« Les Galacticos, c’est fini »

Le gardien des Merengue évoque sans détours les problèmes de son club.

Distancé en Liga et éliminé en Coupe ainsi qu’en Ligue des Champions, le Real Madrid risque une nouvelle fois de se retrouver les mains vides en fin de saison. Une situation qui n’enchante guère son gardien Iker Casillas (26 ans) qui, depuis ses débuts chez les Merengue en 1999-2000, avait engrangé les succès jusqu’en 2003. Mais qui n’a plus rien remporté depuis, pas même une récompense individuelle.

Iker Casillas : Vu la tournure des événements, il faut bien tenir compte d’une nouvelle saison sans. Il s’agirait de la quatrième d’affilée et c’est évidemment beaucoup pour un club comme le Real. Au départ, j’avais accumulé les triomphes avec mes coéquipiers : Ligue des Champions en 2000 et 2002, le titre ainsi que la Supercoupe d’Espagne en 2001 et 2003. Chaque année, pour nous, le mois de mai était toujours placé sous le signe de la fête. Ce coup-ci, une fois de plus, les célébrations se passeront sans doute sans nous. Et ça fait mal.

Le Real Madrid, articulé ces dernières années autour des fameux Galacticos, n’aurait-il pas dû être logiquement plus performant que celui de vos débuts ?

Vous avez raison. Quand on possède le luxe de pouvoir tabler conjointement sur des footballeurs de la valeur de Raul, Luis Figo, Zinedine Zidane, Ronaldo et David Beckham, il me paraît logique de truster les victoires. Malheureusement, pour un certain nombre de raisons, cette génération n’a pas répondu à l’attente. Pour moi, l’erreur de la direction aura été de se séparer de Vicente Del Bosque en 2003. Je ne dis pas cela parce qu’il m’a lancé dans le grand bain mais tout simplement parce qu’il était le meilleur. D’ailleurs, depuis cette date, le Real n’a plus rien empoché. Un autre facteur tout aussi important aura été le transfert de Claude Makelele à Chelsea, en 2003 également. Depuis qu’il nous a quittés, on n’a plus jamais eu un médian défensif de sa trempe. Et dieu sait si ce poste est crucial dans une formation tournée vers l’offensive comme la nôtre.

Les Galactiques, c’est fini ?

Il n’en reste que deux à présent : Raul et David Beckham. Mais celui-ci est en partance pour les Etas-Unis. Il est difficile de parler de galaxie quand on n’y dénombre qu’une seule étoile ( il rit). Et puis, il n’est pas sûr non plus que Raul jurera toujours fidélité au Real la saison prochaine. Personnellement, je le souhaite mais lui aussi nous quittera, dans un futur proche ou lointain, tout comme des garçons comme Figo, Zidane et Ronaldo. J’aurai de toute façon un pincement au c£ur quand il nous délaissera. Car plus que les autres, Raul est le symbole du Real. Je sais qu’il a été décrié cette saison. Mais, à près de 29 ans, il peut encore réaliser de grandes choses pour le compte des Merengue. Il va rebondir, j’en suis certain. Sa mauvaise passe, cette saison, ne doit toutefois pas occulter tout ce qu’il a déjà réalisé et signifié pour le Real. Le pichichi (meilleur buteur) en Ligue des Champions ? C’est lui. Le recordman du nombre de matches dans cette compétition ? C’est lui. Le gars qui peut espérer détrôner les 523 matches de Manolo Sanchis au Real ? C’est toujours lui. Je ne comprends pas ceux qui osent s’acharner sur lui. C’est vrai qu’à la longue, on ne voit plus tellement les qualités du joueur mais surtout ses défauts. C’est pour cette raison qu’il n’est pas facile de durer au Real.

 » Je veux jouer jusqu’à 36 ans au Real  »

Et vous ?

Si ça ne tenait qu’à moi, je jouerais toute ma carrière au Real. Je n’ai jamais connu qu’un seul club. J’y suis arrivé à l’âge de neuf ans, en 1990. Mon père m’avait emmené à une journée de détection où j’ai été repéré. Du coup, il a été obligé de me véhiculer quasi tous les jours pour que je puisse me rendre aux séances d’entraînement… Ma mère ne croyait pas à l’existence de ces entraînements : elle pensait que mon père avait une maîtresse là-bas ( il rit). Ce n’est qu’après avoir accompagné le mouvement qu’elle a compris. Je suis né à Madrid, j’ai toujours vécu dans la capitale et tous mes amis habitent cette ville. J’ai 26 ans. Mon rêve, c’est d’être toujours là dans une dizaine d’années. Par après, seulement, je songerai éventuellement à émigrer sous d’autres cieux. Aux Etats-Unis ? Pourquoi pas. Je m’y suis rendu en vacances après la Coupe du Monde 2006 et le pays m’a plu. Salt Lake City, surtout.

Qui était votre modèle comme gardien ?

J’en ai eu deux : Peter Schmeichel sur le plan international et Santiago Canizares en Espagne. Même si je fais à mon tour figure d’exemple à suivre aujourd’hui, je reste très attentif au keeping des autres. Il y a toujours moyen de s’inspirer d’eux. Ceux qui m’interpellent plus particulièrement sont Gianluigi Buffon, Peter Cech et José Manuel Reina. Je pense qu’on se tient de près. Vous ne m’entendrez jamais dire que je suis le meilleur. Ma mère me le dit régulièrement, mais vous savez comment sont les mères : leur fils est toujours le meilleur ou le plus mignon. Ceci dit, parfois elles disent vrai quand même puisque le journal Mexicain Reforma m’a élu plus beau joueur du monde en 2006 devant Frederik Ljungberg, Frank Lampard, Andriy Shevchenko et David Beckham ( il rit). Comme quoi, à défaut de gagner des prix sur le terrain, on peut en remporter ailleurs. Enfin, ce n’est jamais qu’une maigre consolation.

Quelle est la différence entre le Real avec ou sans Zidane ?

J’ai côtoyé pas mal de bons joueurs au Real mais lui était réellement hors normes. De tous les Galactiques, c’est lui, sans conteste, qui a pesé le plus sur la manière de jouer et sur les résultats de l’équipe. Quand il était à gauche, devant Roberto Carlos, le centre de gravité du Real se trouvait sur cette portion du terrain. Quand il se baladait à droite, le c£ur de Madrid battait de ce côté-là. Cette dépendance-là, on ne l’a jamais vérifiée avec les autres. Même s’ils étaient tous très bons eux aussi.

 » Il y a plus d’individualités marquantes au Barça  »

Quels sont les partenaires qui vous ont marqués au Real ?

En ma qualité de gardien, j’ai toujours flashé davantage sur ceux qui contribuaient à défendre que sur ceux qui veillaient à alimenter le marquoir en notre faveur. Et parmi ceux qui m’ont franchement impressionné, je citerai essentiellement deux noms : Manuel Sanchis et Fernando Hierro. Quand ces deux-là occupaient le centre de la défense, je pouvais lire mon journal dans le but. C’est bien simple, il n’y avait pas moyen de passer une épingle entre eux. Il est vrai que leur complicité était le fruit d’une dizaine d’années de travail en commun. Par comparaison, Ivan Helguera et Fabio Cannavaro, qui jouent la plupart du temps dans l’axe devant moi, à présent, n’en sont qu’au début de leur collaboration.

La défense du Real a encaissé à peu près le même nombre de buts que celle du Barça. En revanche, son attaque a été nettement moins prolifique. Est-ce là que réside le décalage entre les deux équipes ?

Je dirai que le Barça possède surtout plus d’individualités marquantes. Au classement des buteurs, tant Ronaldinho que Ruud van Nistelrooy se situent aux premières loges. Mais derrière ce duo, la balance penche nettement en faveur des Azulgranas. Chez nous, c’est quasiment le désert car des avants comme Raul et Robinho ont inscrit très peu de buts cette année. Au Barça, par contre, Lionel Messi et Samuel Eto’o ont affolé eux aussi le marquoir. La différence est là.

Même s’il a rempilé à Manchester United, le nom de Cristiano Ronaldo figure toujours sur les tablettes du Real. Pourrait-il devenir pour vous un deuxième Luis Figo ?

Je pense qu’il serait surtout un premier Cristiano Ronaldo. Compte tenu de son âge et de la façon dont il s’est développé cette année, j’ai l’impression que le jeune Portugais pourrait atteindre une dimension supérieure encore. Il a une qualité que Luis n’avait pas, ou dans une moindre mesure : la vitesse. Et c’est elle qui fait la différence entre un joueur de grande classe et un autre de super classe.

Qu’attendez-vous de Cristiano Ronaldo et de Manchester United en Ligue des Champions ?

Pour moi, les hommes d’Alex Ferguson font figure de favoris. Ils jouent à un très haut niveau depuis le début de la saison et la façon dont ils ont atomisé l’AS Rome, en quarts de finale, m’a sidéré. Milan a peut-être retrouvé la bonne carburation au bon moment mais même si l’AC en venait à éliminer Manchester, j’ai la conviction qu’en finale les Rossoneri seraient de toute façon évincés par Chelsea ou Liverpool. Cette saison, la Ligue des Champions ira à un club anglais, c’est aussi simple que cela.

L’Angleterre avait trois formations en demi-finales : Manchester United, Liverpool et Chelsea. Peut-on parler d’une hégémonie du football anglais ?

On a dit la même chose, dans un passé récent, lorsque l’Espagne et l’Italie se sont retrouvées dans une situation analogue. Mais ces cas de figure n’ont jamais été que des feux de paille. Pour parler d’hégémonie, il faudrait qu’un pays ou qu’un club émerge vraiment pendant des années. Comme le grand Real qui a gagné la Coupe d’Europe des Clubs Champions sans interruption entre 1956 et 60. Mais je ne crois pas que ce soit encore possible. Car dès qu’un club possède un certain nombre de bons joueurs, les rivaux mettent le prix pour les déloger. C’est le cas de Cristiano Ronaldo, pour qui le Real veut mettre le paquet, et c’est le cas de Ronaldinho aussi, pour qui l’AC Milan dispose d’une enveloppe de 100 millions d’euros. Dans ces conditions, les grosses têtes sont toujours réparties sur plusieurs clubs. S’inscrire dans la durée devient dès lors compliqué.

par bruno govers – photo: reporters

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