Les lois du milieu

Les joueurs de D1 n’ont pas tous les mêmes critères de sélection mais ce sont souvent les mêmes noms qui reviennent.

Quels sont les critères prioritaires au moment où nos footballeurs professionnels doivent coucher leur tiercé sur le bulletin de vote? Choisissent-ils des coéquipiers? Votent-ils pour eux-mêmes? Se préoccupent-ils d’abord des qualités sportives pures ou de la mentalité? Le choix du lauréat est-il régulièrement contesté dans les clubs?

« Baseggio, Dindane, Doll » (Bertrand Crasson, Anderlecht)

« Le choix final n’est jamais mis en question par les pros. A partir du moment où tous les joueurs se sont exprimés, le vainqueur mérite automatiquement son titre. C’est toute la différence avec le Soulier d’Or, qui est surtout décerné par les journalistes. Dans ce cas-là, le copinage joue beaucoup: on donne ses voix à des gars qu’on apprécie peut-être plus dans la vie de tous les jours que sur le terrain. Je suis parfois sidéré quand je me retrouve, en match, face à un joueur encensé par la presse. Je m’attends à monts et merveilles de sa part, mais quand je le vois en action, je me dis que c’est une belle catastrophe! C’est surtout depuis deux ou trois ans que j’ai vu pas mal d’aberrations. Il faut rester honnête, quand même, et juger selon des critères objectifs. Certains joueurs ont l’art de soigner leur publicité, de bien passer dans le public, et ils en récoltent les fruits quand les médias doivent désigner l’homme de la saison. Je lis aussi, régulièrement, que tel ou tel footballeur est convoité par des grands clubs étrangers, qu’on va déposer, pour lui, une dizaine de million d’euros sur la table. Mais combien finissent effectivement par signer dans une grande équipe? C’est de la poudre aux yeux. Et je ne suis certainement pas le seul à penser comme cela. Par contre, le Footballeur Pro de l’Année a énormément de crédibilité. Ceux qui votent l’ont rencontré sur le terrain et savent donc exactement ce qu’il a dans le ventre.

Le critère essentiel, pour moi, est la régularité dans les prestations. Quand on est bon sur l’ensemble d’une saison, on force le respect de ses confrères. Cette année, j’ai voté, dans l’ordre, Baseggio, Dindane et Doll. Oui, trois coéquipiers. Et alors? Les gens auraient peut-être voulu que je vote Simons, Englebert et Clement. J’ai choisi trois Anderlechtois simplement parce que j’estime qu’ils le méritent. L’année dernière, j’avais donné le maximum de points à Boffin parce qu’il avait été bon pendant une saison complète. D’accord, Doll ne répond pas à mon critère de régularité sur l’ensemble d’une année, mais je le côtoie tous les jours et je suis bien conscient de ce qu’il a ramé pour revenir à son niveau actuel ».

« Jamais ma voix à un égoïste  » (Mbo Mpenza, Mouscron)

« Je ne veux pas rendre mon vote public. Tout simplement parce que je ne veux pas de reproches d’untel ou untel, qui pourrait être fâché que je n’aie pas voté pour lui. C’est triste comme mentalité, mais c’est parfois comme ça dans le football professionnel. Je vais juste vous citer un des trois hommes que j’ai choisis: Davy De Beule. Il correspond tout à fait à la conception que j’ai du Footballeur Professionnel de l’Année: il a travaillé et progressé dans l’ombre, et il s’est parfaitement fondu dans son équipe. Il n’a pas attrapé la grosse tête, malgré tout le bien qu’on a dit de lui depuis le début de la saison. Je ne voterai jamais pour un très bon joueur qui ferait cavalier seul dans son club. Un gars qui marquerait 50 buts mais ne serait pas intégré ne m’intéresse pas. Je suis contre les égoïstes. Je privilégie la solidarité et la régularité. Et pour moi, il ne faut pas nécessairement faire partie d’une grande équipe pour avoir une chance. J’ai aussi voté pour un Mouscronnois mais je ne tiens pas à le citer. Inconsciemment, on opte plus facilement pour un coéquipier parce qu’on voit les efforts qu’il fait jour après jour. Ce Mouscronnois n’est en tout cas pas… Mbo Mpenza. Je n’aurais pas hésité à voter pour moi si j’avais fait une toute grande saison, mais ce n’est pas le cas et je tiens à rester honnête avec moi-même ».

« Sonck plutôt que Simons » (Axel Smeets, Lierse)

« Je privilégie la régularité, l’efficacité, mais aussi la technique et la créativité. Je vote presque systématiquement pour un footballeur qu’on aime regarder jouer. En général, les joueurs sont d’accord avec le choix des lauréats, que ce soit pour le Soulier d’Or ou le Footballeur Pro. Mais le Soulier d’Or de Simons a été contesté un peu partout. Moi-même, je n’ai pas compris. Nous nous attendions à la victoire de Sonck pour ce qu’il avait montré en championnat et en Ligue des Champions. Si vous enlevez un bon Sonck à Genk, vous verrez immédiatement la différence. Par contre, si vous retirez Simons du Club Brugeois, les conséquences ne seront pas catastrophiques. Pour le Footballeur Pro 2003, je ne vois pas vraiment un joueur qui se détache. Je prévois un résultat final serré parce qu’aucune individualité n’a survolé la saison. Pas plus à Bruges qu’ailleurs, malgré le titre facile du Club ».

« La sympathie joue  » (Philippe Clement, Bruges)

« Les performances sportives restent évidemment le critère prioritaire, mais je tiens aussi compte des qualités humaines. Je vote donc plus facilement pour des joueurs que je connais bien. Je choisis généralement des joueurs offensifs, mais cette année, deux éléments à vocation plus défensive étaient, selon moi, incontournables: Simons et Englebert. Avec ce qu’ils ont réussi d’un bout à l’autre de la saison, il était impossible de les ignorer. Sonck complète mon tiercé. Il vient de connaître quelques semaines difficiles, mais cela n’a pas eu d’incidence sur mon vote. Je me suis souvenu des miracles qu’il a réalisés depuis l’été dernier. Que ce soit à Genk ou en équipe nationale, il a évolué dans des circonstances délicates, dans des équipes qui ont rarement tourné à leur meilleur niveau. Malgré cela, il a continué à marquer des buts importants et il a fait basculer plusieurs matches à lui seul. Comme les autres années, je ne m’attends pas à une grosse surprise au moment de la proclamation. Nous sommes parfois étonnés quand nous apprenons le nom du nouveau Soulier d’Or, mais ce n’est jamais le cas avec le Footballeur Pro de l’Année. Saison après saison, tous les joueurs trouvent le choix très logique ».

« Jamais pour les râleurs » (Gonzague Vandooren, Standard)

« Je m’attache d’abord au talent pur et à l’efficacité. J’ai mis Dindane en deuxième position pour son talent. Mais c’est Simons qui est venu à la première place sur mon bulletin parce qu’au niveau de l’efficacité, personne n’a fait mieux que lui, cette saison. C’était le vrai moteur de Bruges. Mbo Mpenza complète mon tiercé. Je ne tiens pas trop compte des qualités humaines des joueurs au moment de voter parce que je n’en connais que très peu personnellement. Mais je ne choisis jamais des râleurs, des gars qui arrivent à se faire détester du public parce qu’ils se plaignent sans arrêt et commettent un tas de fautes. Cette saison, je n’ai désigné personne du Standard. Tout simplement parce qu’il y avait beaucoup mieux ailleurs! »

« Un trophée par ligne » (Thierry Siquet, La Louvière)

« Pour moi, le premier critère est la régularité à un haut niveau. Quelques exploits, aussi beaux soient-ils et même si c’est ce qui marque le plus le grand public, ne m’influenceront pas s’ils sont entrecoupés de passages à vide prolongés. Pour être dans mon tiercé, il faut avoir été performant pendant dix mois. Je prends l’exemple de Jestrovic. Il marque comme il respire depuis quelques semaines, mais où était-il pendant le premier tour? D’accord, il n’était pas en possession de tous ses moyens physiques, mais je retiens qu’on ne l’a pas vu. Par contre, Simons a été présent pendant tout le championnat. Comme d’autres Brugeois, dont Englebert. J’ai aussi été impressionné par la saison de De Boeck. Il a été exemplaire du début à la fin, il n’a jamais commis de grosses bêtises.

Finalement, le règlement du trophée n’est pas très logique! On désigne un gardien et un joueur de champ. Mais on ne demande pas du tout la même chose à un défenseur, à un médian et à un attaquant. On ne peut dès lors pas les comparer valablement. Le défenseur se met moins en évidence que le buteur et a donc moins de chances d’être élu, mais a-t-il été moins bon ou moins utile pour autant? Il est même délicat de faire entrer un médian défensif et un meneur de jeu dans un même classement. Il faudrait attribuer au moins un trophée par ligne.

Les joueurs des petites équipes sont aussi désavantagés, alors qu’ils ont peut-être été aussi bons que les gars des clubs de tête. Un exemple: Touré, de Beveren. Il a toujours fait ses matches, mais son équipe a été très peu médiatisée et on n’a donc guère parlé de lui ».

« Pas de dominants » (Gunther Schepens, La Gantoise)

« Il y a un an, le vote était facile parce Sonck et Simons avaient été, de loin, les deux meilleurs joueurs du championnat. Cette fois, c’est beaucoup plus compliqué. Qui a survolé la saison? Les Brugeois ont été bons, mais leur titre est le fruit d’un travail collectif, pas du niveau exceptionnel de l’une ou l’autre individualité. J’ai voté, dans l’ordre, Kristinsson, Simons, Aarst. L’Islandais pour sa créativité. Depuis la fin de carrière de Degryse, c’est le joueur le plus créatif du championnat. Simons pour sa régularité, mais je ne lui trouve rien d’extraordinaire. Aarst pour ses qualités de voleur de but. Le fair-play n’intervient pas du tout dans mon vote parce que je suis convaincu depuis longtemps que certains joueurs peuvent se permettre beaucoup plus de choses que d’autres, que les arbitres ne traitent pas tout le monde de la même manière. Une star jouira automatiquement d’un traitement de faveur. Alors, voter en fonction de la sportivité me semble fort aléatoire.

Pour le classement du Jeune Pro de l’Année, les choses sont beaucoup plus claires dans mon esprit. De Beule et Mudingayi méritent à coup sûr d’être sur le podium. Et pour le Gardien, je ne vois pas comment le trophée pourrait échapper à Herpoel« .

Pierre Danvoye

« J’aurais voté pour moi si j’avais fait une grande saison » (Mbo Mpenza)

« Ceux qui votent ont rencontré le Footballeur Pro et savent exactement ce qu’il a dans le ventre » (Bertrand Crasson)

« Kristinsson est le joueur le plus créatif du championnat » (Gunther Schepens)

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