Les grandes occasions

Des Belges ayant joué à l’étranger ou y pratiquant toujours mettent en lumière les qualités ou les manquements de Big Dan.

INTELLIGENCE « Il sent le jeu de façon extraordinaire » (Gilbert Bodart)

« Il n’a pas que sa puissance physique et son 1m96. Il est aussi très intelligent dans son placement. Et, surtout, il sent le jeu de façon extraordinaire. Sa reconversion offensive est remarquable. C’est rare, chez un défenseur, de pouvoir sortir avec une telle facilité. Et, en plus, il marque. C’est un atout supplémentaire. Dans le football moderne, les attaquants sont muselés et le danger doit venir de derrière. Alors, un défenseur qui trouve facilement le chemin des filets, cela vaut de l’or. Chez Daniel, les buts ne sont pas les fruits du hasard. Je l’ai vu scorer de manière incroyable. C’est d’autant plus inouï qu’à Marseille, on a coutume de dire qu’un défenseur reçoit très rarement l’autorisation de monter, car il y a assez de talent devant. Si on le lui accorde c’est qu’il est tactiquement discipliné et qu’il a les qualités pour porter le danger devant. Cela vient sans doute de sa formation d’attaquant. Généralement, un attaquant recule dans l’entrejeu à 27 ans et en défense à 32. Lui, il a déjà reculé à 20 ans. C’est un défenseur moderne. Son registre est complet: il sait museler un adversaire mais aussi participer aux actions offensives.

Il n’est encore qu’au début de sa carrière, mais je suis épaté par la façon dont il gère à la pression. Marseille, ce n’est pas Sedan ou Le Havre. Malgré le fait qu’il vit sur un volcan, il parvient à se montrer très régulier. C’est très prometteur. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il a fait le plus dur, mais malgré tout il doit continuer à rester calme. Car, du côté de la Canebière, on peut passer très rapidement du statut de star à celui de moins que rien.

Le plus grand danger qui le guette, c’est d’attraper la grosse tête. Je crois toutefois qu’il ne tombera pas dans le piège. Cela se sent dans ses interviews: il demeure très humble. Il prévoit déjà qu’un jour, cela pourrait tourner moins bien pour lui. C’est une nouvelle preuve d’intelligence. Il considère toujours le football comme un hobby, sans trop penser à l’argent: c’est parfait. Le footballeur qui considère d’abord le football comme un gagne-pain est mal parti, car il n’a pas l’âme d’un joueur. Daniel fait abstraction de l’argent qui tourne autour de lui et il a raison: le football, c’est d’abord le plaisir de se trouver sur le terrain.

Je pense qu’il a l’étoffe d’un futur grand. A son âge, parvenir à faire ce qu’il fait, c’est déjà phénoménal. C’est de la graine de la champion. En tant qu’entraîneur, c’est évidemment un joueur que j’aimerais avoir sous mes ordres. Cela doit être un plaisir car on peut l’utiliser à plusieurs postes. Je connais beaucoup de joueurs qui mesurent 1m96 mais qui, au niveau technique, tactique et coordination des mouvements, ne lui arrivent pas à la cheville. Il a sans doute certaines lacunes, comme la vitesse sur les premiers mètres. S’il tombe sur un attaquant très rapide, cela pourrait lui poser des problèmes. Mais, comme il est intelligent, il se place en fonction des spécificités de son adversaire direct ».

CARACTERE « Il est seulement intéressé par ses prestations » (Jean-Marie Pfaff)

« Je dois reconnaître que ce garçon a remarquablement fait son chemin jusqu’à présent. De Charleroi au Standard, puis du Standard à Marseille. D’aucuns rétorqueront que, passer du Standard à Marseille, c’est avant tout l’affaire d’Adidas et de Luciano D’Onofrio. Mais il a parfaitement digéré ce changement de statut. Sa progression constante lui a également valu de faire son entrée dans le giron des Diables Rouges. Le championnat de France n’est pas facile. Il a réussi à s’y forger une place enviable. Le mérite lui en revient, et il n’est pas mince, car on sait que le public du stade Vélodrome est très exigeant. A Marseille, on ne fait jamais dans la demi-mesure et on peut parfois se montrer impitoyable. Daniel Van Buyten a su parfaitement s’adapter à cette mentalité. Il se sent bien à l’étranger, ce qui n’a pas toujours été le lot d’autres Belges, et je lui souhaite de réussir une très belle carrière. C’est bien parti. Je lui prédis un brillant avenir. C’est un défenseur polyvalent et flexible.

Le statut de star? Il doit surtout se méfier de… lui-même. Et ne pas s’endormir sur ses lauriers. S’efforcer de progresser, encore et encore. En football, tout est question de caractère. On ne peut pas dévoiler ses faiblesses. Il a été transféré du Standard à Marseille pour un demi-milliard d’anciens francs, d’après ce que l’on dit, et cette somme ne lui est pas montée à la tête. C’est bon signe. Si l’on veut faire carrière, il faut être au-dessus de toutes ces considérations et de tout ce que les gens peuvent raconter à ce sujet. Cela me semble être le cas de Daniel Van Buyten. Il a compris que, pour réussir, la seule manière est de réaliser des prestations sur le terrain sans se préoccuper du reste.

Je ne peux le juger que de l’extérieur, car je ne le connais pas personnellement. Mais je constate qu’à Marseille, on parle toujours de Raymond Goethals… et on commence à parler de Daniel Van Buyten. Deux hommes qui font la propagande du football belge dans la cité phocéenne ».

TECHNIQUE « Il ne tremble pas, il joue simple » (Johan Walem)

« Daniel est taillé pour le football du début des années 2000. Ce sport a changé et on ne peut même plus le comparer à ce qui était de mise il y a dix ans. L’engagement physique est désormais total et on met toute la gomme de la première à la dernière minute. Dans les rectangles, c’est la guerre sur les phases arrêtées. Là, il faut avoir du coffre afin d’avoir voix au chapitre. On sait que Van Buyten est paré dans ce domaine avec sa taille et une énorme présence technique. C’est pas difficile: dans un bon jour, il est impossible de lui prendre un ballon de la tête, que ce soit défensivement ou offensivement. Le jeu de tête fait, je crois, partie de l’arsenal technique d’un joueur. Daniel a des prédispositions mais il a certainement travaillé cet atout. En général, on estime que les grands sont plus maladroits dans les combinaisons courtes au ras du sol.

Daniel ne sera jamais l’équivalent d’un Enzo Scifo dans le travail du ballon – bien qu’il progressera – mais ce sont ses points forts qui font,et feront de plus en plus, la différence. Au Japon, j’ai constaté que Daniel s’applique. C’est aussi, je crois, un homme des grandes occasions. Il ne tremble pas quand c’est important. Sa technique de base est bonne car il joue simple. C’est le cas de Timmy Simons aussi. Daniel Van Buyten cherche d’abord la passe propre, utile, pas compliquée et directe. Et, en général, il ne les rate pas car il s’applique et ne snobe pas ce travail de base. Cela ne saute pas toujours aux yeux mais pour un médian, il est important de recevoir de bons ballons des défenseurs. Quand c’est possible, il signe de bonnes transversales.

Sa progression se fera aussi avec les années. Daniel n’a pas encore beaucoup de vécu. Il y a cinq ans, ce grand gaillard émergeait à peine des séries provinciales. Quand il aura plus de planches, donc plus d’assurances, il tentera d’autres gestes. Philippe Albert a aussi taillé patiemment sa technique avant d’en connaître un bout sur la question. Mais Daniel a un avantage sur Phil: il est sorti un peu plus tôt.

Il a fait preuve de lucidité en optant pour la France. Même si ce championnat n’est plus tout à fait ce qu’il fut, il n’en reste pas moins que la technique y est nettement plus prisée que chez nous. Après une première saison parfois hésitante à l’OM, Daniel Van Buyten a trouvé le rythme et tient une place en vue en France. C’est la preuve qu’il a nettement enregistré son bagage technique mais il continue à marquer des buts à sa façon: têtes, tirs à distance, etc. Il doit élargir la palette de ses atouts techniques. Attention, il serait stupide d’en faire un autre joueur. On le regarde avec des lunettes trop exigeantes mais il peut devenir un des arrières centraux les plus spectaculaires d’Europe. Bien entendu, si on lui demande de jouer comme un distributeur, on se trompe de débat. »

PERSONNALITE « Il sait montrer les dents » (Michel Preud’homme)

« Daniel Van Buyten est servi sur ce plan-là. Au Standard, j’ai remarqué qu’il avait une bonne faculté d’adaptation. Il a dû l’utiliser à Marseille parce que ce n’est pas toujours évident de tomber du jour au lendemain dans un univers tout à fait nouveau, en portant en plus une étiquette d’étranger. D’un autre côté, Daniel sait se faire respecter. Ce n’est pas le genre de footballeur qui se laissera marcher sur les pieds. Il fait tout ce qu’il faut pour s’intégrer dans un groupe, mais il s’affirme aussi. Il sait montrer les dents.

Sa personnalité s’illustre aussi par une incroyable ardeur au travail. C’est peut-être ce qui m’a le plus marqué chez lui. Il n’en avait jamais assez. Après chaque entraînement, il voulait encore rester un peu sur le terrain. Il vivait constamment avec la hantise de ne pas avoir travaillé suffisamment. Un entraîneur apprécie un tel comportement de la part de ses joueurs. Moi aussi, je faisais cela à Malines avec Philippe Albert et Marc Wilmots. Mais il faut veiller à ce que le joueur n’en fasse pas trop non plus. Quand nous avons appris que Daniel, une fois rentré chez lui, faisait encore des séances de musculation, nous l’avons rappelé à l’ordre. Nous lui avons expliqué que l’excès pouvait être nuisible. Même si nous savions qu’avec le physique dont il dispose, il devait en faire vraiment beaucoup pour puiser dans ses réserves. Elles sont énormes.

Tout le monde a crié au fou quand Marseille l’a acheté au Standard pour une fortune. Nous savions très bien que cette somme était justifiée. Et les gens de Marseille l’avaient compris avant tous les détracteurs belges de Van Buyten. Nous étions d’ailleurs persuadés qu’il pouvait viser encore plus haut que l’OM. Si ce club reste en tête du championnat de France et joue la saison prochaine en Ligue des Champions, Daniel pourrait y prolonger son séjour. Dans le cas contraire, il devrait changer d’air.

Il est aussi servi par l’éducation qu’il a reçue. Ses parents lui ont modelé une superbe personnalité. Le père et la mère jouent un rôle énorme dans l’éducation d’un footballeur. Ils doivent faire en sorte qu’il garde les pieds sur terre. Dans beaucoup de cas, les parents planent plus que le fils et c’est très dangereux ».

Par Pierre Bilic, Pierre Danvoye Daniel Devos, et Bruno Govers

« Avant, on ne parlait que de Goethals à Marseille  » (Jean-Marie Pfaff)

« En Angleterre, les molosses ne laissent rien sur l’os » (Philippe Albert)

« On est trop exigeant avec lui » (Johan Walem)

« Il fera tout pour s’intégrer » (Michel Preud’homme)

« Sa reconversion offensive est remarquable » (Gilbert Bodart)

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