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Les enfants de Colonval

Jean-Paul, l’eusses-tu-cru si l’on t’avait dit, voici trente ans, que tu ferais des petits par dizaines ? Bien sûr, rien de sexuel là-dedans, ce n’est pas via son canal spermatique qu’ André Remy te mit un jour la petite graine, mais grâce à son Canal+ ! Avec vous deux a débuté chez nous l’ère scientiste du commentaire de foot à la télé. André, qui n’était pas Thierry Roland, n’avait jamais fait le buzz en traitant un siffleur de salaud, ou en riant comme une chèvre hoqueteuse. Et toi, en short, tu n’avais pas frôlé le top européen comme Jean-Michel Larqué. Mais nous, Belges francophones, nous nous en foutions, nous étions enfin dans l’air du temps, nous avions un duo nous aussi : les deux frimeurs d’outre-Quiévrain devraient désormais la mettre en sourdine. Surtout qu’à l’époque, on faisait encore kif-kif sur le plan des résultats !

Pour bénéficier d’une heure de jeu en direct, il faut rester planté deux heures et demi devant la télé.

Jean-Paul, tu fus l’Adam des consultants, ils sont aujourd’hui pléiade. C’est comme la prolifération des chats, ça n’arrête plus ! Regarde l’encadré en 4-4-2. Et j’avais pas place pour tous, y’en a qui vont râler ! Oui, j’aurais pu placer Walter Baseggio au lieu de Fred Waseige, c’eût été plus classieux : mais avec trois des cinq offensifs qui n’étaient pas précisément des courageux en perte de balle, me fallait un teigneux devant Grün et Albert. Ceci dit, Jean-Paul, ça fait une chouette équipe de fringants vétérans que tu pourrais coacher, non ? À toi de voir, mais fais gaffe où tu mets les pieds : si la sauce ne prend pas de suite, tu risques le boxon au sein d’un vestiaire si riche en spécialistes.

Les enfants de Colonval

J’ai mis des réguliers, certains s’expriment même quasi quotidiennement depuis la pelouse ou le studio, sans compter dans le journal. Eleven, RTL, BeTV, RTBF, Proximus, on ne sait plus pour quelle équipe ils prestent : d’ailleurs on s’en fiche, ils s’adaptent au marché, comme les footballeurs qu’ils auscultent. En fait, ce qui m’effraie un peu, c’est l’ampleur de l’enrobage : quand tu bouffes un caramel, l’emballage n’a pas le poids du contenu, mais ici si ! On sait qu’un match, c’est soixante minutes de jeu effectif, ce qui fait déjà trente minutes de temps morts pour papoter tactique. Tu ajoutes à cela quinze ou vingt minutes avant, pendant la mi-temps et après le match, puis tu te rends compte que pour bénéficier d’une heure de jeu en direct, tu es resté planté deux heures et demi, ou davantage, devant ta téloche ! Et vu que, sur une semaine, ton télédistributeur peut aller jusqu’à te proposer une vingtaine de directs à des moments différents, … Être alléché par le foot, c’est un travail à temps plein !

Quant à apprécier les analyses, selon tes goûts et tes couleurs, y’a à boire et à manger. Je soulignerai seulement ici que, parmi les mômes de Jean-Paul, figurent aussi quelques bâtards, des gars catalogués consultants sans avoir été de bons joueurs de chez nous : Stephan Streker, Swann Borsellino… Et mon sentiment est qu’ils délivrent des analyses tout aussi valables. Est-ce bizarre ?

Dès lors, quid du journaliste, ou devrais-je dire speaker ? S’avère-t-il, ou se sent-il, moins compétent que le consultant accolé ? J’espère que non, il ne le mérite pas. Et là, je vous cite mon préféré, parce qu’on l’oublie dans les sondages de popularité : sobre et précis, Philippe Hereng regarde bien le jeu, relaye son consultant juste comme il convient. Perso, il m’apaise.

Pour conclure, j’aimerais proposer, à tous ceux qui causent foot dans le poste, un challenge inspiré de l’écrivain Georges Pérec, qui pondit  » La disparition  » en 1969 : il y réussissait à ne jamais employer la lettre  » E  » tout au long de son bouquin ! Similairement, nos journalistes ou nos consultants (et Fred l’hybride ! ) arriveraient-ils à commenter tout un match sans utiliser le mot  » espace « , atrocement surexploité ? Ça m’épaterait.

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