LES HÉRITIERS

Bruno Govers

Qui relaiera Patrick Nys au goal ? La succession est ouverte.

L’été dernier, Patrick Nys (37 ans) avait juré ses grands dieux que cette campagne serait sa dernière. Après une trajectoire longue de 18 saisons qui s’était propagée du Beerschot au Brussels en passant, notamment, par Genclerbirligi, il en avait soupé du football de haut niveau. L’avenir, pour lui, c’était une reconversion au sein du syndicat sportif flamand, Sporta, ainsi qu’un engagement, plus soutenu encore, auprès du corps des sapeurs-pompiers de Grobbendonk, un engagement où il est proche désormais du grade de sous-lieutenant.

Après deux tiers de compétition, la conviction du doyen des footballeurs de notre élite n’est toutefois plus ce qu’elle était. Au point d’envisager des heures sup’, même dans l’ombre. En cause, des prestations de choix entre les perches des Coalisés. Et des tas de marques d’encouragement, internes et externes, qui le poussent à persévérer. Entre ses genoux en compote et l’estime générale, son c£ur balance. En même temps qu’il fait chavirer dans le doute ses deux acolytes, Istvan Dudas et Isa Izgi, qui se demandent de quoi leur propre futur sera fait.

Dans les lignes qui suivent, nous avons fait le point avec chacun d’entre eux, ainsi qu’avec l’entraîneur des keepers du club, Luc Duville. Un mentor dont la fonction à Molenbeek pourrait être revue et corrigée aussi, dans la foulée, puisqu’il se murmure que Nys serait en passe de devenir troisième portier tout en assumant une fonction d’adjoint.

Patrick Nys :  » Pourquoi pas en stand-by ?  »

Numéro 1 au départ de la compétition 2004-2005, Patrick Nys avait perdu sa place, chemin faisant, sur une blessure survenue, de surcroît, au terme d’un match pour le moins malheureux de sa part au Lierse (revers 5-1). Après sa revalidation, le Campinois eut la désagréable surprise d’être relégué dans le noyau B. Ce n’est qu’au deuxième tour, suite à la désignation de Robert Waseige en remplacement d’ Emilio Ferrera, que le gardien fut repêché. Non sans succès, puisqu’il contribua dans une large mesure au maintien de ses couleurs. Cette saison, Patje a tout bonnement poursuivi sur cette lancée au point de figurer, ni plus ni moins, parmi les meilleurs acteurs de notre championnat, comme en atteste sa quatrième place actuelle, tant dans notre classement des moyennes que dans celui des totaux.

 » L’âge aidant, je pensais ne plus jamais atteindre le niveau de mes deux meilleures années à Lommel en 1997-1998, ainsi qu’à Genclerbirligi en 2000-2001. Mais, sans vouloir me pousser du col, je suis bien obligé de constater que mon keeping, cette saison, est du même tonneau. Au terme des matches aller, je me suis demandé si je n’étais pas allé un peu trop vite en besogne en décrétant que cet exercice-ci serait mon ultime. Car je me sentais bien, à tous points de vue. Au club, le docteur Louis Kinnen, m’incitait en tout cas à persévérer. Mais mon propre médecin, Toon Claes, qui m’avait opéré à deux reprises au genou, n’était pas du même avis. D’après lui, l’hiver et ses aléas allaient avoir raison de mes articulations. Des deux praticiens, c’est lui qui a vu juste : les terrains gelés ne m’ont pas fait du bien, loin s’en faut. Anti-inflammatoires, infiltrations, tout y est passé ces derniers temps. Malgré tout, j’ai rarement pris autant de plaisir sur le terrain que depuis le début de ce championnat sous la houlette d’ Albert Cartier. Aussi, je me tâte. Vu mon âge canonique, il me paraît logique de prendre du recul. De là à m’effacer complètement, il y a néanmoins de la marge. En réalité, je me verrais bien continuer dans un rôle hybride, en faisant à la fois partie du staff technique tout en officiant aussi comme stand-by au cas où le titulaire et son remplaçant seraient tous deux indisponibles. Ce serait faisable au FC Brussels ou ailleurs. D’aucune façon, je ne voudrais toutefois pousser Luc Duville vers la porte de sortie. Ce serait injuste envers quelqu’un qui effectue du très bon travail comme entraîneur des gardiens. Indépendamment de sa tâche spécifique, je crois toutefois qu’un rôle peut être conçu pour une personne qui s’occupe du suivi psychologique des portiers en herbe. Et c’est à ce niveau que je pourrais me montrer utile. Reste à voir, évidemment, s’il y a une place pour cette personne-là dans le futur organigramme du club. A défaut, il me faudrait alors tenter d’imposer ma vision dans un autre entourage « .

Luc Duville :  » Le contraste est énorme entre le Patrick Nys qui vivait sous très haute tension, au départ de la saison 2004-2005, et celui qui joue de manière tout à fait libérée aujourd’hui. Personnellement, je n’ai jamais connu un gardien aussi serein que lui au cours de ma carrière. Compte tenu de ce qu’il a montré ces derniers mois, je suis d’avis aussi qu’il pourrait différer ses adieux. Mais sera-t-il toujours en état de grâce l’année prochaine, vu ses antécédents médicaux ? La question mérite d’être posée. Pour avoir abordé le sujet avec Albert Cartier, je ne suis pas près d’oublier la réflexion que le coach français lui avait faite. – C’est dans l’art de finir qu’on reconnaît les forts, lui avait-il dit en substance. Et c’est vrai que Patje ne laisserait que de bons souvenirs s’il terminait sur une bonne note cette saison. En revanche, qui dit que le contexte serait identique dans quelques mois ? A sa place, je prendrais mes distances. Quitte à officier en tant que stand-by, pourquoi pas ? La présence d’un jeune gardien dans un noyau est un must. Un bon écolage s’impose à cet échelon. Il va de soi qu’un garçon au vécu énorme comme le numéro 1 actuel constituerait un complément idéal. Pour ce faire, la balle est toutefois dans le camp de la direction « .

Istvan Dudas :  » Je brigue le numéro 1  »

Istvan Dudas a singulièrement joué de malchance depuis son arrivée au FC Brussels durant l’été 2004. Barré par Nys en début de saison, l’ex-portier de Charleroi pensait tirer profit de l’exclusion de son concurrent au Germinal Beerschot, à la mi-septembre, pour s’installer de façon durable entre les perches du club coalisé. C’était cependant compter sans sa propre sortie prématurée, quelque temps plus tard, chez les Canaris. Un malheur ne venant jamais seul, le Serbe & Monténégrin dut subir après coup une intervention chirurgicale à l’auriculaire. Revenu à son meilleur niveau lors du stage hivernal en Espagne, les sorcières s’acharnèrent sur lui sous la forme d’une pubalgie qui nécessita une nouvelle opération, au mois de mars. Toujours en revalidation au moment du grand rassemblement des troupes, en juillet 2005, Dudas a dû se contenter d’une place de substitut jusqu’à présent. Un statut de réserviste de luxe qui l’a poussé à étudier des offres de Saint-Trond et de Tubize lors du récent mercato. Resté à la rue Malis, il espère décrocher une prolongation de contrat afin de prouver qu’il vaut mieux qu’un rôle de doublure.

 » Jamais encore, durant ma carrière, je n’avais connu une telle poisse : une fracture au doigt d’abord, puis une déchirure aux adducteurs face à Saarbrücken qui nécessita un deuxième passage sur le billard au printemps passé. En dépit de tous ces contretemps, je n’ai jamais perdu la foi. Au contraire, j’ai travaillé d’arrache-pied pour revenir au sommet, sacrifiant mes vacances au pays au profit d’une revalidation dans la région où je vis, à Monceau. Dès septembre, j’avais le sentiment d’être revenu en forme optimale. Je pouvais à nouveau soutenir la comparaison avec le keeper que j’étais chez les Zèbres. Hélas, tout comme j’avais dû composer avec un certain Bertrand Laquait au Mambourg, j’étais confronté ici à un autre rival des plus inspirés : Patje. Au départ, j’ai pris mon mal en patience. Je me faisais fort que mon tour viendrait ici, tôt ou tard. A la fin des matches aller, il a bien fallu que je me rende à l’évidence : ce gars-là était ni plus ni moins indéboulonnable. Comme je ne voulais pas courir le risque de jouer les utilités, comme je l’avais déjà fait à la fin à Charleroi, j’ai effectivement songé à un départ. Saint-Trond s’est manifesté mais nous n’avons pas trouvé de terrain d’entente. A un quart d’heure de la fin de la période des transferts, Tubize a pris langue avec moi aussi. Mais il était trop tard pour soupeser correctement l’affaire. Aujourd’hui, je n’ai dès lors qu’une seule envie : travailler sans relâche pour prouver que je mérite la place de titulaire la saison prochaine. Je suis prêt mais je comprends que Patje n’ait pas envie de me faire le moindre cadeau. A sa place, je n’agirais d’ailleurs pas autrement. Je songerais à terminer en beauté en profitant au maximum du dernier volet des matches qui restent à jouer. En attendant, j’essaie de me montrer à la hauteur en Réserve. Mais ce n’est pas facile. La véritable compétition me manque. Depuis deux ans, je suis privé de cette tension inhérente aux grands rendez-vous. Tout ce que je souhaite, c’est de renouer avec elle, un jour, dans le cadre du FC Brussels. Je trouverais effectivement dommage de devoir m’en aller sans avoir pu prouver mes qualités « .

Luc Duville :  » A l’heure actuelle, il est capable de remplacer Patje au pied levé. J’ai absolument tous mes apaisements quant à ses sensations. Ma seule hantise, pour lui, c’est le rythme. En réalité, il aurait besoin de disputer plusieurs matches d’affilée en D1 pour être jugé de manière tout à fait pertinente. Avec les doublures, il a à la fois soufflé le chaud et le froid. Souverain par moments, méconnaissable à d’autres. Mais quoi de plus normal quand on saura qu’il a été amené à devoir diriger quelquefois une défense tout à fait expérimentale, car composée de plusieurs joueurs en test. Dans pareilles circonstances, je comprends qu’il n’ait pas toujours su à quoi s’en tenir et que, faute de communication avec ces partenaires occasionnels, son keeping s’en est ressenti. A cet égard, il m’a souvent fait meilleure impression en semaine, lors de petites rencontres de préparation entre nous, que le week-end. Je reste toutefois persuadé qu’en le lançant une nouvelle fois dans le grand bain, de manière durable, il tirerait son épingle du jeu « .

Isa Izgi :  » Je baigne dans le flou  »

Profitant à la fois de l’indisponibilité de Nys, en délicatesse avec son genou, ainsi que de la suspension, pour cause de renvoi prématuré aux vestiaires à Saint-Trond de son suppléant, Dudas, Isa Izgi avait savouré le bonheur d’être lancé dans le grand bain de la D1 le 23 octobre 2004 au Staaienveld. L’espace de six bons mois, il conserva son poste avant de devoir céder le relais à Patje à Beveren, début avril 2005. Depuis lors, les feux de la rampe se sont éteints pour le sympathique joueur d’origine araméenne, redescendu de deux crans au sein de la hiérarchie des gardiens, et qui se pose des questions sur sa pérennité à la rue Malis.

 » Contrairement à mes deux collègues, dont les contrats respectifs viennent à échéance cette saison, le mien court encore jusqu’en 2010. J’aurais donc toutes les raisons d’être heureux s’il n’y avait cette incertitude concernant le sort qui me sera réservé au cours des semaines et mois à venir. Pour l’instant, je n’ai absolument rien entendu de la part de la direction. Qu’est-ce qui m’attend ? Serai-je toujours au FC Brussels ou bien le club compte-t-il me louer ? Personnellement, je souhaite poursuivre ma route ici, dans un entourage familier. A cette nuance près que j’aimerais voir ma position reconsidérée. Si, par la force des choses, je suis passé de la plus haute marche du podium à la troisième, je trouverais logique de progresser au moins d’un échelon si Patje tirera sa révérence au terme de la saison. Est-on de cet avis en haut lieu ? Je n’en sais rien. Tout au plus, des rumeurs circulent. Comme quoi, par exemple, on envisage de me céder sur base locative. Moi, je ne suis pas prêt à faire n’importe quoi. J’ai l’exemple de Tom Meyers en tête. A un moment donné, il faisait figure de gardien en devenir, comme moi. Un jour, il s’est planté en match et a éprouvé de la peine à digérer cette déception. Au bout du compte, on l’a encouragé à rebondir à l’échelon inférieur. Résultat des courses : il n’a plus jamais retrouvé sa place parmi l’élite. Je ne veux pas m’exposer à la même déconvenue. En descendant d’un, voire de deux étages, j’ai la très nette impression que je perdrais le goût de l’élite. Et je n’y tiens absolument pas. Ma place est au FC Brussels. Mais je baigne dans le flou sur son contour « .

Luc Duville :  » Au même titre qu’Istvan Dudas, il a besoin de jouer pour recouvrer ses marques. A sa place, je privilégierais une place de titulaire en D2 à celle de doublure parmi l’élite. S’il a peur de tomber dans l’oubli, c’est qu’il n’a pas foi en ses qualités. Or, Isa a prouvé la saison passée qu’il avait l’étoffe d’un bon gardien. Il a été plongé en D1 à un moment où il lui restait encore des tas de choses à découvrir. Ce qui explique pourquoi ses prestations ont parfois été entachées d’erreurs. Pour se bonifier tant et plus, il a besoin de parfaire son apprentissage dans de véritables matchs à enjeu. C’est pourquoi je lui conseille de reculer pour mieux sauter « .

BRUNO GOVERS

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