Les lieux du stade

Les Standardmen se donnent cinq ans pour bâtir un nouvel enfer pas trop loin du cour de Liège.

Un stade et un quartier ne sont pas figés dans le temps. Ils représentent leur époque, symbolisent le dynamisme d’une région. Ainsi, on a du mal à deviner que Sclessin fut autrefois un coin agricole et très calme où les riches notables liégeois possédaient une résidence secondaire. Ils venaient prendre l’air et des viticulteurs s’activaient sur les coteaux baignés par la Meuse. Ils obtenaient un excellent vin rouge qui fit la fierté du terroir du 11e à la fin du 18e siècle.

Quand John Cockerill lança l’industrie sidérurgique liégeoise, aux lueurs du 19e siècle, les vignerons abandonnèrent leurs pressoirs au profit d’un boulot mieux payé dans les usines. Le football n’allait pas tarder à les rejoindre. Fondé en 1898 par des élèves du Collège Saint-Servais, le Standard joue à Cointe, au Parc de la Boverie et à Grivegnée avant de dénicher une prairie à deux pas de la Ferme Deprez et du Château du Perron. Le Standard obtient alors sa pelouse pour une location de 300 francs (7,5 euros) par an.

En 1925, le président Maurice Dufrasne procède à des constructions importantes (tribune en béton, buffet, vestiaires, salle de réception, etc.) et donne son nom au stade. La réputation de l’enceinte de Sclessin, un enfer aussi chaud que les hauts fourneaux, est alors déjà légendaire. Ce chaudron subira d’autres travaux à l’époque de Roger Petit et, surtout, sous la houlette du duo André DuchêneJean Wauters, à partir de 1985. C’était vital. Il y a gros à parier que les Liégeois (dont le stade était assez décati) n’auraient pas surmonté les suites de la crise de 1984 (affaire Standard-Waterschei) sans une modernisation radicale de leur outil de travail. Les Rouches retrouvèrent un stade digne de leurs ambitions et de leurs objectifs pour l’avenir.

Cet effort, encouragé et financé en partie par les pouvoirs publics fut prolongé par Robert Louis-Dreyfus et Luciano D’Onofrio. Sclessin fut retenu parmi les sites de l’Euro 2000. En sept ans, la donne a changé et ces installations ont déjà pris un coup de vieux. Les grands théâtres européens sont plus spacieux, plus confortables et ont une vocation commerciale (bureaux, hôtels, magasins dans le stade ou dans les environs) et multi-événementielle avec à l’affiche : des matches, des congrès, des concerts, etc. Il y a suffisamment d’exemples en Hollande et en Allemagne qui prouvent que c’est la voie à suivre. Tenant compte de cette obligation, l’aire rouche semble trop petite.

 » Liège devra aussi avoir un grand stade  »

 » Des études très précises ont été réalisées et rester à Sclessin est mission impossible « , nous a dit Pierre François, le directeur général liégeois.  » Il ne faut pas être un grand spécialiste pour noter que nous sommes gênés par le n£ud routier et la Meuse. Le coût de nouveaux travaux serait disproportionné dans le site actuel. Il s’agira d’étudier les atouts d’autres endroits. Mais je tiens à signaler que le Standard ne lie pas nécessairement ce projet à l’éventualité d’organiser la Coupe du Monde 2018 en Belgique et aux Pays-Bas. Ce serait évidemment un atout de plus. Il y aura pas mal de dossiers à régler. Ainsi, il sera important de savoir ce que deviendront les installations de Sclessin. Qui les achètera pour que nous financions les travaux de construction d’un nouveau stade ? Certains sont nostalgiques et je les comprends. Mais, comme toutes les importantes villes européennes, Liège devra aussi avoir un grand stade de football « .

Le constat est posé et le thème d’un déménagement avait été abordé par le bourgmestre de Liège à l’occasion de la présentation de l’effectif pour la saison 2007-2008. Pour le premier citoyen de la Principauté, le Standard de Liège doit rester dans la cité dont il porte le nom. On remarquera quand même que la commune de Sclessin n’a été intégrée à la Ville de Liège qu’après la fusion ses communes en 1977. Les échanges entre Willy Demeyer et les Rouches viennent à peine d’être noués et des premiers rendez-vous ont été fixés. Des groupes d’études vont se mettre au travail. On parle de Wandre mais aucun terrain n’a été désigné. A Ans, la donne est quand même différente. Pour l’instant, il n’est pas question d’implanter le stade du Standard à Ans, Herstal, Seraing ou Awans. Mais tout peut bouger très vite. Les supporters sont généralement dans l’expectative.

Pour Alain Courtois, Ans et Wandre (qui fait partie de la Ville de Liège) comptent des atouts très importants.  » Je ne sais pas si un de ces endroits sera retenu mais ils sont bien situés « , avance celui qui porte sur ses épaules le projet de candidature du Benelux pour l’organisation de la Coupe du Monde 2018.  » Quand on se penche sur un tel problème, il y a un élément de réflexion encore plus important que le financement : la sécurité. Il faut savoir dès le départ qui va s’en occuper. Pour une petite ville ou une commune, c’est une charge impossible à supporter. Seule une grande métropole peut assumer cela. Après, il s’agit de développer un projet moderne et porteur qui sera supporté par toutes les forces vives d’une région. Dans le cas présent, cela ne devrait pas poser problème à une ville qui possède un grand rayonnement. Attention, il faut s’engager maintenant et ne pas attendre. Un grand stade moderne sera une source de fierté pour toute une région. Ce sera la preuve que les Liégeois peuvent nourrir de belles ambitions. A Paris, la construction du Stade de France avait suscité pas mal de critiques. Cette cathédrale fait désormais partie du patrimoine architectural de la Ville Lumière, presque comme la Tour Eiffel. A Amsterdam ou à Munich, les changements d’habitudes ont aussi suscité des doutes. Et, après coup, on s’y est vite rendu compte que les nouvelles installations étaient merveilleuses. L’Arena a augmenté l’assiette financière de l’Ajax. Un stade de 40.000 places doit être conforme aux exigences de l’UEFA. Les supporters du Standard sont sentimentalement accrochés à Sclessin. Je les comprends. Mais je suis certain aussi qu’ils sauront recréer cette ambiance dans un palais que tout le monde leur envierait. A Paris, l’Olympia est une salle de concert mythique mais c’est au Zénith que défilent les stars mondiales. En plus de la sécurité, il convient de tenir compte des énormes problèmes de parking, de la situation par rapport aux autoroutes, aux gares, aux aéroports, etc. La région liégeoise jouit de nombreux arguments à cet égard « .

Ans accueille déjà l’arrivée de la Doyenne

Avec le recul, ne peut-on pas regretter qu’un cinéma trône sur le plateau de Rocourt ? L’ancien stade des Sang et Marine était merveilleusement situé. Mais il aurait fallu faire une croix sur de nombreux préjugés afin d’y bâtir un palais du football liégeois. A l’époque de la démolition de Rocourt, c’était probablement impossible. Pour le moment, deux emplacements se dégagent : Ans et Wandre. On sait que le Standard songea autrefois à installer l’Académie Robert Louis-Dreyfus à Ans où les frères D’Onofrio ont passé leur jeunesse. La commune a acquis des terrains situés près du Château de Waroux : 28 hectares cédés par la Région wallonne et 24 achetés à la Société wallonne de logement. Ces 52 hectares représentent une surface intéressante. Mais, et c’est important, Ans subit de plein fouet les diverses nuisances dues à la présence et au développement spectaculaire de l’aéroport de Bierset. En guise de compensation pour ces problèmes, Ans a pu modifier son plan de secteur et ces 52 hectares sont passés en zone à bâtir. De tels terrains ont dès lors acquis une valeur financière très importante et même trop élevée pour les consacrer à un stade de football.

La commune d’Ans ne fait pas partie de la Ville de Liège. Pour le moment, c’est un gros problème. On peut cependant rappeler qu’Ans accueille l’arrivée de Liège-Bastogne-Liège et que la Doyenne fait la pub de la Cité ardente. A Ans, on affirme que ce sera plus difficile pour le football. Vraiment ? Le FC Liège y disposera un jour d’un stade. Pourquoi pas le même que le Standard ? Ans est le fief de Michel Daerden qui a hérité d’un nouveau portefeuille à la Région wallonne : le Sport. C’est important. Il s’intéresse de près aux infrastructures et a apporté son soutien dans la construction de l’Académie Robert Louis-Dreyfus. La vedette d’Ans peut débloquer pas mal de dossiers. L’idée d’un Standard du Pays de Liège ne passe pas pour le moment mais sera-ce encore le cas dans un ou deux ans ? Ans est situé près du croisement de plusieurs autoroutes venant de Bruxelles, de Namur, du Limbourg, d’Allemagne, de Hollande. La gare des Guillemins n’est pas trop loin, Bierset non plus. Ce sont des atouts très importants.

Wandre dispose aussi d’atouts non négligeables. La zone située près du port autonome est vaste mais il faut y examiner toutes les possibilités. Wandre, c’est Liège et la Ville est assez favorable à l’installation du Standard là-bas même si l’endroit est excentré par rapport au centre-ville. Wandre devrait assurer un rôle important dans le redéploiement industriel liégeois. Le Standard s’installera-t-il en ville ou à la campagne avec un stade qui nécessiterait un investissement important (plus de 100 millions d’euros ?). Il ne faudra pas attendre trop longtemps avant de répondre à cette question. John Cockerill avait tranché très vite quand il lança ses projets qui permirent au bassin sidérurgique liégeois de compter dans le monde…

par pierre bilic

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