog ne doit pas réfléchir trois secondes quand on lui demande les noms des futures révélations de Charleroi :  » Samuel Fabris a joué quelques matches en D1 la saison dernière, il peut faire un bon médian défensif mais surtout un très bon back droit. C’est peut-être l’arrière droit du futur pour le Sporting. Kenneth Houdret est l’autre grande promesse : un demi récupérateur qui a un gros volume de jeu. Gaucher, en plus, ce qui n’est pas si fréquent dans ce rôle. Ils ont tous les deux un avenir en première division.  » Ils proviennent tous les deux du noyau Espoirs du Sporting.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE

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