Les illusions des politiques

Michel Daerden, Jean-Michel Javaux, Didier Reynders, Yves Leterme, Joëlle Milquet : Sclessin est leur tribune depuis deux ans. Champions de la récupération ? Analyse de Pierre Verjans, politologue à l’Université de Liège sur le thème Gagner des voix en se montrant au stade, c’est automatique ?

 » Beaucoup d’hommes politiques en sont persuadés mais, selon moi, ils se font des illusions, c’est un coup perdu d’avance « . dit Verjans.  » Dans la plupart des cas, ils ont autant à perdre qu’à gagner en s’installant dans les tribunes. Quand ils vont à Sclessin, ils se font peut-être bien voir par les supporters du Standard, mais ils montrent aussi leur attachement à ce club à beaucoup de gens qui supportent une autre équipe. Donc, c’est une arme à double tranchant. Mais ils ne raisonnent pas comme ça, ils se disent plutôt : -Le Standard est aujourd’hui un club rentable et il faut donc que j’y sois. On les voyait beaucoup moins à Sclessin pendant les 25 ans où le club n’a pas été rentable. Pour moi, le tournant a été le mois d’août 2007, quand Yves Leterme et Didier Reynders se sont assis côte à côte dans la tribune d’honneur. En pleines négociations pour la formation d’un gouvernement. A ce moment-là, je ne pense pas qu’ils cherchaient la visibilité car personne ne pouvait prédire que le Standard allait faire une grosse saison. Mais toutes les télévisions ont montré ces images et un effet de masse s’est déclenché, à deux niveaux : on a commencé à montrer aussi des politiciens qui étaient des habitués du Standard mais passaient peu à la télé parce qu’ils étaient perdus dans la tribune (comme Jean-Michel Javaux), et d’autres se sont dit que le Standard pouvait être une nouvelle vitrine intéressante (comme Joëlle Milquet). Le fait de leur donner une grande importance médiatique a aussi relégué subitement dans l’anonymat des politiciens locaux. Avant, La Meuse publiait des photos du bourgmestre de Liège quand il était à Sclessin. Mais à partir du moment où Reynders, Leterme et Daerden s’y sont invités régulièrement, il n’y a plus eu d’espace médiatique pour les gouvernants de la région. Entre un Premier ministre et un bourgmestre, les photographes et les cameramen ont vite fait leur choix.  »

Dommage pour ses fans, mais les scores électoraux de Michel Daerden n’ont rien à voir avec sa présence régulière au Standard… Verjans :  » Les explications sont ailleurs. Daerden était autrefois considéré comme un homme compétent mais froid. Sa prestation éthylique le soir des communales de 2006 a changé tout son parcours. Il a d’abord paniqué et a arrêté de boire pendant trois ou quatre semaines. Mais deux mois après les élections, le baromètre de La Libre Belgique a révélé que sa cote de popularité avait soudainement explosé. Il est apparu comme un politicien proche des gens. On s’est dit : -Il a bien le droit de fêter une victoire aux élections puisqu’on se retrouve quand même dans le même état le soir de la communion du gamin… Daerden s’est alors mis à jouer sur cette image, il a compris qu’il pouvait se permettre des excès en public. Le reportage que lui a consacré RTL (avec le fameux Tout le monde aime Papa) a montré un homme éméché dans les salons du Standard. Mais les gens ont apprécié. C’est tout cela qui explique ses derniers scores ; pas le fait qu’il soit simplement présent dans la tribune de Sclessin.  »

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