LES HASARDS DE LA VIE

Au crépuscule de sa carrière, l’attaquant liégeois vit ses plus beaux moments en Ligue des Champions.

A Vienne, dans le 13e arrondissement où il réside avec son épouse Marianne et ses deux enfants Lucas (7 ans) et Pauline (4 ans), AxelLawarée (32 ans depuis dimanche) a déjà entamé sa reconversion :  » Par une heureuse coïncidence, j’ai acheté un appartement situé juste à côté de celui occupé par le patron d’une société de textile spécialisée dans les produits destinés aux hôtels et hôpitaux : linge de table, essuies, serviettes, peignoirs, etc. Il travaillait déjà énormément avec l’Allemagne, un peu avec les Etats-Unis et l’Italie, et a vu en moi une personne capable de lui ouvrir les portes du Benelux et de la France. Il m’a proposé de devenir son associé. Une relation très étroite s’est nouée entre nous. Comme je suis footballeur, il me considère comme la personne idéale pour étendre ses activités dans le domaine sportif. De mon côté, je vois dans cette association une opportunité unique d’assurer ma reconversion. Ce job me plaît énormément, je le prends déjà très à c£ur et lorsque je reviendrai en Belgique, d’ici un an et demi probablement, je compte y ouvrir une succursale. J’ai déjà essayé de nouer des contacts avec des clubs belges par téléphone depuis l’Autriche, mais pour faire des affaires, il faut un contact direct et personnel « .

2005, un cru exceptionnel

Cette rencontre entre Axel Lawarée et NiyaziTüresin, le patron en question (d’origine turque et marié à une Autrichienne), c’est ce qu’on appelle les hasards de la vie. Ces hasards qui ont orienté l’ancien joueur de Seraing, du Standard et de Mouscron vers l’Autriche, il y a un peu plus de trois ans, alors qu’il semblait se diriger vers une voie de garage en Belgique.

 » Didier Frenay m’a proposé à Bregenz et j’ai tenté le coup « . Dans le Vorarlberg, Lawarée a explosé : 20 buts la première saison, 21 la deuxième (avec le titre de meilleur buteur d’Autriche à la clef).  » J’ai fait office de pionnier. Au départ, j’étais le seul Belge et le seul francophone de l’équipe. GuntherSchepens, DenisDasoul, GuntherVerjans et l’entraîneur RégiVanAcker sont arrivés par après « .

Ces deux saisons exceptionnelles lui vaudront un transfert au Rapid Vienne. Dans la capitale, tout n’a pas été simple dès le début :  » J’ai été transféré deux heures avant la clôture de la période des transferts et je suis arrivé précédé d’une flatteuse réputation. L’attente était grande à mon égard. Or, je traînais encore une petite blessure contractée à Bregenz et je n’ai pas d’emblée donné mon plein rendement. Lors de mon arrivée, le Rapid était en tête du classement. Le club m’a transféré pour avoir la certitude de remporter le titre. Or, l’équipe a finalement terminé troisième et je n’ai pas marqué. Dans un premier temps, les journalistes viennois m’ont donc considéré comme une déception « .

Axel Lawarée allait rapidement rattraper le temps perdu et confondre ses détracteurs. 2005 fut son année, avec un titre honorifique de meilleur joueur du Rapid la saison dernière, le premier titre de champion de sa carrière ( » J’avais déjà été champion avec Seraing autrefois, mais c’était en D2), un doublé loupé de peu ( » On a perdu la finale de la Coupe d’Autriche contre l’Austria car on était au bout du rouleau et on avait énormément de blessés « ), ses quatre premiers buts européens lors du tour préliminaire de la Ligue des Champions ( » J’avais déjà marqué avec le Standard contre Nantes et Karlsruhe, mais c’était en Intertoto « ) et une qualification historique pour la Ligue des Champions après avoir éliminé Dudelange et le Lokomotiv Moscou.

 » C’est un peu inespéré, car on n’était pas tête de série lors des tours préliminaires, mais aujourd’hui je vois plus loin. Je veux prendre au moins un point et inscrire au moins un but dans cette Ligue des Champions. Il me reste quatre matches, dont deux contre Bruges, pour y parvenir. Si l’occasion se présente contre les Flandriens, je ne la laisserai pas passer. J’essaie de profiter au maximum des moments présents, d’autant que je sais à présent de quoi sera fait mon avenir. Dans 18 mois, je passerai l’essentiel de mon temps dans un bureau et je mesure mieux la chance que j’ai d’être footballeur. Mais cette participation à la Ligue des Champions a aussi des effets néfastes sur le rendement de l’équipe en championnat. On est à la peine, et les supporters commencent à grogner : la défaite 2-0 subie à Pasching voici dix jours a relégué l’équipe à la sixième place. En outre, l’entraîneur JosefHickersberger vit peut-être ses derniers mois à la tête du club. Non pas qu’il risque d’être limogé, mais il est sous contrat jusqu’en… décembre et il risque d’être appelé par l’équipe nationale, qui doit préparer l’Euro 2008 qui se disputera en Autriche et en Suisse « .

Malgré tout ce qui lui arrive actuellement, Axel Lawarée n’a pas oublié Bregenz. Il en a même conservé un brin de nostalgie.  » Mes prestations sont plus médiatisées aujourd’hui, parce que je joue au Rapid Vienne, que j’ai été champion et que je dispute la Ligue des Champions. En outre, comme je vais affronter un club belge, on s’intéresse à moi en Belgique. Mais, personnellement, je considère que c’est à Bregenz que j’ai vécu mon apogée. Seulement, c’était dans un petit club et à part les gens de l’endroit, il n’y avait personne pour témoigner de mon état de forme. Si, un jour, AiméAnthuenis avait dû s’intéresser à moi pour l’équipe nationale, c’est à cette période-là qu’il aurait dû le faire. Aujourd’hui, il est sans doute trop tard. Même si je n’en donne pas l’impression, je commence à ressentir le poids des ans. Je sens que mon organisme a besoin de plus de temps pour récupérer après des efforts intenses. A Bregenz, je jouissais aussi d’une qualité de vie incomparable. J’habitais une maison à flanc de montagne, avec piscine, terrasse et vue sur le lac. L’été, on pouvait faire de longues et belles promenades avec le chien. L’hiver, on montait en téléphérique et on redescendait en traîneau ou à ski jusqu’à la maison. J’allais à l’entraînement à vélo, en longeant le lac. En rentrant, je retrouvais mon épouse en train de nager. Les enfants, à partir de 4 ans, pouvaient aller à l’école tout seul, on savait qu’il n’allait rien leur arriver. A Vienne, ce n’est plus possible. Déjà, parce que c’est une grande ville, avec une circulation intense. Ensuite, parce que l’école est plus éloignée. Lucas fréquente le Lycée français, Pauline une école en langue allemande. Il me faut 40 minutes à l’aller et autant au retour pour les conduire et les rechercher, mais je ne me plains pas : ce séjour en Autriche est un cadeau du ciel pour les enfants également. Ils sont déjà parfaitement bilingues français-allemand. C’est un atout considérable pour eux, cela les aidera énormément lorsqu’ils seront placés sur le marché de l’emploi « .

La famille avant le football

Lorsqu’on lit aujourd’hui qu’Axel Lawarée est devenu une pièce maîtresse du Rapid Vienne qui dispute la Ligue des Champions, on croit rêver. En Belgique, il était considéré comme un bon petit attaquant capable d’inscrire une dizaine de buts par saison, mais pas 20 et certainement pas au plus haut niveau européen.  » Je ne peux pas tout expliquer par les blessures que j’ai connues en Belgique, car j’ai pas été complètement épargné en Autriche non plus. Mais j’ai eu, ici, la chance d’avoir des entraîneurs qui m’ont fait entièrement confiance. En plus, et c’est sans doute la principale explication de ma réussite, j’ai quasiment recommencé ma carrière depuis le point zéro. Je débarquais dans un nouveau pays, où on ne me connaissait pas. J’étais un petit Belge, et les gens étaient logiquement sceptiques à mon égard. Un footballeur allemand, italien ou espagnol jouit généralement d’un préjugé favorable, mais un Belge, de surcroît non international, n’a pas ce privilège. J’ai dû faire mes preuves et je me suis fait violence. Je me suis forgé un caractère. J’ai tiré les leçons de mes expériences précédentes. J’ai compris que j’étais un attaquant et que je serais jugé sur les buts que j’inscrirais. Pour la première fois de ma vie, peut-être, j’ai pensé à moi avant de penser aux autres. Je me suis montré moins altruiste. Jusque-là, j’avais sans doute été trop gentil : j’avais toujours privilégié l’équipe et les équipiers. En Autriche, je me suis dit que c’était à mon tour de me mettre en évidence. A mon arrivée, je balbutiais à peine quelques mots d’allemand. J’ai fait l’effort d’apprendre la langue. Au bout du compte, je suis devenu une célébrité locale à Bregenz. Pour tout dire : un comique m’imitait à la radio, avec ma façon de parler l’allemand comme un francophone. C’est comme si j’avais ma marionnette dans LesGuignolsdel’Info. La gloire, quoi !  »

Après avoir explosé à Bregenz, Axel Lawarée n’a eu que l’embarras du choix, et c’est un euphémisme.  » Je n’ai plus raisonné de la même manière qu’au début de ma carrière. Autrefois, il y avait le football d’abord et la famille ensuite. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Je pouvais signer dans quasiment tous les clubs autrichiens. Mais à Graz, pour ne citer qu’un exemple, il n’y avait pas de lycée français. C’était donc déjà exclu. J’ai eu des touches en Espagne, mais je ne souhaitais plus me farcir des stages interminables et des mises au vert à longueur de semaines. Je voulais aussi un pays où l’on parle français ou allemand. J’aurais pu gagner des millions en Russie, mais j’ai refusé. Ou plutôt : j’ai répondu au manager qui m’avait appelé que je demanderais d’abord l’avis de mon épouse. Je connaissais sa réponse à l’avance. J’ai choisi mon club en fonction de l’entraîneur, du programme d’entraînement, de la qualité de vie. A Vienne, j’ai trouvé un bon compromis « .

Alors qu’il vit les plus beaux moments de sa carrière, Axel Lawarée s’apprête donc déjà à rentrer en Belgique dans un an et demi.  » Je jouerai peut-être encore au football, mais pour mon épouse, les parents et les grands-parents, il sera temps de rentrer. Il ne faut pas oublier que j’aurai alors 34 ans. Dans le nouveau contrat que l’on me proposera éventuellement, il faudra tenir compte de mon nouveau boulot et de ma famille. L’aspect sportif n’arrivera qu’en troisième lieu. Je n’oublierai pas l’Autriche pour autant. J’y reviendrai au moins une fois par an, que ce soit pour les affaires ou pour les vacances. Ce pays m’a énormément apporté. A moi comme à mes enfants. D’ailleurs, c’est simple : Lucas est né à Liège et Pauline est née à Mouscron. Mais, si je demande à ma fille si elle est Mouscronnoise, elle me répond : -Non, Papa, je suis Autrichienne ! « .

DANIEL DEVOS, ENVOYÉ spÉcial à vienne

 » je suis plus mÉdiatisÉ aujourd’hui Mais ma meilleure pÉriode a ÉtÉ À bregenz  »

 » ENCORE quatre matches (deux contre bruges !) pour marquer en ligue des champions « 

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