Les (l)armes de Jacky

Bruges n’a pas su faire le break contre les Rouches mais peut les rejoindre ce soir en 16es de la Coupe de l’UEFA.

J acky Mathijssen risque de se souvenir longtemps de la deuxième mi-temps de ce Bruges-Standard. Les supporters liégeois ont scandé le nom de Laszlo Bölöni mais aussi, ironiquement, celui du coach brugeois. Les champions ont parfois fait tourner le ballon durant des dizaines de secondes, sous les  » olé  » du kop rouche. Il n’y avait qu’une équipe sur le terrain, et tout cela, Mathijssen l’a vécu depuis la tribune puisqu’il a une nouvelle fois été exclu. Il y a un an, Bruges était sacré champion d’automne. Un titre qui ne voulait pas dire charrette : il n’y avait que la troisième place au bout de la saison. Une distinction honorifique qui avait fait jaser car, pour beaucoup, elle n’était pas méritée. On avait l’impression que la machine tournait constamment en surrégime.

C’est différent aujourd’hui : le Club a six points de moins qu’il y a 12 mois, mais tous ceux qu’il a pris sont mérités. A-t-il pour autant assez de qualités pour viser la consécration en fin de saison ? Si le seul critère d’analyse est le match de dimanche, la réponse tient en un mot : non ! Mais la première partie de la saison ne se limite pas à cette dégelée. En championnat, tout reste à faire, personne ne s’est encore vraiment échappé. Et en Coupe de l’UEFA, la qualification pour les 16es de finale peut être arrachée ce mercredi soir. Passage en revue de ce qui fait la force et la faiblesse du Bruges cuvée 2008-2009.

Cette saison, ça joue au foot

En 2007-2008, le Club Bruges était le champion des buts sur phases arrêtées. Près de 70 % de ses goals avaient été inscrits sur coups francs et sur corners. On n’a pas compté le nombre d’entraîneurs adverses frustrés d’avoir perdu des points après avoir fait jeu égal avec les hommes de Mathijssen. Et dans le jeu, c’était le style purement brugeois, avec beaucoup de puissance et peu de finesse.

Tout a changé. Aujourd’hui, le Club joue de nouveau au foot. Une métamorphose qui s’explique essentiellement par deux transferts réussis. Par les arrivées de deux techniciens, de deux hommes qui estiment que le foot doit combiner résultats et manière : Nabil Dirar et Ronald Vargas. Leurs statistiques personnelles ne sont pas folichonnes : très peu de buts, peu d’assists. Mais leur apport dans le jeu offensif est déterminant. S’ils sont rarement les hommes de la conclusion ou de la dernière passe, ils sont régulièrement ceux qui distillent l’avant-dernière.

Le plus souvent, Mathijssen les aligne sur les flancs. Dirar abat aussi un important boulot défensif. Il en connaît l’importance car il a déjà une certaine expérience de notre championnat. C’est tout le contraire avec Vargas qui, au Venezuela, n’a jamais appris à défendre. Il ne s’en cachait pas en tout début de saison, il sous-entendait qu’il avait été transféré pour apporter un plus offensif et se moquait du travail de récupération. Mathijssen fait aussi jouer Vargas dans l’axe à l’occasion (contre le Standard notamment), mais ce n’est pas sa place car il ne l’a jamais fait dans le passé : ni en club, ni en équipe nationale.

Deux systèmes interchangeables

Dès son arrivée à Bruges, il y a un an et demi, Mathijssen voulait pratiquer en 4-4-2. Il a essayé cette disposition en début de saison mais ça ne marchait pas car il n’avait pas de flanc gauche spécifique. Le retour de Koen Daerden, continuellement annoncé, était sans cesse reporté. Dès le mois de septembre, le coach est donc passé au 4-3-3. Mais le trio d’avants ne trouvait pas ses marques : François Sterchele devait encore tout apprendre du Club, Wesley Sonck amorçait seulement son retour au premier plan et Dusan Djokic peinait dans son apprentissage du football belge. Cette saison, Mathijssen a pu lancer très vite le 4-4-2 qu’il avait en tête. Parce que Sonck est redevenu une terreur. Parce que Joseph Akpala a franchi sans problème le fossé qui sépare Charleroi de Bruges. Mais aussi parce qu’il a maintenant quelqu’un pour bien jouer sur la gauche de l’entrejeu : Dirar ou Vargas. Cette richesse permet au coach de passer régulièrement d’un système à l’autre, même contre les gros morceaux : 4-4-2 dans la plupart des matches de championnat et face au Standard, 4-3-3 (4-5-1) à Valence.

Sonck-Akpala : de la dynamite

Avec Sonck et Akpala devant, ça pète. Sonck en est déjà à neuf buts, Akpala à six. Généralement, le Nigérian évolue en pointe et Sonck a un rôle assez libre qui lui permet de tourner autour de son équipier.

Akpala s’est déjà plaint de ne pas recevoir assez de bons ballons à son goût, mais il marque quand même, et quand il ne le fait pas, Sonck s’en charge. Notamment quand Akpala traverse un passage à vide, comme c’est le cas actuellement : il n’a plus trouvé l’ouverture depuis le 1er novembre. Un mois et demi sans marquer, cela fait mauvais genre pour le meilleur buteur du dernier championnat. Mais il a des circonstances atténuantes : les tueries (300 morts) qui ont eu lieu dans sa ville natale l’ont fortement affecté.

La défense est stable

La ligne arrière du Club est presque parfaitement stable depuis le début du championnat. Stijn Stijnen est moins dans l’actualité que la saison dernière mais ça s’explique : il est moins sollicité dans la plupart des matches, vu les bonnes prestations de ses défenseurs. A gauche, Michael Klukowski est indéboulonnable. Idem dans l’axe avec Jeroen Simaeys et Antolin Alcaraz. Simaeys a une réputation de casseur de tibias mais il fait ses matches. Et Alcaraz est le vrai patron derrière. Il avait été plutôt transparent la saison passée (souvent blessé et régulièrement critiqué) pour ses débuts belges, mais il est à présent tout à fait adapté. Le seul hic défensif est à droite : à Bruges, on n’est pas loin de penser que Laurent Ciman est le meilleur défenseur du noyau. Mais il n’a pas été bon en début de championnat (notamment à cause de l’absence de travail défensif de Vargas qui jouait devant lui) et Gertjan De Mets a pris sa place. Sans toujours convaincre mais ça s’explique : il a été formé comme milieu de terrain. Ciman est revenu récemment dans l’équipe : avec du bon (en coupe d’Europe) et du moins bon (contre le Standard).

Bons retours : Daerden, Van Heerden, Blondel

Dans l’optique d’un jeu léché et offensif, le retour de Koen Daerden n’est pas la seule bonne nouvelle. Elrio Van Heerden revient lui aussi dans le coup après une longue blessure. Le Sud-Africain est un autre gage de football technique et imprévisible. Le prochain sur la liste des retours est J onathan Blondel : lui aussi peut apporter du jeu mais également de l’agressivité – ce que Van Heerden fait trop peu.

Le cas Leko

Ivan Leko n’est plus un pion indispensable pour Mathijssen. Bruges ne marque plus la majorité de ses buts sur phases arrêtées. Le rapprochement est vite fait : le Croate est le roi des dernières passes, des coups francs et des corners millimétrés. La saison dernière, il a donné 12 des 31 assists brugeois. Il a aussi marqué six buts. Quand il se charge d’une phase arrêtée, c’est toujours plus dangereux que si ça vient de Vargas – qui a repris son rôle. Pourquoi Leko a-t-il sauté de l’équipe de base ? Parce que Mathijssen lui reproche sa lenteur et le peu de travail qu’il fournit dans l’entrejeu. Quand il est aligné, il y a un certain déséquilibre dans la ligne médiane.

Mathijssen voudrait un joueur combinant les qualités de Leko et celles de Vargas, mais il ne l’a pas dans son noyau. Philippe Clement est irremplaçable comme médian défensif et son apport offensif se limite aux reprises de la tête sur les phases arrêtées. Vargas a été essayé plus d’une fois dans l’axe mais ce ne fut pas concluant. Idem pour Karel Geraerts, qui n’a jamais reproduit à Bruges ses prestations en Standardman. Il travaille mais donne peu de ballons dangereux. Si on prend l’ensemble de l’équipe, c’est donc dans l’axe de l’entrejeu que le bât blesse surtout. Il n’y a pas encore de duo fixe tout à fait performant. Si Vargas et Dirar restent chacun sur un flanc, il y a la possibilité de faire coulisser Daerden vers le centre du jeu, mais ce n’est pas non plus sa meilleure position.

De Vlieger dans le but ?

Geert De Vlieger a été un excellent gardien de but et il a une mentalité exemplaire. Mais peut-il pour autant reprendre du service du jour au lendemain et jouer le titre avec le Club ? Il a 37 ans et on ne peut donc être sûr de rien. Pourtant, Bruges sera peut-être obligé de lui faire confiance dès janvier si Stijnen signe à Kazan, chez le champion de Russie. Stijnen est prêt à partir, il est plus ou moins d’accord avec les Russes. Il reste aux clubs à s’arranger, mais si Kazan le veut vraiment, il n’y aura aucun problème car les fonds sont disponibles.

Au Club, on ne s’oppose pas radicalement à son départ. La solution d’un rapatriement prématuré de Glenn Verbauwhede, prêté l’été dernier à Courtrai mais qui a complètement foiré là-bas (avec des déclarations tapageuses), n’est pas envisagée. Il n’a plus d’avenir à Courtrai mais s’il revient à Bruges, ce sera au plus tôt durant l’été 2009. Il est en contact avec le FC Eindhoven, le club entraîné par Marc Brys.

Les lendemains européens

Le Standard n’est pas le seul à payer au prix fort, en championnat, les efforts consentis en Coupe de l’UEFA. Deux des trois défaites de Bruges en Pro League (Gand et Lokeren) se sont produites quelques jours après des matches européens (à Rosenborg et à Valence). Ce mercredi, le Club reçoit Copenhague pour son dernier match de poule et a de sérieuses chances de se qualifier. S’il y parvient, il devra peut-être accepter d’en payer encore les conséquences au deuxième tour, voire déjà le week-end prochain à Mouscron.

par pierre danvoye

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