Les heures sup’, c’est fini

Il avoue qu’il s’est rongé les ongles à Genk lors du premier match de championnat et qu’il a, en poche, le moyen d’éviter ce problème…

On attribue toutes les qualités à Glen De Boeck. Professionnel, doté de feeling, de convivialité. Fin analyste, brillant communicateur, organisateur né, travailleur… Le plus jeune entraîneur de D1 a propulsé le Cercle à la troisième place, par un football qui respire le plaisir.

Pourquoi tout va-t-il aussi bien ?

Glen De Boeck : J’ai l’impression de vivre quelque chose d’unique : le Cercle, son ambiance, les liens entre les joueurs… Je ne dois pas expliquer grand-chose à ceux-ci. Tout semble couler de source.

Les pronostics de vos collègues étaient pourtant…

Négatifs. On nous prédisait la 15 ou la 16e place. On peut difficilement juger la valeur d’un groupe quand on ne travaille pas quotidiennement avec lui. En plus, embaucher un coach de 36 ans… Certains étaient sans doute jaloux de ne pas être embauchés alors que j’avais travaillé pendant deux ans et demi dans l’ombre de Frankie Vercauteren.

Joueur, avez-vous déjà reçu autant de compliments ?

Oui, au début, à Malines. Je venais de Boom, en D2, et après quatre mois, je suis devenu international. On n’a plus vu que mes côtés positifs alors qu’à d’autres moments, on se focalise sur vos erreurs. C’est logique. La vie n’est pas que haute conjoncture. Je connaîtrai de moins bons moments comme entraîneur aussi.

Avez-vous plus d’impact du banc de touche que quand vous étiez capitaine ?

Non, j’en avais plus comme arrière central d’Anderlecht. Un joueur peut rectifier le tir, l’entraîneur réagit. Il est souvent impuissant, sur sa ligne. Lors du premier match de championnat, à Genk, je me suis rongé les ongles. Depuis, j’ai une balle de golf en poche. Sur le terrain, on peut évacuer son stress par l’effort. Il n’y a rien de plus beau que de jouer.

Vous avez donné de l’assurance aux joueurs. Est-ce votre principal mérite ?

J’ai constaté un manque d’ambition manifeste lors des entretiens individuels que j’ai menés au début. Je pense avoir transmis à mes joueurs ma volonté de gagner chaque match. Tout est question d’ambition. Je veux des vainqueurs. Je ne peux rien faire de ceux qui ne rayonnent pas d’ambition. Beaucoup de joueurs ont changé de mentalité. Ainsi, je ne veux pas que Boi déclare que le foot est son hobby mais que son sport, c’est le golf. Je l’ai confronté à ses propos. Il peut s’adonner au golf, il le doit même, je le pratique aussi, mais il est footballeur professionnel.

 » De Smet n’est pas encore prêt pour un niveau plus élevé « 

Dans quelle mesure profitez-vous du travail d’Harm van Veldhoven ?

Avant tout, chapeau pour ce qu’il a réussi en peu de temps au Germinal Beerschot ! Si le Cercle forme un tel bloc, le mérite lui en revient largement. Nous avons eu un long entretien. Il m’a expliqué les rapports de force du vestiaire, ce dont nous avions besoin. Néanmoins, nous avons une autre équipe, qui développe un football différent. Sept noms sur onze ont changé : le gardien, les quatre défenseurs, Besnik Hasi et Oleg Iachtchouk. Les autres évoluent à un autre poste, à part quelques exceptions.

Sur quoi vous fixez-vous dans votre coaching ?

Au début, j’interrompais sans cesse le jeu. Il ne faut pas toucher le ballon cinq fois si deux touches suffisent. Démarquer un homme devant le but, d’une passe des vingt mètres, est plus rapide que dribbler trois hommes. L’adversaire a moins de temps pour s’organiser.

Vous avez déjà déclaré que Stijn De Smet, Tom De Sutter, Sergiy Serebrennikov et Honour Gombami sont des joueurs pour Anderlecht, Hasi et Iachtchouk y ont longtemps joué. N’ont-ils pas trop de talent pour le Cercle ?

Naturellement. Un entraîneur peut déterminer la tactique, l’occupation de terrain mais que peut-il faire si les joueurs n’ont pas les aptitudes physiques, mentales et techniques requises ?

Combien de temps le Cercle peut-il les conserver ?

J’espère travailler avec eux un an et demi, malgré l’appel des sirènes. Je leur répète qu’on récupère toujours son argent quand on fait preuve de patience. Mentalement, De Smet n’est pas encore prêt à franchir un cap supplémentaire. D’ailleurs, il l’a très bien compris en prolongeant son contrat jusqu’en 2009. Imaginez qu’il atterrisse à Anderlecht, en plein malaise : ce serait mortel. Stijn n’est pas encore capable de se mettre au-dessus de la mêlée et de prouver qu’il est le meilleur. Il en va de même pour De Sutter, qui a énormément progressé. Je pense qu’il le sait et qu’il fera preuve de patience. Gombami est phénoménal, il fournit des efforts fantastiques sur 50 mètres mais lui aussi sombrerait à Anderlecht, sans certitude de remonter la pente.

Vous avez moins de luxe en défense ?

Mon meilleur arrière, intrinsèquement, est peut-être sur le banc : Igor Gjuzelov. Jimmy De Wulf est plutôt un médian défensif qu’un défenseur central. J’associe Denis Viane et Anthony Portier dans l’axe car ils sont complémentaires et jouent très haut. On sous-estime Portier. Sa technique n’est pas bonne mais il a un excellent jeu de tête, il est athlétique et rapide. Viane est vif et intelligent, il a de la vista, un bon jeu de position. Il a fait des études, ce qui est important. Tom Van Mol, à l’arrière gauche, est chevronné, a un bon bagage technique et un jeu de position à l’avenant. De l’autre côté, Boi est plus frivole. Il a toujours été offensif. Il commet encore des erreurs mais le surplus offensif qu’il apporte est important. Chaque semaine, nous lui montrons ce qu’il aurait dû faire pour qu’il progresse.

 » Anderlecht s’est créé lui-même ses problèmes « 

Ne devez-vous finalement pas être reconnaissant à Anderlecht ?

Non. J’ai travaillé encore plus dur la saison passée, j’ai fait un nombre incroyable d’heures sup. Ma vie familiale en a pâti. Enfin, passons. Je suis ambitieux. Pris dans la spirale, je me donne tant et plus et je perds certaines choses de vue. Puis je me retrouve seul. J’ai compris que le football n’était pas tout dans la vie, qu’on vous met à la porte sous n’importe quel prétexte. Le constat fait mal. J’ai certainement bien travaillé comme adjoint. Je suivais les conseils de Frankie. Ce qui s’est passé n’a pas affûté l’entraîneur mais a enrichi l’homme.

Si Anderlecht s’est débarrassé de vous, n’est-ce pas parce que Frankie et vous étiez trop soudés et que vous n’étiez pas assez l’homme de la direction ?

Tout coach a besoin d’un homme de confiance. Ronny Desmedt est le mien. Au Sporting, je me suis tenu aux conventions fixées avec l’entraîneur en chef. Frankie et moi étions très complémentaires. Je sentais bien le vestiaire, y ayant passé onze ans. Il m’arrivait de désamorcer des bombes sans que Frankie soit au courant. Un adjoint entretient de bonnes relations avec un certain nombre de joueurs. Il doit savoir comment vit le groupe, pour anticiper les problèmes. Desmedt est bien dans le vestiaire du Cercle. Il est aussi important que moi. Perdre un homme de ce genre pose problème. J’ose affirmer qu’Anderlecht s’est créé lui-même ses problèmes. Je n’en dirai pas plus sinon certains prétendront que je ne sais pas canaliser mes frustrations alors que je ne suis pas du tout frustré. Je me sens très bien dans ma peau : j’ai un chouette boulot, des joueurs fantastiques avec lesquels j’obtiens des résultats.

Certains affirment que Vercauteren a déclaré dès le premier jour que sa tête tomberait. Parce q’on l’avait privé de son adjoint ?

C’est logique ? Nous avions considérablement progressé en matière d’organisation, d’alimentation, de préparation, d’entraînements etc. Comment réagir quand on vous prive de l’assistant que vous avez choisi pour placer quelqu’un d’autre ? Ce fut une erreur. Je connais l’opinion de Frankie. J’espère du fond du c£ur qu’il l’exprimera tout haut un jour.

Vercauteren vous a beaucoup appris mais vous êtes très différents. Vous voulez attaquer. Vous ne vous occupez pas de l’adversaire. Vercauteren, lui, s’en soucie beaucoup ?

J’ai opéré ce choix parce que mon groupe a des qualités offensives et que je devais leur faire prendre conscience de leurs aptitudes.

Vous parlez beaucoup aux joueurs.

C’est sans doute la principale différence entre nous, même si Frankie leur parle plus qu’on ne le pense. C’est parce qu’il communique difficilement avec la presse mais à Anderlecht, il était seul face à elle. Ici, l’attaché de presse, Pol Vandendriessche me soutient beaucoup.

 » J’ai eu droit à une minute de silence « 

Pourquoi pratiquez-vous la couverture sur les phases arrêtées ?

La zone ne nous a pas réussie car nous manquons de gabarits. C’est d’ailleurs pour ça que beaucoup de coaches demandent à leurs joueurs de procéder par longs ballons contre nous.

Avant le match contre le Brussels, vos joueurs n’ont pas été obligés d’assister à la présentation. Pourquoi ?

Je préfère qu’ils prennent leurs responsabilités d’eux-mêmes. Si, ensuite, quelqu’un ne sait pas qui est son adversaire direct, je lui dis qu’il n’a pas fait son travail. Ainsi, je le confronte à une faute professionnelle, qu’il ne commettra sans doute plus.

Le second tour ne sera-t-il pas fatalement moins bon ?

Le football n’offre aucune garantie. J’ai demandé aux joueurs de procéder pendant leurs congés à une analyse des six mois écoulés. Pourquoi sommes-nous troisièmes ? Ils doivent y réfléchir.

Quel est l’essentiel à vos yeux ?

Entamer chaque match avec la volonté de le gagner. Bram Verbist a commis deux erreurs contre le Brussels. Je l’ai enguirlandé après trois minutes car il en a besoin. Deux minutes après, Matumona se présentait seul devant le but mais Verbist est brillamment intervenu.

Vous avez essuyé moins de défaites qu’Anderlecht. A Lokeren, on aurait dit que vous deviez apprendre à concéder un nul. On a même cru que vous alliez jeter votre balle de golf à la tête de l’arbitre ?

Il prétendait avoir vu le Lokerenois jouer le ballon. Tout le monde a vu que c’était penalty. S’il avait reconnu son erreur ensuite, j’aurais pu faire preuve de compréhension : la pression, les provocations de Leekens… Je suis allé trop loin dans mes propos. Il aurait fallu que quelqu’un me freine.

Comment vous avez freiné Hasi au Brussels.

Il a reçu une carte à la 92e, pour une faute banale, ce qui le privait du match contre Charleroi, alors que pendant toute la rencontre, les joueurs du Brussels avaient accumulé les fautes. Je l’ai mis sous la douche de crainte qu’il ne fasse une bêtise. Ce qui compte, c’est qu’il est un battant. Harm m’avait dit que le Cercle manquait de leaders. C’est pour ça que j’ai transféré Besnik. En plus, il connaît ma conception du football. Il est un vrai lieutenant, qui impose une certaine discipline au vestiaire et me sert de relais sur le terrain. Il manquait de rythme en début de championnat. Contre le Standard, j’ai commis une erreur en le postant au libéro. Nous avons eu un long entretien. Je lui ai signifié que je lui accordais ma confiance mais pas indéfiniment. Il a redressé la tête. Chapeau !

Vive le Cercle !

C’est génial. Anderlecht et le Cercle Bruges ne vivent pas sur la même planète mais mon président, Frans Schotte, a été nominé Manager de l’Année par le magazine Trends Tendances. Chaque mois, durant un lunch, nous discutons pendant trois heures de tout. Je peux aussi vous dire que les gens du Cercle ont un fameux sens de l’humour.

Vous devez parfois encaisser des coups ?

(il rit) Oui ! Une fois, lors des pronostics hebdomadaires, j’avais tout faux, ce qui n’était manifestement jamais arrivé dans l’histoire du Cercle Bruges. Avant l’entraînement, ils ont observé une minute de silence. Je me demandais pourquoi. C’était pour moi, en fait. Puis le kinésithérapeute a lancé un poulet vivant dans la pièce… J’ai trouvé ça bien. Parfois, il faut savoir pratiquer l’autodérision.

par christian vandenabeele- photo: reporters/ mossiat

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