« Les managers sont notre cancer »

Le président des Hurlus ne mâche pas ses mots envers l’affairisme du foot, mais avoue qu’il s’est peut-être trompé dans certaines orientations.

Exceptionnellement, le président de l’Excelsior Mouscron n’a pas rendu visite à ses joueurs en stage hivernal en Espagne, la semaine dernière. Il se remet lentement d’une opération à la hanche. Si sa convalescence ne l’empêche pas de travailler, elle le limite dans ses déplacements.

Nous voilà aux portes du deuxième tour. Eliminé en Coupe de Belgique et 8e en championnat, que peut encore ambitionner l’Excel?

JeanPierreDetremmerie: Confirmer les résultats du premier tour, qui sont presque inespérés étant donné le nombre de jeunes joueurs que nous avons dû aligner. Avec le retour des blessés, nous essayerons de terminer dans les cinq premiers et, pourquoi pas, d’accrocher une place européenne.

Et si les trois points perdus sur le tapis vert contre Mons vous coûtaient cette place européenne?

C’est évidemment dans la mesure du possible. Il est clair qu’une grosse erreur administrative a été commise. Cela ne me dérange pas que l’Union Belge applique ses règlements à la lettre, même si c’est au détriment de l’Excel. Ce qui me dérange plus, ce sont les changements continuels de règlement et la politique des deux poids, deux mesures. La saison dernière, des clubs sont restés impunis alors qu’ils avaient aligné des joueurs qui appartenaient à d’autres clubs ou qui n’avaient pas de permis de travail. Dans le cas de Mathieu Dejonckheere, nous sommes sanctionnés pour avoir aligné un joueur qui était affilié à Mouscron depuis dix ans. Il me semble qu’une simple amende aurait été suffisante. Par ailleurs, je me demande toujours si l’on aurait appliqué la même sanction dans le cas où Anderlecht aurait commis l’erreur.

Avec ces trois points, et les deux supplémentaires qui auraient pu garnir votre escarcelle contre Lokeren, vous auriez égalé votre meilleur premier tour des tous les temps…

Lokeren, c’est différent: louper un penalty à la dernière minute, cela fait partie du football. En d’autres occasions, la chance a été de notre côté. A Westerlo, par exemple, nous avons marqué à la dernière minute. Sur l’ensemble d’une saison, boires et déboires s’équilibrent.Le goût du risque

Quel bilan dressez-vous des six premiers mois de Lorenzo Staelens?

Positif. Beaucoup de gens avaient fait la fine bouche lorsque nous avons remplacé Hugo Broos par un entraîneur inexpérimenté. Les résultats nous ont donné raison.

Il n’empêche: vous aviez des doutes…

Non, j’étais fâché que Hugo Broos soit parti, c’est différent. J’avais l’impression que, d’une certaine manière, il avait… comment dire?

Mangé sa parole?

Peut-être, oui. Avec le recul, il faut constater que ce changement d’entraîneur s’est avéré positif. Nous avons franchi une étape que je ne pensais pas réussir aussi rapidement. Dans l’évolution du club, nous avons d’abord eu Georges Leekens qui était un grand entraîneur. Puis, Hugo Broos qui était un autre grand entraîneur mais qui jouait la sécurité avec des joueurs expérimentés. Avec Lorenzo Staelens, nous avons aujourd’hui un entraîneur qui utilise à fond les ressources de notre centre de formation. Plus tôt que prévu. Grâce à lui, nous avons gagné trois ans.

Etait-ce réellement un choix sportif plutôt que financier?

C’était d’abord un choix sportif. Mais aussi financier, c’est clair. Si Lorenzo Staelens avait été affilié ailleurs et que nous aurions dû prévoir un contrat supplémentaire pour l’engager, nous aurions hésité. Par chance, il était chez nous. Notre prochain objectif sera de recruter une nouvelle grande figure pour remplacer Lorenzo Staelens à la tête du Futurosport.

Qu’a apporté Lorenzo Staelens à l’équipe Première?

Son goût du risque. Il n’a pas hésité à aligner des jeunes joueurs. Au point que, parfois, j’avais l’impression qu’il était un peu casse-cou. Mais son pari a réussi. A posteriori, je me dis que nous aurions déjà pu agir de cette manière-là dans le passé. Lorsque Marco Casto a été sanctionné par le club après son exclusion à Lommel, la saison dernière, nous avons cherché à le remplacer par un joueur expérimenté. Or, Filston était déjà là, que je sache.

C’était la philosophie d’Hugo Broos.

C’est vous qui le dites.

Lorenzo Staelens a-t-il pris le relais un mois trop tard pour éviter le départ de Jonathan Blondel?

Je pense que Jonathan Blondel serait parti de toute manière. Mouscron n’avait pas les moyens de concurrencer Tottenham ou un autre club de ce calibre. Financièrement, c’était intéressant pour lui car il va gagner en quelques années ce que la majorité des joueurs belges gagnent sur toute leur carrière, et ce l’était également pour l’Excel. Chacun a trouvé son compte dans cette transaction. Mais, grâce à Lorenzo Staelens, nous avons peut-être évité que d’autres jeunes joueurs s’en aillent parce qu’ils avaient l’impression qu’ils ne recevaient pas leur chance.L’après-Detrem? Le plus tôt possible!

Financièrement, comment se porte l’Excel?

Je dois préparer l’après-Detremmerie. J’essaye donc de convaincre les industriels de la région à réjoindre une société liée à l’Excelsior, à laquelle participerait également l’Intercommunale. Pour l’instant, cela se passe bien. D’ici deux à trois mois, j’espère pouvoir annoncer une restructuration – presque une privatisation – du club.

L’après-Detremmerie, ce serait pour quand?

Le plus tôt possible. Si cela pouvait se passer dans huit jours, pourquoi pas? Mais je crains que cela prendra plus de temps.

Pourquoi cherchez-vous à passer la main?

Un club est fragilisé lorsqu’il est trop tributaire d’une seule personne.

C’est tout de même une facilité lorsqu’un club a comme président le bourgmestre de la ville?

Sans doute. Mais, si je suis l’âme du club, c’est surtout parce que j’y ai exercé différentes fonctions depuis trente ans.

Il suffit d’un claquement de doigts pour que des ouvriers communaux viennent tondre la pelouse du Canonnier…

Mouscron met 200 personnes à la disposition des asbl de l’entité, qu’elles soient sportives ou culturelles. On préfère payer des gens à travailler qu’à ne rien faire. Je dois le reconnaître: sans l’aide des pouvoirs publics ou de la Ville, l’Excelsior ne serait probablement pas en D1 actuellement. Mais les pouvoirs publics servent à cela.

Chaque fois qu’une affaire se produit, comme l’erreur administrative concernant Mathieu Dejonckheere ou la blessure de Mbo Mpenza, vous parlez d’arrêter. Vous semblez découvrir dans le football de D1 un monde dont les règles et coutumes ne correspondent pas à votre éthique.

S’il n’y avait pas le côté éducatif et social du Futurosport, j’aurais abandonné depuis longtemps, en effet.

Qu’est-ce qui vous irrite au plus haut point?

Le côté affairiste. Actuellement, le football tourne autour de l’achat et de la vente des joueurs. On considère les joueurs comme des numéros. Lorsqu’ils sont rentables, on les dorlote. Lorsqu’ils ne le sont plus, on les jette comme des kleenex. Pour moi, derrière tout footballeur, il y a un être humain.

On ne retrouve plus à Mouscron l’engouement populaire et le côté folklorique du début. Le Canonnier a tendance à s’embourgeoiser.

En 1996, les joueurs pouvaient encore s’échauffer sur le terrain annexe qui sert aujourd’hui de parking et une animation pouvait être prévue sur le terrain principal. Par ailleurs, il y avait l’enthousiasme de la montée, qui est difficile à entretenir sur le long terme, surtout lorsqu’il n’y pas l’événement qui pourrait attiser le feu sacré. Mouscron est toujours à la recherche d’un palmarès.Le milliard, ce n’est pas pour Mouscron

Voici quelques années, vous clamiez bien haut que vous alliez progressivement augmenter le budget du club, pour atteindre le milliard d’anciens francs et ainsi concurrencer Anderlecht. Aujourd’hui, il semble que vous cherchiez surtout à vendre des joueurs pour équilibrer ce budget.

Si l’on veut devenir le premier club de Belgique, un budget d’un milliard d’anciens francs me semble indispensable. Avec 200 ou 300 millions, on n’y arrive pas, effectivement. Ce club, capable d’atteindre le milliard et de rivaliser avec Anderlecht, n’existe peut-être pas encore dans notre pays.

Pas même à Mouscron, donc?

Non, et ce n’est pas notre ambition pour l’instant. Nous cherchons d’abord à pérenniser, en misant sur notre centre de formation, et en abandonnant la politique de transferts. Les autres clubs peuvent continuer à dépenser des dizaines et des centaines de millions dans l’achat de joueurs, c’est leur problème. Mais nous n’irons plus par ce chemin-là.

La Poste arrête-t-elle son sponsoring?

Probablement, oui, puisqu’elle arrête au GBA. Mais nous trouverons d’autres partenaires. Nous bénéficions d’une bonne image de marque.

Le budget de Mouscron est-il toujours de 350 millions d’anciens francs?

Dans ces eaux-là, oui. Mais nous allons le réduire. Nous établirons des barèmes. Les joueurs qui voudraient nous rejoindre devront accepter nos conditions. Ce sera à prendre ou à laisser. Sauf cas exceptionnel, nous ne ferons plus de surenchère. Dans le passé, nous nous sommes laissés entraîner dans une façon de voir qui mène inévitablement à la catastrophe.

Vous avez donc fait fausse route, ces dernières années?

Je pense que oui. En tout cas, nous avons voulu suivre des procédés qui sont généralisés dans le football, mais qui me paraissent erronées. Pour Mouscron, des histoires à la Zoran Ban, c’est terminé.Vendre n’est pas une obligation

Vous n’avez pas répondu à la question précédemment: Mouscron est-il obligé de vendre chaque année des joueurs pour équilibrer son budget?

J’ai établi un business plan en collaboration avec Deloitte & Touche pour les trois prochaines années. L’aspect « vente de joueurs » n’y figure pas. Si cet aspect intervenait, ce serait un plus dans le budget. Mais ce n’est pas une obligation. La vente éventuelle de joueurs servira, à l’image de ce qu’a réalisé Lens, à construire une école, un hôtel ou un agrandissement du centre de formation, mais pas à acheter d’autres joueurs afin de remplacer ceux qui sont partis?

Aviez-vous réellement l’intention de vendre Mbo Mpenza en janvier s’il n’avait pas été blessé?

Si une belle opportunité s’était présentée, pourquoi pas? Tout le monde est à vendre, à condition d’y mettre le prix.

C’aurait été un nouveau recul sur le plan sportif.

On avait dit cela également lorsque nous avons vendu Michal Zewlakow et Jonathan Blondel. Cela ne s’est pas vérifié dans les résultats.

Jonathan Blondel était la figure de proue du Futurosport. N’est-il pas dommage qu’il soit parti alors qu’il n’avait joué que 18 matches en équipe Première?

Peut-être. Et encore, dans son cas, nous avions affaire à des parents à responsabilité éducative. Les managers, hélas, tirent dans l’autre sens. Ils n’ont pas intérêt à ce qu’un joueur fasse toute sa carrière dans un même club, mais plutôt à faire tourner le carrousel. Je trouve scandaleux qu’un manager comme celui de Jonathan Blondel se soit enrichi de cinq millions d’anciens francs. J’aurais préféré que cet argent soit reversé dans une caisse commune gérée par l’Union Belge destinée à alimenter les centres de formation du pays.

Vous voulez parler de Serge Trimpont?

Je ne veux pas citer de noms. Je trouve scandaleux, en général, que certains s’enrichissent par le marchandisage, au détriment du sport. Et qui, parfois, trichent en rédigeant de faux contrats. Ils sont le cancer du football. J’espère avoir un jour le temps pour pouvoir poursuivre ces énergumènes en justice. Dans le cas de Trésor Empoke, je pourrais apporter la preuve qu’on lui a fait signer un contrat en blanc avant le 31 décembre, pour le réinjecter plus tard, au moment propice. Lorsque le joueur a voulu changer d’avis, il était lié par cette signature. Le cas de Jimmy Hempte est un peu différent. Il avait l’impression qu’il ne recevait pas suffisamment sa chance. La Gantoise s’est montrée très correcte et je n’ai pas la preuve que le joueur aurait signé avant le 31 décembre, même si c’est vraisemblable.

Daniel Devos

« Mouscron va réduire son budget »

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