Les immortels

L’Olympic a survécu à une troisième faillite et a retrouvé un public en Promotion. Ballade au sein d’un club historique.

Les grands clubs ne meurent jamais, paraît-il. 1700 spectateurs pour le premier match de la saison face à l’UR Namur. 1500 pour les deux suivants. Une exception pour un club de Promotion ! Qu’importe si l’Olympic, après avoir côtoyé les sommets du championnat belge durant deux décennies, végète aujourd’hui au quatrième étage – une anomalie pour les plus chauds partisans. Alors, oui, les grands clubs ne meurent jamais. Même les trois faillites de l’Olympic n’ont pas eu raison de ce glorieux matricule. Pourtant, en juin, on a entendu le bruit de la faux. Après six mois d’arrêt et l’annonce de la faillite, un repreneur a été trouvé in-extremis. Le jour-même où l’Union Belge devait annoncer la radiation du club et le rejeter en quatrième provinciale. Le 26 juin. Depuis lors, dans ce coin de Montignies-sur-Sambre, on s’accroche encore davantage à ses couleurs, le noir et blanc, si caractéristiques de la région carolo. Et on vient en masse soutenir ce centenaire alerte.

Dimanche 18 novembre. 14 h 30.  » A cette époque de l’année, la nuit tombe vite. Or, on n’a plus d’éclairage. On a donc avancé l’heure du match « , nous explique-t-on. Ce jour-là, c’est le premier derby entre l’Olympic et le FC Charleroi, ex-Couillet qui a pris le nom de FC Charleroi pour s’assurer une meilleure visibilité. Depuis cette saison, les deux clubs évoluent dans la même série et partagent le même stade. Tant pis pour le FC Charleroi qui croyait pouvoir occuper seul la Neuville et profiter de la disparition de l’Olympic. Certains Dogues n’ont d’ailleurs pas digéré ce qu’ils considèrent comme de la trahison et ont décidé de boycotter ce derby.  » On n’a pas à être traité comme des visiteurs chez nous « , pouvait-on lire sur Facebook. Ou  » Pas question de dépenser un euro pour le FC Charleroi.  »

Pourtant ce jour-là, même si certains Dogues sont restés à la maison, ce sont les sympathisants de l’Olympic qui dictent le ton.  » Olympic, allez les Dogues  » ou  » On est chez nous  » électrisent l’assistance. Pas de trace de l’équipe visitée. Ni dans les tribunes, ni sur le terrain où elle se fait balader (1-3).  » Je crois qu’il y a une certaine crispation entre les deux clubs même si les deux directions calment le jeu « , explique Charles Beugnies, supporter des Dogues depuis 40 ans et cheville-ouvrière de la reprise.  » Cela s’explique par le fait que lorsque l’Olympic agonisait la saison passée, le FC Charleroi s’est érigé un peu trop rapidement en successeur. Les vieux supporters ne l’ont pas digéré. Ils ont eu l’impression qu’on voulait les foutre dehors de chez eux. Pourtant, ce n’est pas la première fois que l’Olympic cohabite dans son stade. Il y a quelques années, Couillet était déjà venu trouver refuge à la Neuville mais chez les supporters, il y a toujours cette idée – Ils sont venus nous emmerder.  »

A terme, certains sont pourtant persuadés que pour survivre, une fusion entre les deux clubs est inévitable mais en attendant, les deux formations vivent sous le même toit. La Neuville cristallise donc cette cohabitation crispante. Ce stade vieillot, caché derrière la patinoire (nommée patinoire de l’O.M. pour Olympic de Montignies, ancienne commune sur laquelle vit l’Olympic, englobée, depuis la fusion des communes, par Charleroi), amputé de ses pylônes lumineux, mais également de sa tribune est, qui a laissé place à un monticule de terre sur lequel les jeunes du club viennent jouer durant les matches. Vieillot mais coquet, coiffé de business-seats remis à neuf suite à leur effondrement en 2010. Dans les tribunes, la population est assez âgée. A chaque but olympien, une vieille dame se lève, va piquer dans une corbeille une poignée de bonbons qu’elle lance à la tribune d’honneur. Moeurs d’un autre temps, vestiges d’une époque dorée pour le club local.

Un public nostalgique des sixties

C’était il y a quarante ans. Les années 60 et 70 lorsque la ville de Charleroi, qui voyait mourir à petit feu ses charbonnages, vivait encore au rythme des derbies entre le Sporting et l’Olympic. A l’époque, la ville était tenue par un bourgmestre libéral (Gérard-Octave Pinkers de 1953 à 1966 et Claude Hubaux de 1966 à 1976) alors que les communes avoisinantes avaient choisi le rouge comme couleur politique. Le Sporting, club de la ville, était considéré comme celui des bourgeois. L’Olympic, distant d’à peine un kilomètre, mais en dehors du centre-ville, regroupait les supporters populaires. Les gens de la ville se rendaient à pied au Mambourg alors que les autres ralliaient la Neuville, de Gilly à Fontaine-L’Evêque en tram. Ce clivage a disparu en même temps que les usines, érodé par les descentes et les problèmes financiers de l’Olympic. Faute de concurrence, le Sporting a commencé à faire l’unanimité. Sauf auprès des résistants olympiens, tous accrochés à cette nostalgie des sixties, lors desquelles la Neuville affichait plus facilement complet que le Mambourg.  » Il y avait 20.000 spectateurs de moyenne quand le Mambourg n’atteignait que les 12.000 « , nous explique un supporter.  » Je me souviens d’un Olympic-Standard en 1964 qui avait attiré 33.000 personnes « , dit Beugnies.  » Il y avait des gens sur les pylônes et assis sur le toit des grillages. J’ai connu le stade plein à craquer tous les week-ends mais, à l’époque, il n’y avait que le football pour se divertir. On était Dogue ou on était Zèbre et on ne vivait que pour son club. Aujourd’hui, le Sporting est seul mais n’arrive pas à attirer plus de 6.000 personnes.  »

Oublié ce surnom de Flaminpic, donné au club après le transfert de neuf joueurs flamands dans les années 30 ; éloignée l’après-guerre et ce titre de vice-champion en 1947 derrière Anderlecht lors d’un championnat marqué par une trêve prolongée pour cause de neige ; rangée dans les souvenirs qui s’effacent l’arrivée en 1961 de Rik Coppens, icône du Beerschot, Soulier d’Or 1954. Depuis 1975, les fastes de la D1 ont déserté la Neuville qui, au mieux, a dû se contenter de rencontres de D2, au pire de la Promotion. Les jeunes ont préféré investir le Mambourg.  » Le public de la Neuville est un public de fidèles, de mordus mais pas un public jeune « , reconnaît Beugnies.  » C’est le problème. Notre clientèle âgée a encore vécu l’âge d’or du club.  »  » On a coutume de dire que l’Olympic détient le record belge de minutes de silence « , continue Jean-Paul Bastin, secrétaire de l’Olympic pendant cinq ans.  » Lorsque j’étais en poste, il n’était pas rare qu’on me demande un maillot ou une écharpe pour les placer, lors des funérailles, dans le cercueil d’un supporter disparu. On n’a pas su renouveler notre base de fidèles. Sans doute parce qu’on est resté trop longtemps en D3. Lorsque Abbas Bayat a eu des problèmes avec ses supporters, on voyait certains Zèbres venir supporter l’Olympic. On avait même pensé faire une campagne de publicité pour attirer les déçus d’Abbas Bayat mais le président AzizAlibhai, par respect, avait refusé.  »

Depuis 1975, l’Olympic tente donc de survivre. En 2000, le club fusionne avec l’Association Marchiennoise et devient le ROCCM. Dans les bagages, Marchienne amène un peu d’argent mais surtout des terrains d’entraînement, toujours occupés par le club.  » C’est déjà pas mal ! « , lâche Beugnies.  » Car pour le reste, ce n’est pas Marchienne qui nous a amené des supporters. Et même si le club s’appelle le ROCCM, pour tout le monde, cela est resté l’Olympic tout court ! « .

Ces cinq dernières années, face à l’enlisement, le club s’est cherché une bouée de sauvetage à l’étranger, en attirant d’abord l’homme d’affaires libanais, installé en Côte d’Ivoire, Aziz Alibhai, qui a voulu imiter Jean-Marc Guillou en voulant former un mélange entre école des jeunes carolo et joueurs ivoiriens, en confiant ensuite sa destinée à l’agent de joueurs anglais, Peter Harrison, ancien défenseur du Sporting dans les années 80. Echec. Harrison, dont l’arrivée avait suscité beaucoup de suspicion, n’a jamais investi la somme qu’il avait promise au point d’être surnommé – L’argent va arriver.  » Il ne faut pas exagérer. De l’argent, il en a perdu en venant à l’Olympic « , nuance Beugnies.  » A un moment donné, il n’a tout simplement plus voulu en perdre.  » Et voilà comment il y a un an, le club a été déclaré en faillite pour la troisième fois de son histoire après celles de 1979 et 1984.  » Sous l’ère Harrison, tout était démesuré « , ajoute Bastin.  » On n’avait pas d’argent mais on offrait des salaires faramineux. Nous n’avions même pas les 1.500 euros de caution pour louer des appartements aux joueurs. Une dizaine de joueurs étaient alors logés à l’hôtel, beaucoup plus cher mais où on ne doit pas payer directement.  » Certains reprochent également à Harrison d’avoir ruiné l’esprit Olympic, en soulignant qu’avant son arrivée, en 2009-2010, l’équipe entraînée par Dante Brogno avait réalisé un premier tour de folie, comptant 11 points d’avance sur le deuxième (avant d’échouer à la deuxième place suite aux problèmes financiers) avec presque exclusivement des joueurs hennuyers !

Un jeune entrepreneur turc à la rescousse

Le 26 juin dernier, l’Olympic a donc évité la disparition. De justesse.  » On avait plusieurs candidats repreneurs mais personne ne se décidait à mettre de l’argent sur la table « , explique Beugnies.  » Fin mai, j’ai réuni tout le monde et je leur ai dit qu’il ne restait plus que trois semaines avant de passer devant l’Union Belge. Ça passait ou ça cassait !  » Finalement, c’est Adem Sahin, jeune entrepreneur de 35 ans, à la tête d’un garage et de quelques supérettes, actif comme président de la JS Turque, club carolo de P1, qui se lance en mettant 200.000 euros sur la table. De quoi apurer les dettes et payer les salaires en retard.  » Le 25, on a reçu l’argent et le 26 on envoyait à l’Union Belge la preuve que l’argent était bloqué sur un compte « , explique Beugnies.

En quatre jours, cette nouvelle direction montait une équipe.  » Le 26, nous n’avions plus aucun joueur sous contrat « , explique Sahin,  » et le mercato se terminait le 30. On avait donc quatre jours pour mettre sur pied une équipe de Promotion.  » Ce qui s’est fait principalement avec des transfuges de la JS Turque.  » On est tombé du huitième étage au rez-de-chaussée « , ajoute Beugnies.  » On va donc essayer de vivre une saison sans problème.  » Se maintenir avant de viser plus haut donc.  » On veut faire remonter l’Olympic là où il était avant « , se lance Sahin avant de pointer la D2 comme objectif réalisable dans les cinq ans.  » Pour moi, c’est un rêve de devenir dirigeant d’un grand club. Moi, je suis Marchiennois, je connais parfaitement le club ; les terrains d’entraînement se situent près de chez moi. Contrairement aux repreneurs étrangers, on est de la région et on doit donc tout faire pour réussir. Autant pour le club que pour notre image car si on se loupe, cet échec rejaillira sur nos sociétés. En même temps, on n’a rien à perdre. On est déjà si bas. Notre seul objectif consiste à faire revivre ce club.  »

Car malgré plus de trente ans de déboires, l’Olympic signifie encore quelque chose.  » Vous savez, quand vous allez à Hasselt ou Ostende, on connaît l’Olympic. C’est un nom, une âme. Quand on vous parle de Faymonville, cela n’a pas le même impact « , conclut Beugnies.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » On a coutume de dire que l’Olympic détient le record de minutes de silence.  » (Jean-Paul Bastin, ancien secrétaire)

 » Le 26 juin, nous n’avions plus de joueurs sous contrat et le 30, le mercato se terminait. On a dû former une équipe en quatre jours.  » (Adem Sahin, président)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire