Les images du chagrin

L’entraîneur des Rouches nous a expliqué sa finale, sa déception et sa conviction :  » Je n’abandonne pas… « 

Un match de football ressemble très souvent à une partie d’échecs : il faut cacher ses intentions et deviner les idées de son opposant. Même si ce ne fut pas une grande finale de Coupe de Belgique entre le Standard et le Club Bruges samedi dernier, il y eut quelques moments très importants. La mise en route fut très claire à propos des plans que chaque équipe entendait développer.

Michel Preud’homme l’a d’ailleurs reconnu au terme de la rencontre :  » Nous savions que les Brugeois mettraient tout de suite la pression. Leur engagement physique fut très élevé et, même si ce fut un problème pour nous, je retiens notre bon début de match. Nous avons eu la première grande occasion de but. Je n’avais pas retenu Karel Geraerts. Il fallait que je fasse un choix entre lui et Siramana Dembele. Geraerts n’avait pas beaucoup joué ces dernières semaines. Ce manque de compétition a été décisif au moment où j’ai choisi les quatre réservistes : un gardien de but, un défenseur, un milieu de terrain et un attaquant. Il n’y a pas eu de choix qu’entre Dembele et Geraerts. J’ai également dû opter pour Ali Lukunku ou Ricardo Sa Pinto. Dans ce cas-là, le Portugais est resté en civil alors que son expérience aurait pu être utile. Le règlement de la Coupe de Belgique changera la saison prochaine. Sept joueurs pourront s’asseoir sur le banc des réservistes, comme en championnat. Les entraîneurs auront plus de solutions afin de résoudre l’un ou l’autre problème « .

Les options tactiques de Preud’homme tranchèrent tout de suite avec celles de Cedomir Janevski. Il était évident depuis quelques semaines que le Club Bruges avait changé de rythme au terme d’une saison décevante. Cela s’était vu à Sclessin, en championnat et surtout en demi-finales de la Coupe de Belgique. A Gand, Bruges redressa la tête alors que la messe était dite et Bosko Balaban signa le but de l’espoir. Au retour, Gand fut incapable de défendre le 3-1 de la première manche : les Brugeois étaient revenus dans le coup. La blessure de leur métronome, Sven Vermant, constitua peut-être une chance pour les Brugeois. Depuis lors, Janevski a fait monter Philippe Clement dans la ligne médiane où son expérience (33 ans), son intelligence, sa présence dans le trafic aérien ont fait la différence. Bruges n’avait pas le choix : l’Europe et le sauvetage de sa saison passait par un succès contre le Standard.

Carré et losange

En finale, le vieux Philippe Clement a bouffé le jeune Marouane Fellaini qui aurait été plus à l’aise face à Vermant. Mais comment pouvait-il en être autrement ? Bruges avait composé un carré plus que robuste au centre de la pelouse avec Clement, Jonathan Blondel, Gaëtan Englebert et Ivan Leko. Ils sont toujours restés bien en ligne alors que le Standard ne parvenait pas à poser son jeu dans ce secteur.  » Si Cedo Janevski a misé sur son carré médian, ce ne fut pas une surprise pour nous « , avance Preud’homme.  » Le Standard avait son occupation de terrain en losange. Au centre du terrain, Fellaini devait être notre brise-lames avec Steven Defour à droite, Axel Witsel à gauche, Sergio Conceiçao en soutien d’attaque. Il pouvait y avoir évidemment des permutations, notamment entre Defour et Conceiçao. En première mi-temps, le Standard n’a pas su répondre à la pression et au jeu très engagé de Bruges. Nous n’avons pas gagné assez de duels. Autrement dit, ce ne fut pas le meilleur Standard, loin de là « .

Dans le losange imaginé par Preud’homme, Fellaini n’était pas seulement mis sous pression par Clement, il devait compenser les absences de Witsel et Defour, probablement impressionnés par l’importance de cette finale. Conceiçao tenta de se dépasser mais l’outrage du temps qui passe saute aux yeux lors de tels événements : le vieux guerrier a tenté en vain de sublimer ses jeunes équipiers. Dès lors, Fellaini était trop seul pour abattre tout le travail et il s’est perdu dans l’immensité de la tâche. Marouane ne peut pas être la ligne médiane du Standard à lui tout seul. Il faudra y penser à l’avenir afin de ne pas le griller.

Les Liégeois ont peut-être eu le grand tort d’aligner trop de réservistes à Mouscron en championnat car cela a coupé un élan, rouillé des mécanismes que son adversaire avait parfaitement huilés lors du derby brugeois. En finale, cela constitua un handicap : Bruges fut tout de suite dans le rythme, le Standard par contre chercha ses points de repère. Bloquée, réduite au silence, la ligne médiane rouche a sombré et n’est pas parvenue à tisser des liens avec les attaquants, Milan Jovanovic et Igor De Camargo. Avec Geraerts, la donne aurait pu être différente. Cette finale a aussi mis à nu les faiblesses du Standard : manque de métier, ligne arrière un peu légère, etc.

Un chiffre en dit long. Bruges a obtenu 12 corners pour un seul seulement au Standard.  » Cela ne signifie pas grand-chose « , certifie Preud’homme.  » En deuxième mi-temps, notre équipe a redressé la barre. Le Standard courait derrière les événements depuis l’ouverture de la marque par Manaseh Ishiaku. Nous nous sommes exposés à un contre mais, malgré tout, le Standard a eu des occasions de but. Bruges a 12 corners à son actif mais un des meilleurs joueurs de la finale fut Stijn Stijnen. C’est quand même assez significatif et prouve que le Standard a été dangereux même s’il n’a forcé qu’un coup de coin. Chaque fois qu’un des nôtres avait une chance d’émerger, les Brugeois commettaient une faute « .

Un regard sur la comptabilité des fautes est édifiante : Bruges en a commis 14 et le Standard… 26. A l’heure de jeu, il y eut cette intervention tant discutée de Joos Valgaeren sur Milan Jovanovic : penalty ou pas ? Ce n’est pas la première fois que le Standard est privé d’un coup de réparation en finale. Il y a quelques mois, Alex Ponnet a déclaré :  » En 1989, je n’ai pas accordé de penalty à Ronnie Rosenthal en finale de la Coupe de Belgique contre Anderlecht. Or, il y avait faute mais ce joueur m’avait roulé en championnat et s’en était vanté dans la presse « . Espérons que Peter Vervecken ne lancera pas des propos similaires dans dix ans…

Exclusion de MPH

C’était un moment important : pas de penalty et Michel Preud’homme exclu du terrain. Il restait une demi-heure de jeu et l’absence du coach sur le banc se fit sentir. Manu Ferrera était condamné à effectuer des allées et venues entre le terrain et le bas de la tribune où gesticulait le coach : c’était tristounet. Preud’homme aurait dû garder son calme. Sa présence à côté de ses hommes était tout à fait indispensable. Il le devine : le manque de maîtrise a aussi coûté cher au Standard. Difficile de gagner une guerre quand le général n’est plus dans son QG.

 » Je suis monté sur le terrain : c’est interdit, je le sais « , dit-il.  » Le quatrième officiel me l’a dit, j’ai répondu qu’il devait aussi rejoindre sa place. Il l’a signalé à l’arbitre qui m’a exclu. Cela n’a pas changé grand-chose. En fin de match, c’est le Standard qui a poussé sur le champignon. On a été à la bagarre mais le but égalisateur n’est pas tombé. La déception est immense pour le groupe, les dirigeants, les supporters. Tout le club voulait cette Coupe. Mais je n’oublie pas le chemin parcouru cette saison. Le Standard est européen après un début de saison très difficile. La Coupe aurait été la cerise sur le gâteau et la direction qui investit tant à Sclessin la méritait. C’est dur, les événements ont été contre nous et il faudra se remettre au travail : je n’abandonne pas « .

par pierre bilic – photos : reporters

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