Les ex-Balles Magiques

A la découverte de Guillaume (le seul Anderlechtois à avoir joué chaque minute) et de Pierre (médian de P1 à Herve) : un cocktail d’énergie et d’émotion.

Dimanche 21 décembre. Anderlecht est en congé depuis deux jours, le titre de champion d’automne en poche. GuillaumeGillet en profite pour aller voir jouer son frère cadet Pierre, milieu de terrain à Herve en 1re Provinciale Liégeoise. Le match a lieu à Aubel, pas bien loin de Visé où réside la famille, et la présence du joueur anderlechtois ne passe pas inaperçue. Apostrophes, demandes d’autographes, petites remarques tantôt acerbes, tantôt bienveillantes.  » Mais l’accueil est encore sympa, j’ai connu pire « , affirme Guillaume.  » Dans la région, il y a beaucoup de joueurs du Standard, et en tant que Mauve, il arrive régulièrement que je me fasse chambrer.  »

Herve est battu 2-0 après avoir touché deux fois le poteau, et Pierre est remplacé en cours de partie.  » Pierre a toujours joué milieu alors que j’ai débuté comme centre-avant « , révèle Guillaume.  » C’est un bon joueur qui voit très bien le jeu et aime fignoler et soigner ses passes. Il ne dégagera jamais un ballon dans la tribune. Vu son style, il est handicapé par les mauvais terrains de 1re Provinciale. Et le jeu physique, rentre-dedans, ce n’est pas pour lui. Mais son principal défaut, c’est son manque de vitesse : il est encore pire que moi. « 

La progression de Guillaume ne surprend pas Pierre :  » Je m’attendais à ce que Guillaume atteigne un jour la D1. Dans toutes ses équipes d’âge, il était au-dessus du lot. Et il a toujours vécu pour son sport mais de là à ce qu’il brille à Anderlecht, il y avait une marge. Dans la région, mon nom de famille éveille davantage l’attention. Il arrive qu’en contrôlant les licences, l’arbitre me demande si j’ai un lien de parenté avec le joueur d’Anderlecht. Et alors, les réactions divergent selon les affinités… « 

 » Il est déjà arrivé que Pierre se fasse insulter, si la personne est un peu trop fanatique des Rouches « , regrette Guillaume.

Père et fils au mini-foot

Les deux frères se retrouvent chaque fois que leur agenda concorde. Guillaume :  » Quand on était enfants, on se disputait régulièrement. Lorsqu’on jouait derrière la maison, je prenais souvent place dans les buts : si Pierre avait le malheur de me battre, je le prenais très mal et j’allais le tackler. Avec l’âge, on ne se dispute plus jamais. « 

 » Guillaume ne sait pas perdre « , confirme Pierre.  » Le soir, on jouait souvent à la Playstation. Il m’arrivait de le battre dix ou quinze fois d’affilée, mais il ne voulait pas arrêter aussi longtemps qu’il n’avait pas remporté une partie. Vous imaginez la réaction de maman : – Lesenfants, aulit, il y aécoledemain ! Parfois, je le laissais volontairement gagner pour qu’il consente à aller se coucher, mais cela non plus, il ne le supportait pas : il voulait gagner à la régulière.  »

 » Une chose est sûre : on ne restait pas en place « , conclut Guillaume.  » Pierre et moi, on était surnommés les balles magiques. Notre père a été footballeur aussi et a surtout créé une équipe de mini-foot. Son rêve était de pouvoir jouer, un jour, avec ses fils. Il priait pour garder la condition assez longtemps. Il fallait 15 ans pour s’affilier au mini-foot. J’avais à peine soufflé mes 15 bougies que j’ai apposé ma signature au bas de la carte d’affiliation. Le vendredi soir, dès la fin de l’entraînement à Visé, je filais au mini-foot pour participer aux matches. J’en ai joué quelques-uns et mon père était le plus heureux des hommes. On se faisait des passes à n’en plus finir, comme si les autres joueurs n’existaient pas sur le terrain. Un des grands moments de sa vie…  »

Anderlecht, un an déjà !

En janvier 2008, la carrière de Guillaume a pris un virage important lorsqu’il fut transféré à Anderlecht :  » Tout est passé tellement vite, j’ai l’impression que c’était hier. J’étais en stage avec La Gantoise à Marbella, en Andalousie. Je savais déjà qu’Anderlecht s’intéressait à moi, mais je ne pensais pas que le transfert se concrétiserait aussi vite. Après quelques jours, j’ai été invité à quitter le stage des Buffalos pour rejoindre La Manga et Anderlecht, quelques centaines de kilomètres plus au nord. « 

Guillaume ne se doutait pas qu’en chemin, il allait recevoir une proposition émanant de Russie :  » Du Dynamo Moscou, le club qui s’est intéressé à Jonathan Legear. J’étais déjà très loin dans les négociations avec Anderlecht, c’était difficile de faire marche arrière. Mais les chiffres avaient de quoi faire tourner la tête. J’ai téléphoné à tous les membres de la famille qui étaient joignables, pour voir s’ils pouvaient me conseiller.  »

Y compris à son frère, donc.  » C’était une somme réellement astronomique « , confirme Pierre.  » Franchement, cela m’a dépassé, je n’ai pas pu le conseiller. « 

 » On ne parlait plus de foot mais de gros sous « , enchaîne Guillaume.  » C’était tellement énorme qu’il y avait de quoi être déboussolé. Mais j’ai tout de même suivi ma première intuition et signé à Anderlecht. Je ne l’ai jamais regretté, au contraire. Aujourd’hui, j’ai déjà une Coupe de Belgique à mon palmarès, c’est incroyable. Et je suis champion d’automne. Il faudra encore concrétiser cela en mai. On n’a pas toujours été brillant durant le premier tour, mais on est là. Revêtir le maillot d’Anderlecht avait toujours été mon rêve de gosse. J’estime aussi qu’il valait mieux passer par là avant d’éventuellement viser plus haut. Mes préférences iraient à l’Allemagne. Le Bayern Munich, mon club de c£ur, serait mon rêve ultime, mais je me contenterais déjà d’un autre bon club de la Bundesliga ou d’un grand championnat européen…  »

A-t-il un temps douté de sa réussite ? J’ai eu d’emblée un bon pressentiment à Anderlecht. Je suis arrivé à une époque où l’équipe était mal embarquée et c’était la meilleure période pour débarquer puisqu’en principe, les Mauves ne pouvaient que redresser la tête. Dès mon arrivée à La Manga, ArielJacobs m’a dit : – Jesaisquetuasététransférécommearrièredroit, maisquetupréfèresjouermilieu ! On ne pouvait pas mieux faire pour me mettre à l’aise. Dix jours plus tard, lorsque j’ai découvert l’équipe qui allait entamer le match de reprise contre Malines, j’ai vu mon nom au milieu. J’étais aux anges. Quel contraste avec ce qui m’était arrivé un an et demi plus tôt à Gand. Là, j’avais vu mon nom à l’arrière droit et ma première réaction avait été d’interpeller GeorgesLeekens pour lui dire : – Coach, vousvousêtestrompé ! Aujourd’hui, je crois que je suis définitivement catalogué comme milieu de terrain. Mon prochain objectif sera de conquérir mes galons en équipe nationale à cette position. Ce ne sera pas simple, car la concurrence est rude à ce poste, mais pour progresser, il faut fixer la barre très haut.  »

Egaler le total d’Eupen

Guillaume Gillet est le seul joueur d’Anderlecht à avoir 100 % de temps de jeu cette saison :  » J’y vois une double satisfaction : le fait que le coach me fasse confiance et, forcément, le fait que je n’ai jamais été blessé. Touchons du bois. Je pense avoir été bien constitué. Et puis, je suis courageux, je mords sur ma chique. Si je reçois un simple coup, douloureux mais sans plus, je terminerai le match. Si je devais jeter l’éponge, ce n’est pas la douleur qui me ferait le plus mal, mais le fait d’être privé de football. J’aime trop ce sport et j’ai besoin d’être toujours en action. Lorsque j’apprends qu’un match est remis, j’ai le moral dans les chaussettes. « 

Avec sept buts, Guillaume est aussi le meilleur buteur d’Anderlecht à mi-parcours :  » Plus que neuf et j’atteindrai mon total d’Eupen, qui m’avait valu mon transfert à Gand. Il m’arrive d’y penser. Je devrais être en mesure de faire aussi bien au deuxième tour qu’au premier, cela me ferait déjà un total de 14. Avec un peu plus de réussite ou de concentration, pourquoi ne pourrais-je pas en inscrire deux de plus ? Je sais, en débutant chaque match, que j’hériterai au moins d’une occasion. J’ai l’art de me trouver au bon endroit, c’est ce qui fait ma force. Offensivement, je retrouve progressivement mes sensations d’Eupen, mais à un niveau plus élevé. En début de saison, j’avais fixé la barre entre sept et dix buts. J’ai déjà atteint l’objectif minimal. « 

Aujourd’hui, les Anderlechtois se livrent un petit concours pour savoir qui deviendra le meilleur buteur du club. Il oppose Guillaume (sept) à NicolasFrutos (six buts), JonathanLegear et MbarkBoussoufa (tous deux cinq buts).  » A mes yeux, lorsqu’on se lance des petits défis comme celui-là, cela signifie qu’il règne une bonne ambiance dans le vestiaire. Cela décuple la motivation et c’est profitable à tous, pour autant que l’ego ne prenne pas le dessus sur l’intérêt collectif. Jusqu’à présent, je ne pense pas que ce soit le cas. On décrit souvent Anderlecht comme un club froid mais je n’ai jamais eu cette impression. Lorsqu’on peut évoluer à Anderlecht, c’est génial et le fait de retrouver de nombreuses nationalités différentes ne me dérange pas, au contraire. J’y prends beaucoup de plaisir.  »

Guillaume est devenu l’un des boute-en-train du vestiaire. Il lui arrive de faire l’une ou l’autre blague à un coéquipier :  » Mais MarcinWasilewski, BartGoor avant et JelleVanDamme, pour ne citer qu’eux, sont bien plus prolifiques. En fait, je rigole surtout des blagues des autres. La seule blague que l’on peut réellement m’imputer, est d’avoir appris à DimitriBulykin comment dire bonjour en français ( NDLR : à ne pas écrire, les enfants lisent). Il est tombé dans le panneau et est allé saluer le magasinier en ces termes.  »

Deux points noirs

Deux gros points noirs dans l’année 2008 de Guillaume : sa non-sélection pour les Jeux Olympiques et l’élimination de la Ligue des Champions face à BATE Borisov :  » … la défaite que j’ai eu le plus de mal à digérer. Ma non-participation aux JO m’a moins touché. Je n’avais pas envie de me rendre en Chine pour être la cinquième roue de la charrette, comme cela avait été le cas à l’Euro 2007 des Espoirs où j’avais été le seul joueur de champ à ne pas monter au jeu. Mes relations avec JeanFrançoisdeSart ? Inexistantes. Pourtant, il m’avait appelé chez les -21 alors que je jouais encore en D2 à Eupen, ce qui est rare. Mais j’étais alors un milieu offensif. Peut-être a-t-il revu sa position lorsque je suis devenu arrière droit à Gand, je n’en sais rien : il ne m’a jamais donné d’explications.  »

Six mois plus tard, a-t-on trouvé une explication au couac face aux Biélorusses ?  » Rien n’a tourné pour nous lors du match aller « , estime Guillaume.  » Lorsque Frutos s’est blessé deux jours avant, il n’y avait plus que Kanu et Matías Suarez disponibles comme attaquants. Ils venaient de débarquer d’Amérique du Sud et étaient fort jeunes. L’espace d’un instant, je me suis demandé si je ne pourrais pas être utile à ce poste de centre-avant que j’avais occupé jusqu’à mes 18 ans et que j’aimerais retrouver plus tard, un jour ou l’autre, mais je n’ai pas osé le suggérer à Jacobs.  »

Certains ont évoqué la préparation trop légère d’Anderlecht.  » C’est vrai que Litex Lovech et Roda JC étaient les seuls adversaires de taille qui avaient figuré à notre menu et que, par rapport au Standard, c’était plus léger. Je crois, en tout cas, qu’Anderlecht tiendra compte de ces remarques et que les adversaires seront plus costauds l’été prochain. « 

Arrive-t-il aujourd’hui encore à Guillaume de se surprendre ?  » Ce que je réalise a parfois l’air de couler de source, mais oui : il m’arrive de m’émerveiller. Je ne l’ai encore avoué qu’à ma copine, mais après mon but contre Genk, qui scellait cette formidable année 2008, j’ai eu envie de pleurer d’émotion. « 

par daniel devos – photos: reporters/ gouverneur

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