Les inédits de RAYMOND (I)

Tu nous as quittés le 6 décembre dernier. Drôle de Saint-Nicolas ! Mais on ne t’oublie pas, Raymond, parce que tu es inoubliable. Alors voilà, pendant ce mois de juillet, on fait encore un bout de chemin avec toi.

Ce qui suit est une somme de passages savoureux, pêchés çà et là, dans une rubrique que Raymond Goethals a tenue avec le journaliste Alain Ronsse dans le quotidien Het Laatste Nieuws pendant une demi-douzaine d’années, jusqu’à la veille de sa mort.

C’était imprimé en néerlandais avec des passages en bruxellois flamand, évidemment, mais les interviews se déroulaient toujours en français et bruxellois… francophone, et Alain réécrivait le tout.

En accord avec ce dernier, nous avons retraduit des passages de ces rubriques baptisées Nie zievere… Speile (Discutez pas… Jouez !). Un exercice de style car Raymond était un véritable zinneke, un zwanzeur qui ne mâchait pas ses mots, en français, néerlandais ou les deux mélangés, tu saisis fieu ?

Patrick Goots

Je me demande depuis longtemps comment ça se fait qu’un peï comme Patrick Goots est tellement sous-estimé. A croire que cela n’a rien à voir avec le foot. J’étais à Saint-Trond il n’y a pas si longtemps et lorsque j’ai cité son nom entre la soupe et les patates, on aurait entendu une mouche voler. Les convives cherchaient un autre sujet de conversation, mais j’ai insisté. Pourquoi Goots passait-il, godverdomme, plus de temps sur le banc que sur le terrain ? Quelqu’un répondit enfin :  » Il ne travaille pas assez « . Allé, j’en connais d’autres qui n’en foutent pas une. Et qui ne savent pas où se trouve le goal ! Ce qui ne peut pas être dit de Goots. Un vrai frappeur, celui-là. Courir, amortir, cadrer et tirer, le tout en mouvement, ça c’est Patrick Boum Boum Goots. Attence, c’est pas kermesse tous les jours : je l’ai vu un jour dans ses £uvres au RWDM et il était moins fringant. Pas un seul pigeon dans le toit de la tribune n’était à l’abri. Mais s’il est dans son bon jour et qu’il lâche une douffe le gardien peut aller à la pêche. Tu saisis ?

Jan Koller

Un petit mot à propos de Kollèr. Le meilleur transfert à Anderlecht depuis des années. Michel, joeng, tu as enfin acheté du solide. Il était temps, après toutes ces danseuses qu’on a vu à l’£uvre à l’attaque du Sporting ces derniers temps. Koller c’est beaucoup plus qu’un pivot. Moins bon que Hrubesch dans le temps, mais à comparer avec Krncevic. Une référence, car Edi était une bête dans le carré. Attence. Anderlecht devra d’abord passer les ailes, car un gaillard comme Koller doit être alimenté, n’est-ce pas ? Les 120 millions (de francs belges) qu’Anderlecht a payés ne me semblent pas exagérés. Dans deux ans, ils pourront toucher le double en le vendant à un club anglais. Car qu’on n’en doute pas, son avenir se trouve aux Iles.

La visite de Téléfoot

Croyez-moi ou pas, mais j’ai raté Anderlecht-Bologne. J’ai été occupé tout le jeudi et le vendredi matin par des prises de vue pour Téléfoot. Un jour et demi de tournage pour une séquence de trois minutes sur la victoire de Marseille contre Manchester. Ils sont venus à huit à Bruxelles. Sept hommes et une femme. Et quelle femme ! Schuun marchandies, c’est Raymond qui te le dit. Sophie Thalmann, une ex-miss France. On a tourné à l’hôtel Président pour les prises intérieures. Pour les prises extérieures, on avait pensé au parc de Laeken mais il drachait tellement fort et il y avait tellement de mishmash que nous sommes allés au Heysel. Si cela avait été des journalistes belges, j’aurais dit vers dix-neuf heures : -Allei, les gars, je me casse, je dois aller au Sporting. Maintenant, j’avais le choix entre Miss France et Mister Michel. A mon âge, cela ne m’arrive plus très souvent de pouvoir parader avec une fille aussi belle et donc je suis resté avec la miss.  » Vous êtes un monsieur très gentil et sensible « , m’a-t-elle dit en partant. Sophie Thalmann, grande, mince, blonde, élégante jusque dans sa manière de laisser glisser un kloemp de sucre dans son café. Et elle était parfaitement au courant que j’avais remporté un Banc d’Or. Devrai-je finalement revoir mon opinion sur les femmes et le foot ?

Une méthode à suivre

C’est génial ce qui s’est passé à Hal, une équipe de 2e Provinciale. Les joueurs en avaient ras-le-bol de l’entraîneur. La direction du club a réagi : – Gien probleem, mais c’est vous qui payez l’indemnité de licenciement, alors… Bien vu de la part du président. Chapeau ! Imaginez-vous un peu ça à Anderlecht, au Standard ou en équipe nationale : vous ne savez plus piffer votre trainer ? Oké, mais cela vous coûtera autant pour le remplacer. Beaucoup de joueurs dépendraient alors de versements du CPAS.

Problème de parking

La vie n’est pas simple. J’ai encore eu un stuut après Anderlecht-Lierse de samedi dernier. Je quitte le stade cinq minutes avant la fin pour rentrer à mon aise à la maison. Sur le parking, je constate que d’autres voitures m’ont collé tellement près que je ne sais pas comment je vais m’en sortir. J’enlève mon manteau de cuir, je me glisse dans ma voiture en ayant presque les genoux à mon cou et je commence à man£uvrer. Un centimètre veruut, un centimètre achteruut. Je n’y arrive pas. A ce moment-là, quelqu’un toque à la vitre : Gilles De Bilde.  » Kan ek aa elpe, Raymond ? », demande-t-il. Je lui dis qu’il doit faire gaffe. Ma voiture n’a que 10 ans et depuis son transfert à Sheffield il a l’habitude de rouler à gauche. Je lui donne mes clés et dois vite constater qu’il roule beaucoup mieux en voiture que moi. Une minute plus tard, je peux embarquer et démarrer. Robert Waseige a assisté aussi à la scène :  » Dis, Raymond, la conduite ce n’est pas ton truc hein ? », lança-t-il d’un air espiègle.

Entraîneur à 80 ans ?

Depuis que j’ai décidé d’arrêter en 1993, j’ai reçu des dizaines de propositions pour devenir entraîneur. J’ai dit une fois oué quand Anderlecht m’a demandé de dépanner après Neumann. Je ne pouvais pas refuser ça à Constant. Mais j’ai directement ajouté : -Peu importe le résultat contre Ferencvaros, reprenez Boskamp parce que moi je vous dis salut en de kost après ce match. Le Standard m’a contacté aussi deux fois. La première fois ils m’ont sonné en pleine nuit après avoir reçu une dégelée à Arsenal, en me demandant si je voulais remplacer Haan. Non, merci. La saison dernière à la trêve, ils sont revenus à la charge. Ils ne voulaient plus de Mijac, croyant pouvoir convaincre Jean Dockx de quitter le Sporting en lui faisant miroiter que je serais son conseiller technique. Finalement, Thissen a aligné sa belle série de victoires et cela a capoté, on ne met pas à la porte quelqu’un qui a des résultats. Pensaient-ils vraiment à Liège qu’ Ivic ferait des miracles en cinq jours après avoir viré Thissen ? D’ailleurs, qu’est-ce que les douze valses d’entraîneurs ont apporté cette saison ? Lommel et Geel vont descendre. Et vous croyez que Beveren, Lokeren et Saint-Trond auraient vraiment joué beaucoup moins bien avec leur entraîneur précédent ? Sur Charleroi, je préfère fermer maa bakkes. Disons que les Carolos se sont sauvés de façon miraculeuse. Tu saisis ? La seule équipe qui a commencé à prendre plus de points avec son nouveau trainer c’est le Standard. Avec Jeannot aux commandes, un trente sur trente et la qualification veu den Coupe de Belgique . Et cet homme est mis sur le côté. Belachelaaik ! (Risible)

Bonne mère

Avec Marseille, c’était différent. Redevenir entraîneur à 80 balais ? Je suis fou de foot mais pas fou tout court. Une fonction au sein du staff technique de l’OM, ça m’aurait encore bien plu parce que je savais très bien ce qui foirait à Marseille. Quand on investit six milliards, comme Dreyfus, et que tu dois prier la Bonne Mère pour ne pas descendre en D2, il y a un fameux problème de politique de transferts et de direction technique. Trente-neuf joueurs sous contrat, c’est pas possible ! Je deviens ambetant quand je vois la manière dont ce club est géré. La semaine passée, j’ai parlé à Dreyfus à Charleroi. Normalement je devrais le voir à Paris mais le rendez-vous n’est pas fixé. Je suis conscient qu’il y a des chances que je ne voie même pas Dreyfus, maintenant que Tapie a fait son come-back. Je le connais cet oiseau-là. La vedette, c’est lui. Il ne partage pas, surtout pas devant les caméras. Le fait que ce soit le Belge qui a fait grandir Bozicet Barthez en prenant des risques et qu’il a pu les vendre pour un milliard, ça ne compte pas pour lui. Il a peut-être peur que mon analyse mette ses plans à l’eau. Quand j’entends qu’ils parlent d’amener Mornar ou Aarst à Marseille, je me dis : c’est quoi, ça ? Avec Ivic, Tapie ne court pas ce risque. Tu saisis ?

Sévice militaire

Maintenant, autre chose. Alain Courtois me demande un jour si je peux venir à Ohain. Les sponsors de l’EURO 2000 veulent me faire zieverer tactique avant le coup d’envoi de certains matches lors de l’émission de la RTBF. Une idée pas bête. J’accepte l’invitation, nous sommes assis dans une espèce de jardin d’hiver à l’arrière d’un établissement. Le garçon s’amène et demande à l’assemblée :  » Y a-t-il quelqu’un qui roule en Opel Omega ? » Oué moi, je dis. A quoi il répond qu’y a ‘ne petit problème. Je l’accompagne, suivi d’Alain Courtois. Dehors, il y a une trentaine d’anciens combattants. Je lui demande amusé :  » Es da le problème ? ». Il secoue la tête que non et me montre l’autre côté. Je me retourne et qu’est-ce que je vois ? Un tank énorme de la Deuxième Guerre mondiale et en dessous une plaque de ferraille de 30 centimètres de hauteur. Mon Opel Omega ! Je lui dis : c’est quoi ce stuut ? Un militaire sort du char et me dit  » Désolé, je n’avais pas vu la voiture. Vous avez une assurance omnium, Monsieur ? » Moi, une omnium pour un bac qui a presque 10 ans ? Tu rigoles ! Non bien sûr.  » Moi non plus, je ne suis pas assuré « , réplique le commandant du char. Peut-être étais-tu mal garé, me dit Courtois. Slecht geparkeird ? Et alors, je lui réponds. Ça ne donne pas le droit à ce pingouin déguisé en costume de camouflage de bousiller ma bagnole, hein. Courtois harangue deux policiers qui passaient par là, qui à leur tour font comme si ce n’était pas si grave. Alors j’ai commencé à m’énerver. Au moment où je vais exploser, une dépanneuse surgit de derrière le coin avec mon Opel Omega intacte derrière. C’était une caméra cachée de RTL-TVI réalisée avec la complicité d’Alain.

Match d’ouverture de l’EURO

La tradition veut que le match d’ouverture de l’EURO n’atteigne pas un niveau exceptionnel. Belgique-Suède non plus. Je n’ai pas vu cinq actions fluides et je vous le dis tout de suite : je n’ai pas de problèmes aux yeux. Le jeu ne savait pas venir des Suédois : tout ce qu’ils ont fait c’était balancer des longues balles en direction de Kenneth Andersson. Tout leur milieu de terrain était hors-jeu ! Des Belges, je retiens une bonne action en 90 minutes : la talonnade de Strupar et la fusée d’ Emile Mpenza. Chique dinges. Le reste, c’était FC Marolles contre Sporting Choucroute. Au contraire de la dernière Ligue des Champions, une longue série de mauvais centres et de pertes de balle.

Emile Mpenza a été choisi meilleur joueur du match. Un choix bizarre. Trois remises dans les pieds des Suédois : il a déjà mieux joué. Maa gedacht, c’était Deflandre le meilleur. En points, je donnerais un cinq sur dix à tous les Belges sauf Deflandre, lui je donne un six.

Attention, tu vas pas m’entendre dire que les Suédois étaient meilleurs. La Suède est le représentant scandinave le plus faible à ce tournoi. Le Danemark, qui profite de l’EURO pour préparer les qualifs de la Coupe du Monde 2002, est déjà un niveau au-dessus et les Norvégiens sont aussi plus forts. Heureusement, le suspense nous a tenus jusqu’à la fin. Là on dit merci à De Wilde et à Nilis. Quoi ? Léonard complice du goal des Suédois ? Allei, allei, een bekke serieus blaaive, hein. La passe était appuyée, d’accord, mais que voulez-vous : Philippe a l’habitude de jouer avec Barthez derrière lui. Tu saisis ?

Prosinecki  » Stillekesoen  »

Prosinecki dormira bien après Standard-Anderlecht a déclaré mon vieil ami Ivic vendredi dernier dans La Lanterne. Selon moi, il dormait déjà pendant le match. Est-ce vraiment l’homme providentiel qu’attendait Ivic ? J’en doute. C’est un type de joueur  » si c’est pas pour aujourd’hui ce sera bon pour demain « . S’il avait été boxeur, il aurait comme surnom RobertStillekesoen Prosinecki. C’est simple : même avec Scifo, la balle circulait plus vite. Pourtant, s’il y a bien quelqu’un qui prenait son temps pour distribuer le jeu, c’est Enzo. Just of nie ?

La licence pro devrait séparer le bon grain de l’ivraie. A condition qu’on applique le règlement. Comme en France, où des clubs du top comme Marseille et Bordeaux ont été virés en D2 sans pardon à cause de leurs dettes. Je crains des arrangements à la belge, fieu. La politique des copains, comme toujours…

(Suite au prochain numéro)

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