LES PAVÉS de l’Acropole

Le cyclisme professionnel ne fait partie du programme olympique que depuis Atlanta.

Il vient de s’entraîner cinq heures. Décontracté, Peter Van Petegem s’enfonce dans un fauteuil. Samedi, il sera le leader belge de la course sur route, à Athènes. Il a reconnu le parcours en janvier. Celui-ci lui convient :  » Il y a une vraie côte d’un kilomètre et demi suivie d’un tronçon plat puis d’une descente raide, avec des virages étroits où il faut freiner. La place qu’on a dans le peloton sera importante, là. Derrière l’Acropole, il y a des pavés et l’arrivée est plate. Les côtes sont suffisamment dures pour étirer le peloton « .

Le parcours du Mondial de Hamilton était sélectif mais la course a été très ennuyeuse.

A Hamilton, les routes étaient assez larges pour se laisser aspirer par le peloton alors qu’à Athènes, même si le parcours est moins dur, revenir fera mal. On ne pourra pas contrer un démarrage si on est dans le peloton. Ce sera donc une course nerveuse, ce qui me plaît. Je pense qu’on verra surtout les spécialistes des classiques : Bettini, Rebellin, Freire, Astarloa.

Quelle est la différence entre l’épreuve olympique, en circuit, et une classique ?

A Paris-Roubaix ou Liège-Bastogne-Liège, la course commence à 150 km de l’arrivée, sur les pavés ou dans les côtes. Il faut alors rouler en tête. En circuit, il faut guetter le bon moment. Aux Jeux, l’échappée sera sans doute décisive : à cinq hommes par pays, on peut difficilement redresser la situation.

N’est-ce pas une course pénible pour un homme qui reste généralement en queue de peloton ?

Je devrai rouler devant mais la course fait 250 km. Le peloton ne va pas éclater après 50 km. Il faut conserver son calme. A chaque côte, je m’évalue : suis-je meilleur ou non ? La gestion du stress fait la différence entre les vainqueurs et les autres.

Paolo Bettini n’est pas un modèle de sérénité. Il peut à peine s’alimenter en course.

Il ne s’est rien passé de toute la journée à Hamilton. A la fin, Bettini était cuit. Il a besoin de rouler toute la journée. Moi, je le fais par moments. Je suis plus explosif mais Bettini est beaucoup plus fort que moi. Je peux rivaliser avec lui dans mes courses û Paris-Roubaix, le Tour des Flandres. Je le bats sans doute au sprint dans une côte d’un kilomètre mais il est meilleur sur trois ou quatre kilomètres. Il est plus jeune, aussi.

Vous avez déjà déclaré que vous perdiez votre explosivité.

C’était après Tirreno-Adriatico, où rien n’a marché, à commencer par l’équipe. J’ai dit qu’il fallait des renforts pour l’année prochaine. Avant, je pouvais sprinter avec Bartoli ou Bettini dans des montées de quelques kilomètres, plus maintenant. A 35 ans, j’ai besoin de courses plus dures. Cependant, cette année, à Liège-Bastogne-Liège, j’ai quand même démarré à Saint-Nicolas. Je ne voulais pas sprinter pour une place dans les dix premiers dans des circuits locaux où il faut franchir plusieurs fois la même côte. Je préfère lancer le sprint pour un autre. Mais arrivé là, je me suis dit : – Tu en as déjà été capable ici. Depuis deux ans, la pression est sur mes épaules.

Vous n’aimez pas ça.

Mais je veux que l’équipe preste. Dans certaines épreuves, la voiture de Lotto était derrière, car nous ne faisions rien de bon. Si, en mars, Lotto avait décidé d’arrêter les frais, ceux qui y roulent depuis des années en pensant faire leur boulot et y rester ad vitam aeternam auraient eu un problème. Durant ma première année dans cette équipe, elle était quatrième au classement UCI. Mieux vaut donner des contrats d’un an. A moi aussi : si j’avais pu renégocier en fin d’année…

 » Wim Vansevenant aura le même matériel que moi  »

La canicule athénienne va être pénible.

Nous roulons au centre, entre les immeubles, sous le smog. Tout dépendra du degré d’humidité. J’aime le soleil mais je transpire énormément. Je dois boire de dix à quinze bidons d’un demi-litre et manger un peu toutes les heures, ce qui n’est pas évident par une pareille chaleur. Or, trop boire sans manger n’est pas bon. Les voitures suiveuses ne sont pas admises aux Jeux, fidèles à leur devise : l’essentiel est de participer. José De Cauwer nous donnera des instructions depuis le box, grâce aux oreillettes, mais en cas de problème, c’est fini. Il n’y a pas de vélos de réserve. Wim Vansevenant aura le même matériel que moi, afin de me céder son vélo en cas de pépin.

Que vaut une médaille olympique ?

Il est important pour le cyclisme d’être reconnu au niveau olympique. Une médaille d’or est plus importante qu’un titre mondial dans certaines élections, comme le Sportif de l’Année. Un champion du monde roule toute l’année avec ce maillot. Un titre olympique est une question d’honneur : il vous garantit une reconnaissance à vie.

Vous avez participé aux JO de Sydney. Que pensez-vous de l’ambiance olympique ?

Pendant dix jours, nous avons logé à 130 km du village olympique. Je n’ai rien vu des Jeux. Lors de la reconnaissance de parcours, nous avons rapidement visité le village, où nous avons passé la nuit précédant la course. Ce sera encore pire cette année : nous ne rejoignons la Grèce que trois jours avant la course et nous retournerons sans doute le soir même. J’espère que nous pourrons voir quelque chose. Je vais souvent voir d’autres sports, surtout le football. On dit que les footballeurs ont une belle vie mais quand je vois Zidane à l’EURO… J’admire tous ceux qui sont au sommet de leur discipline.

 » La vie à l’hôtel commence à me peser  »

Ils s’entraînent moins que vous…

Je m’entraîne six heures par jour, eux, deux. C’est ainsi. Je retire parfois plus de satisfactions d’un entraînement que d’une course. Dans une bonne séance, les meilleurs émergent. Après 200 km à un rythme élevé où j’ai vu souffrir celui qui m’accompagnait, je suis plus content que quand j’ai couru l’habituel circuit de 170 km. Et la vie à l’hôtel commence à me peser, surtout dans certains établissements.

Est-ce toujours aussi grave ?

L’année dernière, à la Route du Soleil, qui est pourtant un beau tour, nous avons logé dans un internat, à quatre par chambre. Nous mangions des spaghettis secs avec de l’huile d’olive car nous ne savions pas ce qu’il y avait dans la sauce. Au Tour de France aussi, nous nous retrouvons parfois en rase campagne : à deux par chambre, on a parfois du mal à ouvrir sa valise. Quand la nourriture n’est pas bonne, je commande un steak ou je vais au restaurant. C’est mon devoir, comme leader. Je discute avec les jeunes, pour élaborer leur programme et tout ça.

Vous militez pour les droits des coureurs. Vous avez épaulé Tom Boonen pendant la grève au Tour de Belgique.

A cause de la grave série de chutes de la veille. D’accord, la nervosité du peloton a joué un rôle aussi mais les tours locaux étaient très dangereux. Les directeurs sportifs nous ont donc ordonné de rouler en tête pour éviter les risques. Résultat : encore plus de frictions et de chutes. Le lendemain, il y avait une étape de 100 km à Malines, avec quatre ou cinq tours. Une kermesse ! Le Tour de Belgique mérite mieux. Au Tour d’Allemagne, la foule se presse le long du parcours pour voir passer Jan Ullrich une fois. A Malines, il y avait un contre-la-montre le matin et les gens avaient donc déjà tout vu. Pourtant, ils étaient fâchés par la grève. Et puis, durant ce Tour, je suis en phase de préparation. Il ne faut pas m’attendre en tête mais les gens se moquent de moi, le long de la route. C’est ça, la Belgique…

Loes Geuens

 » Je n’ai rien vu des JO de Sydney : NOUS LOGIONS à 130 KM du village olympique « 

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