Les indignations sélectives (2)

Ce Belgique-Arabie saoudite est la synthèse à la fois lumineuse et sombre de ce qu’est devenu le foot. Il n’est plus cette parenthèse enchantée qui, durant des décennies, nous sortait de la vraie vie. Il est malheureusement devenu la vie.

Les deux courbes qui en faisaient un monde meilleur ont sauté sous le poids de l’évidence. L’argent dirige le monde, donc le football. Tout le monde prend sa part. Tout le monde participe. Beaucoup s’indignent, trop s’inclinent. Sentiment d’impuissance.

Ce million palpé devient la normalité. Et qu’est ce qui va changer ? Rien ! On a sacrifié l’enrichissement sportif pour l’enrichissement financier. Cela dit, paraît que notre fédé aurait aimé lier les deux quand même.

Mais maintenant, pour organiser un match amical, il faut passer par des agents qui riment évidemment avec argent. Eux-mêmes doivent passer par des intermédiaires qui riment évidemment avec bénéficiaires. On imagine aisément que pour affronter (par exemple) le Brésil, faut d’abord affronter beaucoup d’intérêts…

En attendant on a beaucoup parlé des droits de l’homme. C’est déjà ça. Ça doit être ça. Et si finalement c’était cela le vrai intérêt de ce match. C’est vrai qu’on peut s’indigner mais alors on va au bout du raisonnement et on ne regarde plus jamais jouer Manchester City ou le PSG. Véritables outils de propagande d’autres pays où les droits de l’homme ne sont guère une priorité.

On peut aussi se faire péter les abdos de rire et les adducteurs de vertige tellement le grand écart est vertigineux du côté du Barca, qui passe de l’Unicef à la Qatar Foundation pour orner son beau maillot.

 » Més que un club « . Ben oui mais un club quand même qui, pour du pognon, passe du tiki-taka au catenaccio. Et, en passant, on se demandera pourquoi Pep Guardiola a les indignations sélectives. Militant déclaré et acharné pour le respect des droits de l’homme en Catalogne, il l’est beaucoup moins pour le pays de ses employeurs. Mais bon, lui au moins il offre aussi du bonheur.

Ange et démon, ne le sommes-nous pas un peu tous ? Y avait aussi des p’tits Diables dans ce match qui a beaucoup rapporté et finalement aussi un peu apporté. Comme ce sentiment que le dorlotement des titulaires est un jeu dangereux. Car il n’y avait aucun risque, si ce n’est celui de la découverte et de l’agréable surprise, à aligner ceux qui ne jouent jamais. Dommage.

Parce qu’on n’est pas sûr que tous nos titulaires sont conscients de la chance qu’ils ont. Prenons par exemple le cas Yannick Carrasco. Logiquement on aurait dû voir ce garçon s’arracher durant tout le match. Labourer son flanc gauche pour y semer la graine plutôt que le doute. Prouver à tous que son choix de carrière ne changeait rien à sa capacité d’exprimer son football. Prouver qu’il était prêt à traumatiser l’adversaire qui joue dans sa zone. Le complexer, le coller à sa ligne défensive. Lui faire oublier qu’il pourrait jouer dans le camp belge. Carrasco doit s’imposer comme ça. Aussi au mental, au bluff.

Au lieu de ça, il s’est mis au diapason du reste. De ce match qui ne demandait pas d’élever son niveau. Qu’il soit parti faire fortune en Chine, c’est son droit. On le respecte. Qu’il dise qu’il y est allé en vue de la Coupe du Monde car il a besoin de temps jeu, euh…comment dire ? …

Du temps de jeu, il y a des dizaines de super clubs européens qui lui en auraient donné. Et ce, à sa place de prédilection. Pas tout seul en pointe. Du temps de jeu, c’est pas être 90 minutes sur une pelouse, toucher six ballons et n’avoir personne pour les partager.

Mais bon, il reste trois mois pour que Roberto rappelle à tous que l’on ne doit pas se contenter de ce que l’on a mais aller chercher ce que les autres ont en plus. Pour cela un match contre un ténor n’aurait pas été de trop. Prendre une leçon de temps en temps fait du bien. Parce que si on la retient, ça fait grandir.

Et puis, Radja est de retour aux côtés de nos bisounours. On redevient des Diables. Et ça, ça n’a pas de prix.

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