Les essentiels de Rednic

La défaite à Anderlecht n’hypothèque pas le travail de Coach Mircea mais le prochain rendez-vous des Liégeois face à Bruges revêtira la plus haute des importances.

Les deux défaites du Standard dans ces P01 dingues, riches en retournements de situation à défaut d’atteindre le nirvana technique, loin de là, s’expliquent de façons différentes. A Lokeren, la défense a offert quatre cadeaux aux attaquants adverses. Le faux-pas bruxellois trouve son explication de base dans la pauvreté de la production offensive (un attaquant de pointe : Michy Batshuayi) plus que dans le flottement au coeur de la défense : erreur de marquage sur le premier but de Guillaume Gillet, penalty évitable sur Dieumerci Mbokani.

L’excellent Paul-José Mpoku a été placé dans l’axe, derrière Batshuayi, isolé, incapable, sans Imoh Ezekiel, d’exercer une grosse pression sur les défenseurs mauves. Silvio Proto a passé une journée tranquille car le Standard n’a jamais trouvé la profondeur. On peut donc parler de défaite tactique d’une équipe posée bas, comme d’habitude, mais dont la reconversion offensive fut cette fois totalement insuffisante.

Désormais 5e des PO1, le club de Sclessin ne peut plus rien lâcher. Mircea Rednic a redressé la barre avec ses  » essentiels  » qu’il a adaptés aux réalités des PO1. Le Standard du sprint final n’a pas le même comportement que durant la phase classique du championnat.

Deux patrons mais pas de stars

 » Mais il est impossible de comparer les deux pans du championnat « , explique Rednic.  » Les PO1, cela fait 10 finales et la donne change sans cesse, le classement n’est jamais le même et il en sera ainsi jusqu’au bout. Qu’est-ce qui compte le plus dans un parcours aussi intense ? Les résultats, le classement. Notre objectif n’est pas le titre mais le Top 3 et une qualification européenne.  »

Ce réalisme tranche par rapport à l’effervescence offensive des débuts de Rednic dans sa mission de coach. A Genk, le Standard frappa les imaginations en misant sur le 4-4-2 et deux attaquants ultra-rapides, le couple Ezekiel-Batshuayi, véritables poisons pour leurs gardes-chiourmes. Eux aussi doivent accomplir leur part de boulot défensif. Rednic ne cesse de parler de travail.

 » Il a raison : beaucoup de choses ont été mises au point « , explique Jean-François de Sart.  » Il a rendu confiance au groupe en peu de temps. Il a trouvé les mots simples et justes pour détailler ses objectifs. Quand les premiers choix sont gagnants, cela facilite la transition. Le retournement de situation passait par des matches comme à Genk. Il faut gagner pour relancer un effectif. Sous Ron Jans, notre défense ne garda qu’une fois le zéro au marquoir : c’était insuffisant et cela a changé du tout au tout.  »

Une équipe qui gagne, c’est la garantie de belles primes, le nerf de la guerre. Jans n’a pas amélioré les comptes en banque, Rednic oui. Ce dernier a accordé beaucoup d’attention aux automatismes défensifs, contrairement à Ron Jans, moins conscient des spécificités belges. Il bénéficia du retour de Kanu, installa Jelle Van Damme à l’arrière gauche. La citadelle défensive prenait forme. Avec le temps, Rednic s’est de plus en plus appuyé sur cette organisation en laissant volontairement la direction des opérations aux adversaires, surtout depuis le début des PO1. Non sans succès, mais avec des insuffisances aussi, comme lors des deux duels contre Anderlecht.

Ses plans de défense en bloc exigent un gros impact physique. Ce fut vite le jour et la nuit. Disciple de Guy Namurois, le préparateur physique Carlos Rodriguez n’était pas en phase avec Ron Jans. Les Liégeois, plusieurs joueurs nous l’ont régulièrement confirmé, ne travaillaient pas assez en semaine. L’équipe était trop courte physiquement. Rodriguez et Rednic ont tout de suite partagé les mêmes idées à ce niveau.

 » C’est une autre façon de travailler. « , confirme de Sart.  » Rednic a élevé le niveau physique. Plus présente dans les duels, l’équipe est à la hauteur du défi imposé par les PO1 et la succession des matches en peu de temps. Il y a une véritable osmose entre Rednic et les cadres de l’équipe.  »

Les résultats ne tardèrent pas à être visibles sur le terrain. Plusieurs joueurs, surtout Mpoku, une des révélations liégeoises de la saison, ont éliminé deux ou trois kilos excédentaires. Ce retour à un poids de combat a transformé Mpoku, devenu aussi important que Michy et Imoh. Le bloc équipe passe avant tout. Le Standard compte deux patrons, Van Damme et William Vainqueur, mais pas de stars.

Une gestion juste

Rednic a dû régulièrement faire des choix. En fin d’année 2012, il réclama à plusieurs reprises la venue de renforts. Le T1 des Carpates rêvait de Ciprien Marica (attaquant de Schalke 04) et d’Alexandre Maxim, médian gauche de Panduru Targu. Les Roumains ont fait monter les enchères, Maxim a été cédé à Stuttgart pour 1, 5 millions d’euros. L’intérêt du Standard a réveillé Stuttgart.

Marica se révéla rapidement trop cher. D’autres noms furent cités (Alexandru Suvarov, Paulo Henrique, etc.) avant que le Standard opte pour Adrian Cristea,Georges Tucudean, Nagai, Ono et Zie Diabate. Des deuxièmes choix. La communication de Rednic, criant sur tous les toits qu’il avait besoin de renforts ne fut pas trop appréciée en haut lieu au Standard. Et il en fut de même quand Roger Henrotay évoqua, dans Sud Presse, un intérêt de Genk pour Rednic. La manoeuvre était cousue de fil blanc.

Le coach et le Standard ont envie de prolonger leur expérience commune. Les deux parties en discuteront au terme de la saison. Rednic avait déroulé le tapis rouge pour Cristea :  » Je n’ai jamais travaillé avec un meilleur milieu de terrain que lui.  » Le désenchantement est grand lors de chacune de ses apparitions sur le terrain, comme à Anderlecht.

Poussif, Cristea est un faiseur de jeu d’une autre époque, un ancêtre perdu sur un circuit de Formule 1. Au Standard, de Sart nuance :  » Les renforts étrangers du mercato d’hiver ont besoin d’un peu de temps pour découvrir un nouveau pays, un autre football. Ils sont arrivés à la fin de leur championnat pour les Japonais ou au moment de la longue interruption de la saison en Roumanie. Cela demande une période d’adaptation.  »

Rednic n’a pas caché sa déception à propos de Cristea :  » Il est trop lent et n’a pas saisi sa chance.  » Le coach du Standard n’accorde de passe-droit à personne, même pas aux nouveaux venus roumains. Leur présence a quand même eu pour effet de motiver les titulaires. Les jeunes comme Mpoku, Ezekiel et Batsuhayi ont souvent haussé leur niveau de jeu, Ils ont adhéré aux principes de Rednic emballé par les atouts des jeunes. Il a relancé calmement Ibrahima Cisse et Batshuayi après leurs frasques en équipe nationale Espoirs.

Jamais content

Rusé, Rednic ne s’avoue jamais satisfait. Il indique très vite du doigt ce qui n’a pas répondu à son attention. Laurent Ciman l’a constaté après son match hésitant à Lokeren : il céda sa place au jeune DinoArslanagic au rendez-vous suivant. Coach Mircea entendait faire passer un message à sa défense trop déconcentrée à Daknam. Rednic a redressé le Standard, creuse son sillon dans une certaine indifférence à l’échelle du pays. Il ne jouit pas encore du prestige de son compatriote Laszlo Bölöni qui a épinglé un titre et brillé sur la scène européenne avec le Standard. Les époques ne sont pas les mêmes. Bölöni a hérité d’une équipe clef sur porte, celle de Michel Preud’homme.

Le Standard actuel est en chantier. Bölöni avait ses chouchous dans le groupe, ses incontournables, Rednic pas. Malgré son apport, Bölöni était parfois critiqué par les huiles du club ou par le personnel étonné par ses changements de programme. Aad deMos est un des rares consultants ayant tressé de véritables louanges à l’attention de Rednic dans les colonnes du LaatsteNieuws.  » J’ai assisté à son premier match en tant que coach du Standard et je me suis tout de suite dit qu’on parlerait de lui cette saison. La différence avec Jans sautait aux yeux : un bloc équipe soudé et discipliné, un 4-4-2 bien structuré, des contres ravageurs : en novembre, sa griffe était déjà imprégnée. On ne doit pas sous-estimer Rednic.

Je l’ai connu en Arabie Saoudite. Il coachait Al-Nasr, moi Al-Hilal. Rednic a construit une équipe, ce qui n’est pas facile dans de tels pays. Je considère qu’EijiKawashima est un bon gardien de but. Kanu est un arrière central intransigeant. Yoni Buyens est un excellent milieu de terrain. William Vainqueur, lui, est le meilleur pare-chocs de D1 : efficace, doué techniquement. Le Standard détient un gros atout : ses joueurs s’intéressent au collectif ; pas à eux-mêmes.  »

Rednic a souri en prenant connaissance des propos d’Aad de Mos :  » Il me semble que je commence à faire peur.  » A la fin de la saison, Rednic suivra quelques dossiers avec la plus grande attention : le sien et celui de Vainqueur entre autres. Le Standard n’a pas rompu les contacts avec son métronome. Les Liégeois ne croient pas à’ l’intérêt d’Anderlecht pour leur médian défensif. Ce dernier a encore un contrat de trois ans. On le sait : Vainqueur n’acceptera de rester à Sclessin qu’en cas de qualification pour la Ligue des Champions. Les choses peuvent bouger et une saison de plus au Standard lui permettrait d’accentuer sa magnifique progression.

A Anderlecht, il a précisé à propos du Clasico :  » Nous avons raté l’occasion de nous emparer de la première place. Le Standard réalise un beau parcours en PO1. Nous ne sommes peut-être pas encore taillés pour revendiquer le titre. Cela dit : nous devons viser l’Europe et la troisième place.  » Vainqueur n’est pas pour rien la plaque tournante de l’équipe ressuscitée par Rednic déjà tourné vers le rendez-vous avec le Club Bruges. Déçu et fâché à Anderlecht, Rednic en mesure toute l’importance.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Il y a une véritable osmose entre Rednic et les cadres de l’équipe  » (Jean-François de Sart)

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