« Les intérêts allemands avant tout! »

Il est à la tête de l’équipe Telekom dont Zabel a remporté trois des quatre dernières éditions de Milan-Sanremo.

Erik Zabel est un vrai Allemand et Walter Godefroot le devient tout doucement aussi. L’homme de Drongen pourrait très bien être né à Kassel ou Francfort. Même quand il s’exprime en néerlandais, il pense en allemand et l’un ou l’autre mot de la langue de Goethe vient se glisser dans la conversation. Godefroot est depuis tellement longtemps chez Telekom…

L’an dernier, Mapei était la meilleure équipe au classement UCI mais elle comptait 40 coureurs, contre 22 à Telekom, qui a pourtant remporté Paris-Nice, Milan-Sanremo, l’Amstel Gold Race et le maillot vert au Tour de France. Aux Jeux Olympiques, on retrouvait également trois Telekom sur les marches du podium de la course sur route. Il faudra donc au moins trois ans pour faire aussi bien.

En tant que coureur, vous n’avez jamais pu monter sur le podium à Sanremo.

Walter Godefroot : J’ai disputé cette épreuve à treize ou quatorze reprises et je ne me suis jamais approché du podium, sauf en 1970, lorsque j’ai terminé cinquième. Dancelli s’était échappé loin de l’arrivée. Cette fois-là, j’ai raté le coche mais les circonstances ont joué en ma défaveur. La plupart du temps, je manquais d’entraînement et, au moment du sprint sur la Via Roma, je n’étais bien souvent plus là. Pas que cette épreuve ne m’intéressait pas mais je travaillais souvent trop peu pendant l’hiver et j’étais mal préparé. Après 300 km de course, j’étais mort mais c’était le meilleur entraînement possible en vue du Tour des Flandres ou de Paris-Roubaix.

En tant que directeur sportif, votre approche de l’épreuve a-t-elle changé?

Je dis toujours qu’il faut respecter les propriétés d’une course. Si chaque organisateur flamand veut faire un Tour des Flandres de son épreuve, c’est mauvais. Un jour, on a fait passer Gand-Wevelgem par le Koppenberg. C’était insensé, évidemment.

Milan-Sanremo est-elle une course dénaturée?

Pour moi, elle peut se terminer sans problème par un sprint massif. Je n’ai pas besoin de tous ces Capi dans le final. Plus on place d’obstacles en fin de course, plus les coureurs sont sur la défensive. De mon temps, le Poggio se trouvait à 6 km de l’arrivée mais il n’y avait pas la Cipressa à 22 km. Le juge de paix, c’était le Capo Berta, à 40 km de la ligne. C’est là que Coppi et Merckx se détachaient. Aujourd’hui, on escalade encore le Capo Cervo avec le frein à main. Milan-Sanremo est toujours une course de caractère mais, chaque année, les organisateurs interviennent de façon inutile. Les grimpeurs sont plus avantagés que par le passé. L’an dernier, Bartoli s’est échappé dans la Cipressa. Il a été repris dans le Poggio mais de justesse et parce que trois coureurs de chez nous avaient entamé la poursuite. S’ils n’avaient été que deux, il leur aurait manqué dix secondes. On peut encore s’échapper dans le Poggio, même dans la descente. Merckx était tellement maniaque qu’il la reconnaissait avant et cela lui a permis de s’imposer une ou deux fois.

Faut-il prendre les virages au millimètre?

On ne gagne pas seulement en descendant bien: il faut être bien placé au sommet, être parmi les premiers à se jeter dans la descente et bien tenir son guidon. Ce n’est pas un GP de F1 mais Jan Raas est tombé dans la Cipressa parce qu’il avait mal calculé un virage.

Zabel s’est imposé à trois reprises au cours des quatre dernières saisons et a été une fois deuxième. Ce n’est pourtant pas un grimpeur.

Le plus important, c’est d’être fort et en bonne condition. La plupart du temps, à cette époque de l’année, Zabel est déjà sur la pente descendante. Sauf l’an dernier car il a encore remporté l’Amstel Gold Race en avril. Mais c’est un coureur de début de saison. Le championnat du monde était fait pour lui. Malheureusement, il se courait en automne.

Un coureur doit-il être passionné par la course qu’il dispute?

Milan-Sanremo est une épreuve de rêve. Zabel en est fou alors que le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix ne lui disent rien. Pour lui, c’est de la m… S’il le pouvait, il ne les disputerait même pas. Il le fait pour le sponsor. Par contre, il est amoureux de Milan-Sanremo. C’est dans cette optique qu’il recommence à s’entraîner en décembre. Cette année, à Majorque, nous nous mettions en route dès dix heures du matin mais lui avait déjà roulé une heure avec son ami Jan Schaffrath. L’entraînement consistait en une randonnée de 180 à 200 km. Et après, il lui arrivait encore de repartir.

Après quatre grandes prestations, il y a peu de chances qu’il brille à nouveau.

Tous les dix ans, le vainqueur est issu d’une longue échappée. Il y a longtemps que cela ne s’est plus produit et cette probabilité augmente donc. La concurrence va aussi tenter quelque chose, tout faire pour empêcher que nous emmenions Zabel dans le final et que Wesemann et Fagnini lancent le sprint pour lui. Beaucoup de choses dépendront des circonstances. Il y a deux ans, Tchmil a démarré et nous n’avons pas pu le reprendre. Qui réagira si cela se produit encore? L’an dernier, Mapei nous a aidé dans la poursuite. Ils avaient Bartoli et nous, Zabel. Les intérêts étaient communs. On ne peut pas partir en tête à Milan, contrôler toute la course et remporter le sprint sur la Via Roma.

Le vainqueur dit toujours que le mérite revient à toute l’équipe.

Zabel doit une seule de ses victoires à Wesemann. Et l’an dernier, c’est Aldag, Hundertmark et, surtout, Vinokourov qui ont bouché le trou. Nous avons 24 coureurs: douze ou treize sont prêts à disputer Milan-Sanremo mais nous n’en alignerons que huit. S’ils sentent tous que Zabel est motivé, nous serons très forts.

Dit-il lui-même aux autres qu’il veut gagner?

Zabel ne commande pas mais sa manière de faire en dit suffisamment. Les autres n’ont qu’à le regarder. Il y a une grande différence quand Zabel ou Ullrich ne sont pas là. Quand Riis est arrivé, il m’a dit: -Walter, je crois que je peux gagner le Tour mais j’ai peur de la montagne. Crois-tu que je serai suffisamment entouré cette année? Je lui ai répondu de ne pas se faire de souci: Heppner avait déjà été neuvième au classement final et nous avions de bons coureurs. Le problème, c’est que nous n’avions pas de leader. Quand on croit en son chef de file, on va au-delà de ses limites, c’est l’euphorie. Il leur suffit de voir que Zabel plane.

Et personne ne proteste?

Au cours du briefing, avant la course, il ne dit pratiquement rien. Quand je dis quelque chose et que je lui demande s’il est d’accord, il fait aller la tête de haut en bas et dit simplement : oui. Ensuite, je demande si quelqu’un d’autre pense autrement. La plupart du temps, personne n’ose rien dire. Mais si quelqu’un comme Wesemann se levait en disant qu’il veut jouer sa carte, cela causerait un problème. Wesemann a toujours roulé au service de Zabel mais dans des courses comme le Tour des Flandres ou Paris-Roubaix, il était meilleur. Dans ce cas, c’est à moi de décider.

Est-il possible qu’un type comme Wesemann exige d’être protégé un jour ou l’autre?

Quand on est intelligent, on tente de régler cela au moment de la signature du contrat. Lorsque Wesemann a voulu resigner, je suis immédiatement aller trouver Zabel. Wesemann avait dit qu’il voulait rester mais plus être au service de son leader toute l’année. Zabel a pris connaissance de ce souhait et il était d’accord que Wesemann prolonge. Il sait aussi ce que cela peut signifier.

Est-il difficile de faire en sorte que le leader et le reste de l’équipe soient toujours sur la même longueur d’ondes?

L’équipe est importante mais le leader l’est encore davantage. Au moment de la présentation de l’équipe, Telekom lance toujours un slogan. Il y a deux ans, c’était: Das Team, die Mannschaft. En tant que directeur sportif, j’essaye de faire en sorte que cela veuille dire quelque chose. Mizourov est venu chez nous par hasard, uniquement pour faire plaisir à Vinokourov. Il bénéficie du même matériel et de la même voiture que tous les autres mais en pratique, on vend surtout une vedette, un vainqueur. En Allemagne, c’est un Allemand. C’est dur à dire mais, si Elli ou Fagnini gagnent, cela ne nous rapporte rien.

Mais la course a lieu en Italie. N’êtes-vous pas tenté de dire qu’un vainqueur italien, ce serait beau? Parce que ça fait bien.

Pourquoi pas? Zabel ne peut pas gagner partout. S’il dit qu’il n’a pas envie de sprinter, on peut en parler. Les intérêts de l’équipe passent avant tout. Mais jusqu’à nouvel ordre, ce sont des intérêts allemands. Telekom est une équipe nationle. Personne ne m’a jamais parlé plus clairement. Sur le plan sportif, j’ai également toujours reçu carte blanche, sans exception. Même quand le ministre d’un Land m’a demandé expressément par lettre qu’Ullrich dispute le Tour d’Allemagne, mon chef m’a laissé prendre la décision. En matière de recrutement, personne ne m’a jamais dit que je ne pouvais prendre que des Allemands. Je ne sais pas si le fait de n’en avoir qu’un sur quatre poserait problème. En fait, mon baromètre, ce sont les réactions de la presse allemande. Quand Klöden s’impose à Paris-Nice, nous faisons les titres de l’actualité. Par contre, quand Fagnini remporte deux étapes de Tirreno-Adriatico, nous pouvons être heureux qu’on donne un peu plus que le résultat. Il est possible qu’à l’avenir, Telekom s’internationalise.

Deux Kazakhs, cinq Italiens, un Autrichien, un Américain mais pas de Français. Comment sélectionnez-vous vos étrangers?

D’abord sur base du rapport qualité-prix mais il faut tenir compte du mélange des cultures. L’an dernier, au Tour, Rudy Pevenage nous a fait remarqué qu’un Espagnol très fort était libre. Mais aurait-il accepté de rouler à 100% pour Ullrich au Tour de France ou aurait-il dit qu’il avait mal au genou afin de pouvoir disputer le Tour d’Espagne en leader? Livingston constitue un bon exemple. Lors de notre premier entretien, il m’a dit que, ce qu’il avait fait pour Armstrong, il pouvait le faire pour Jan. J’étais content et ce n’est qu’après que j’ai demandé ce qu’il allait nous coûter. Les coureurs doivent être bons. Quand j’ai commencé chez Telekom, on m’a dit que j’avais autant d’Allemands de l’Est et autant d’Allemands de l’Ouest. Moi, je ne connaissais même pas la différence. Je les avais simplement recrutés sur base de leurs qualités.

Mais pourquoi pas de Français?

Nous avons déjà eu Marc Madiot mais il y a sept équipes françaises qui ne trouvent pas suffisamment de coureurs locaux. C’est ainsi qu’un coureur moyen se retrouve leader chez La Française des Jeux ou chez Bonjour et qu’il gagne davantage. De plus, un Français qui roule pour une équipe allemande est ignoré dans son pays. Dois-je alors faire de la surenchère financière pour l’attirer chez nous? Je préfère un Tchèque, un Polonais ou un Hollandais. A condition qu’il s’adapte à l’équipe. Il y a quelques années, on nous a demandé si nous étions intéressés par Lance Armstrong. Il avait été malade et opéré. Au début, Telekom était très enthousiaste car c’était un fameux coup de pub mais je n’y étais pas favorable car nous avions Ullrich et Zabel. Qu’Armstrong vienne ou non, une chose était certaine : c’était une vedette, avec tous les problèmes que cela suppose. Il n’y avait tout simplement pas place pour lui chez nous. Au Tour, tant Ullrich que Zabel ont le droit de compter sur une équipe qui leur soit entièrement dévouée. Un troisième larron rendrait l’affaire impossible. La concurrence interne entre patrons, ce n’est pas bon.

A un certain moment, vous aviez tout de même Riis, Ullrich et Zabel?

Et nous y avons survécu (il rit). Mais Riis et Ullrich n’étaient pas en même temps au sommet de leur art. Lorsque Riis a remporté le Tour, il était la star. Ullrich l’admirait et était son serviteur. L’année suivante, les rôles étaient inversés.

Croyez-vous tellement en une victoire d’Ullrich au Tour que vous avez laissé tomber Armstrong?

Ullrich n’était que deuxième et Armstrong était plus fort mais cela peut changer cette année. Jan est un gagneur. Il s’est presque imposé à Zürich. Aux Jeux Olympiques, il fut si brillant qu’on aurait dit que tout était joué d’avance. En Allemagne, Ullrich est aussi populaire que Boris Becker et Michaël Schumacher. Zabel a plusieurs longueurs de retard sur eux.

Pour en revenir aux étrangers: les Italiens ne semblent pas vous déranger.

Il y a plus de deux cents professionnels en Italie. Ils ont donc leur place dans quatre ou cinq bonnes équipes. Les autres ne sont pas sûres de pouvoir les payer. Où pourrait aller un Fagnini, par exemple. Il n’est pas suffisamment fort au sprint pour exiger une place de leader dans une grande équipe. Il pourrait être leader chez Fassa Bortolo mais ce n’est pas ce qu’il cherche. Il sait qu’il n’est jamais aussi bien que lorsqu’il peut emmener un grand sprinter. Mapei compte déjà Zanini et Tafi pour piloter Steels. C’est comme cela qu’il est arrivé chez nous. Livingston est encore un meilleur exemple. Il a reçu une proposition d’une équipe italienne en formation alors qu’il roulait pour Armstrong. Celui-ci lui a conseillé d’accepter. Finalement, l’équipe ne s’est pas faite. Qui était encore intéressé par Livingston? Il ne voulait pas se mettre à genou devant Armstrong. Les équipes qui cherchaient des coureurs capables d’augmenter leur nombre de points ne voulaient pas de lui non plus car il n’apportait rien sur ce plan. Il devait trouver un leader qui manquait de serviteurs comme Pantani ou quelques Espagnols. Lorsque j’ai appris cela, j’ai appelé mon chef. Celui-ci était d’accord mais nos conditions étaient inférieures à ce que demandait le manager de Livingston. J’ai proposé un prix analogue à celui de Guerini. Nous voulions Livingtson, mais pas à n’importe quel prix.

Que faites-vous pour aider les jeunes coureurs allemands à percer?

C’est la tâche d’Olaf Ludwig. Nous avons également une école de jeunes Jan Ullrich. De plus, je connais bien l’entraîneur national, Peter Leibl. Et jusqu’il y a peu, je pouvais compter sur l’ex-coureur Hans Junkermann qui connaissait bien la région de Cologne.

Zabel et Ullrich ont beaucoup de liberté pour composer leur programme. Est-ce la même chose pour les autres?

Il y a certaines différences. Mieux vaut que les coureurs qui doivent beaucoup travailler au Tour ne soient pas préparés de la même façon. C’est ainsi que Livingston, Guerini et Heppner n’ont pas pris part aux épreuves de préparation dans le sud de l’Europe. A l’époque, ils étaient en stage en Afrique du Sud avec Ullrich. Ce n’était pas prévu au budget mais le patron a marqué son accord. Hiekmann et Kessler sont plus jeunes: il ne faut pas les surcharger. Un coureur comme Elli, par contre, est plus flexible. Pour le reste, je fais attention lorsqu’un coureur affirme que telle épreuve ne convient pas à son programme. Peut-être dit-il cela pour ne pas quitter la maison trop longtemps. Je fais toujours une évaluation du coureur, on ne peut pas accepter qu’ils choisissent toujours la facilité.

Cela fait des années que vous travaillez avec le même noyau: Aldag, Heppner, Bolts, Zabel. Pourquoi ce dernier n’a-t-il jamais été tenté d’aller voir ailleurs, où il serait mieux payé?

L’an dernier, au Tour, il est venu me voir. Il était encore sous contrat jusque fin 2001 mais il voulait prolonger jusqu’en 2003. Afin d’avoir l’esprit tranquille, disait-il. Les circonstances m’ont obligé à reporter l’entretien mais il est venu me trouver deux fois pour voir si nous pouvions discuter. Je pense que cela en dit long.

Les coureurs de chez Telekom ne sont pas sous contrat avec l’entreprise mais avec vous. Cela renforce-t-il votre position?

Les coureurs sont sous contrat avec Service Course, une société que j’ai fondée avec un partenaire qui s’occupe du côté financier et qui exploite l’équipe. Nous avons débuté voici treize ans. Nous établissons chaque fois un budget détaillé que nous proposons à Telekom. Cela ne veut pas dire que nous mettons le sponsor sous pression ou que nous le laissons tomber. En théorie, c’est possible mais en pratique, nous sommes liés par tellement de détails que nous ne pouvons faire l’un sans l’autre. Ce montage plaît à Telekom également car l’entreprise sort d’une restructuration et est passéde 230.000 à 180.000 employés. Dans de tels moments, il n’est pas bon pour l’image de marque d’une entreprise d’engager du personnel dans un autre domaine. L’équipe fait partie du budget publicitaire de l’entreprise.

Cela veut-il dire que tout est rediscuté chaque année?

Au début, c’était comme cela mais depuis 1994, Telekom s’est pleinement engagé dans des contrats de longue durée. L’accord actuel prend fin cette saison mais, en mai, nous parlerons déjà de prolongation. Mon chef m’a demandé d’établir un planning à long terme, même en tenant compte de l’éventualité que je ne sois plus responsable.

Cela veut-il dire que votre carrière touche à sa fin?

J’ai toujours dit que je ne voulais plus être directement en contact avec les coureurs après 60 ans. Or, j’en ai 58. Cela fait un bon bout de temps que nous préparons ma succession. Rudy Pevenage connaît le métier. D’autres comme Mario Kummer et Olaf Ludwig sont arrivés et il y aura de la place pour eux dans la nouvelle structure sportive. Dans deux ans, tout doit être mis en place. Je pourrais alors rester comme conseiller mais pas comme directeur sportif.

On dit que vous avez déjà obtenu le titre de manager.

Ce n’est pas une fonction officielle. Quelqu’un qui donne des informations Telekom sur internet à titre personnel a écrit que je travaillais de plus en plus comme manager mais, en pratique, rien n’a changé par rapport à l’an dernier. Rudy Pevenage compose le programme des coureurs et est responsable de l’équipe en course. L’avant-dernier jour du Tour, j’ai dit aux coureurs que c’était mon dernier Tour au volant d’une voiture. Celui qui roule dans la première voiture détermine la stratégie et est responsable de ce qui se passe. C’est ce que Pevenage fait déjà.

Aviez-vous trop de travail?

Cela n’a rien à voir avec ma condition physique mais avec des dirvergences de vues à propos de l’équipe. Pendant des années, j’ai donné à Ullrich et Zabel un rôle central et cela s’est passé sans problème. Mais ces derniers temps, j’ai senti que d’autres, au sein de l’équipe ou en dehors, n’étaient pas d’accord. Je me suis demandé si j’aimais encore mon métier et j’ai répondu oui. Si je m’engageais encore et j’ai répondu oui. Si cela en valait encore la peine et j’ai répondu non. J’en ai dès lors conclu que tout était possible mais rien n’était obligatoire.

Il n’y a donc aucune différence entre Walter Godefroot directeur sportif et Walter Godefroot manager?

J’ai toujours dit que le directeur sportif idéal n’existait pas. C’est quelqu’un qui soigne les relations publiques, est le psychologue des coureurs, doit avoir des connaissances en mécanique cycliste, analyse les courses et est le manager d’une petite entreprise. Qui réunit toutes ces caractéristiques? Qu’on le veuille ou non, au fil des années, les priorités ont changé. Au début, en tant qu’ancien coureur, j’étais directeur sportif à 95% et manager à 5%. Mais de façon presque automatique, on s’occupe de plus en plus de l’aspect commercial et on délègue le travail technique et la composition des programmes. En pratique, on ne peut pas tout faire. Cette année, alors qu’ils étaient à sept en Afrique du Sud, une partie de l’équipe était à la Ruta del Sol et l’autre au Tour de la Méditerranée. Cela signifiait trois fois trois soigneurs, deux mécanos, un docteur, un directeur sportif, deux Audi, un camion, un bus ou un mobilhome et les coureurs.

On affirme également que les programmes d’entraînement sont devenus si techniques qu’un directeur sportif comme vous ne pourrait s’en occuper de façon détaillée. Cela vous rend-il malheureux?

Quand je courais, je n’ai jamais travaillé avec des ordinateurs et cela fait un certain temps que je ne peux plus m’occuper de particularités techniques. Devons nous utiliser des roues à trois rayons, par exemple? Nous avons décidé de faire des tests dans un tunnel à vent, avec des spécialistes: une usine de Leipzig, Pinarello, le fabricant de guidons. Avec Continental, nous avons testé l’azote dans les pneus. Nous avons fait appel à FES, l’entreprise qui fabrique le carbone et les équipements des athlètes ayant participé aux Jeux Olympiques. Pour le tunnel à vent, nous nous sommes adressés à Audi, à Ingelstadt. Mario Kummer s’est occupé de ce projet durant des mois. Le jour où je lui ai demandé ses conclusions, il a commencé à m’expliquer. Je lui ai dit d’arrêter. Ce qui m’intéressait, c’était de savoir quelle garantie il pouvait me donner qu’une roue à trois rayons offrait moins de résistance à l’air qu’une roue à quatre rayons.

Ces particularités techniques pèsent-elles sur votre métier?

Dans un contre-la-montre de 50 km, Ullrich perd environ 26 secondes sur Armstrong, soit moins d’une demi-seconde par kilomètre. Tout se joue sur des détails et on ne peut pas se permettre la moindre erreur. Prenez les pneus All-Weather, qui portent bien leur nom. Quand je vois sur les Champs-Elysées que des roues en sont équipées alors qu’il fait beau, je me dis que c’est une erreur. De plus, leur couleur verte jure avec le vélo.

Par contre, elle est assortie au maillot de Zabel. Est-ce important?

Les équipes dépensent beaucoup d’argent pour une ligne de vêtements exclusive et certaines obligent leurs coureurs à porter leur costume jusque dans l’avion. Pourquoi un pneu ne devrait-il dès lors pas être assorti à la couleur du vélo?

Piet Cosemans

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