Les ENCHANTEURS

La Seleçao a remporté l’épreuve en faisant le spectacle grâce à deux avants de 22 et 23 ans. Qui sera le successeur de Ronaldo ?

La plus vieille des compétitions inter nations nous aura offert le classique des classiques en finale : Argentine-Brésil. La Copa America, qui avait démarré en sourdine, a vu figurer dans le dernier carré les trois équipes les plus réputées d’Amérique du Sud (les finalistes et l’Uruguay) et la Colombie, le tenant du titre.

Avant le choc de dimanche à Lima, l’Argentine et le Brésil s’étaient déjà rencontrés à huit reprises en finale, la première fois en 1923 et la dernière en 1992, au Chili. A chaque fois, c’est l’Argentine qui s’était imposée, ce qui explique qu’elle figure en tête du nombre des victoires finales (14) alors que le Brésil, dont le dernier succès remontait à 1999, en est aujourd’hui à sept. Ces confrontations avaient souvent donné lieu à des incidents et lors de la dernière, en 92, l’arbitre, Maciel, avait dû exclure cinq joueurs (trois Brésiliens et deux Argentins).

Rien de tout cela dimanche dernier dans un match pourtant très tendu sur le plan du suspens. C’est l’Argentine qui ouvrait le score à la 21e minute par Kily Gonzalez et Luisao fit 1-1 juste avant le repos. CésarDelgado redonna l’avantage à l’Argentine trois minutes avant la fin, mais dans les arrêts de jeu, Adriano, l’avant de l’Inter, donna au Brésil l’occasion de sauver sa peau aux penalties et de s’imposer finalement 4-2 dans cet exercice.

Adriano, avec sept buts au total, termina premier buteur de la compétition et devenait un nouvel héros brésilien…

Adriano, inconnu au Brésil avant la Copa

Dans l’ensemble, on ne peut pas dire que le spectacle offert tout au long de cette 41e édition de la Copa America ait été très spectaculaire. D’ailleurs Jorge Fossati, l’entraîneur de l’Uruguay, n’a pas hésité à déclarer avant la demi-finale :  » Que le Brésil ne se fasse pas d’illusions, mon équipe jouera de manière très couverte. Il éprouvera du mal à inscrire un but. Nous ne pouvons affronter la Seleçao à visière découverte, sinon nous courons à coup sûr vers la défaite. Contre le Mexique, en quarts de finale, l’équipe de CarlosAlbertoParreira a pu pratiquer son jeu et s’est facilement imposée 4-0. Contre nous, ce sera plus difficile de trouver la porte d’entrée « .

Le bunker uruguayen avait failli résister jusqu’au bout. En effet, le Brésil s’est qualifié aux tirs au but (5-4) après que la rencontre se soit terminée sur la marque d’un but partout. L’Uruguay avait pris la première mi-temps à son compte, se jetant sur l’adversaire avec rapidité et précision, l’obligeant à rester dans son camp. Et l’avance que l’Uruguay s’était forgée (but de Marcelo Sosa à la 21e) était tout à fait logique.

Mais dans ce Brésil, qui avait perdu son assurance et sa conviction, évoluait Adriano . Après 59 secondes de jeu en seconde période contre l’Uruguay, il allait inscrire son sixième but dans cette compétition. Un goal tout en finesse sur lequel il anticipait le gardien Mario SebastianViera et le défenseur JoeBizera, pour dévier dans le fond des filets adverse une passe croisée de LuisFabiano.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, le peuple brésilien a été surpris par Adriano.

Carlos Albero Parreira :  » Je suis heureux pour lui car c’est un pari que j’ai gagné. Cela fait un an et demi que je le convoque en équipe nationale et je ne compte plus les critiques que cela m’a values. Je pense que maintenant tout le monde aura compris pourquoi j’ai placé tant de confiance en lui « .

Depuis qu’il a inscrit trois buts au Costa Rica, les supporters brésiliens l’ont surnommé l’ Empereur du Pérou. Car avant lui, seul Pelé, voici 45 ans, avait marqué à trois reprises au cours d’une rencontre de Copa America. Le lendemain de ce succès, le 13 juillet, tous les journalistes brésiliens voulaient savoir comment il avait fait. Si la question -Depuis quand es-tu devenu aussi fort ? fuse d’emblée, la réponse est, elle, moins prompte :  » Beh, je crois que c’est vous qui ne me connaissiez pas. En Italie, j’ai déjà réussi des choses semblables. Finalement, cela me fait plaisir que vous m’ayez découvert. Pelé ? Non, s’il vous plaît ne faites pas ce genre de comparaisons. O Rey et Ronaldo sont inégalables tant ils ont réussi des choses extraordinaires. Moi, je dois encore travailler beaucoup et me perfectionner mais, c’est vrai, je veux monter haut, près de ces noms. Il y a une chose qui me rend particulièrement heureux, c’est l’amitié de Ronaldo qui dure depuis longtemps. Pour moi, c’est un honneur d’être son remplaçant en équipe nationale. A ses côtés, j’ai l’occasion d’apprendre tant de choses « .

Champion du monde -17 ans

Pour ses trois buts contre le Costa Rica, Adriano fut l’homme du match et gagna une télévision :  » Je l’ai immédiatement offerte à ma mère « , lança-t-il avant de commenter ses trois buts :  » Le premier est l’un des plus beaux que j’aie inscrits dans ma vie : j’ai réussi un contrôle extraordinaire grâce auquel j’ai pu éviter le gardien et tirer en force. Le second, je l’ai marqué de la tête. Dans ce domaine, je progresse énormément. Je suis grand (1,89 m-87 kg) et il serait stupide de ne pas profiter de mon gabarit quand le football devient de plus en plus basé sur le jeu aérien. Le troisième but a été plus chanceux : le ballon est arrivé trop fort, a frappé ma jambe droite et a rebondi sur le défenseur avant de revenir dans mes pieds. Cela n’a pas été un beau but mais il a été important puisqu’il m’a permis de réaliser un triplé historique… Au Brésil c’est ainsi, tu marques un goal et on t’emmène au paradis ; le lendemain tu joues mal et on te jette en enfer. C’est une chose que je n’aime pas. Je préfère le système italien où avant de te condamner, on te donne quand même une deuxième chance « .

Leite Ribeiro Adriano (22 ans) a été champion du monde des -17 ans en 1999 avant d’être titularisé en 2000 en équipe Première de Flamengo (32 matches, 10 buts). Il débuta un second championnat (13 matches, quatre buts) avant de rejoindre la Fiorentina en janvier 2001. Le costaud de Flamengo s’est distingué en égalisant à Chievo à la 90e minute (2-2) et en recommençant une semaine plus tard, toujours à la 90e, contre l’AC Milan (1-1). Toutefois, l’homme de Rio ne fit jamais l’unanimité autour de lui. Ironiquement, les supporters florentins disaient qu’il fallait lui laisser un ballon pour lui tout seul. Malgré cet égoïsme et une certaine immaturité tactique, Adriano a été acheté par l’Inter. Peu aligné (8 matches), il acceptait d’être prêté à Parme en janvier 2002, un club en pleine restructuration à l’époque, qui avait décidé de se débarrasser de toutes ses stars ( Hernan Crespo, FabioCannavaro, Lilian Thuram, Pirluigi Buffon…). Sous le maillot de Parme, Adriano a fait pas mal de chemin. Cette force de la nature s’est montrée nettement moins indisciplinée. Probablement que la prise en main de ClaudioPrandelli, un véritable éducateur qui, avant de passer cette saison à l’AS Rome, avait toujours travaillé avec des noyaux très jeunes, doit y être pour quelque chose.

En janvier 2004, Adriano est revenu à l’Inter. Le club ne tournait pas bien et les polémiques minaient l’ambiance. Mais grâce à neuf buts dont quelques véritables bijoux en 16 matches, le club milanais parvenait à décrocher un ticket pour la phase préliminaire de la Ligue des Champions.

Luis Fabiano, o Fabuloso

Dans cette équipe du Brésil expérimentale ( Roberto Carlos, Ronaldo, Ronaldinho, Cafu, Juninho, Dida, Edmilson, entre autres, n’étaient pas présents), un second joueur a fait beaucoup parler de lui : Luis Fabiano Clemente. Le simple fait de signaler que cet attaquant de 23 ans est surnommé, o Fabuloso, donne déjà une certaine indication sur son talent. Pourtant quand, à la dernière minute de la première rencontre, il donna la victoire à son équipe d’un superbe coup de tête, il n’empêcha pas les supporters brésiliens de siffler la Seleçao. En effet, celle-ci avait mal joué et l’attaquant n’avait guère été brillant non plus. En fait, c’était le Chili qui avait hérité de la plus belle occasion lorsque l’arbitre lui accorda un penalty assez douteux. CristianRodriguez transforma le penalty mais, l’homme en noir lui fit recommencer le tir et le centre-avant chilien le manqua. Et ce n’était pas tout : en fin de rencontre, le Chili a terminé à neuf : les trois changements ayant été effectués, le défenseur MoisesVillarroel est sorti sur une civière et l’attaquant HectorMancilla était en train de se faire soigner sur le bord de la touche quand Luis Fabiano a marqué.

Même si, depuis, il a réussi d’autres beaux gestes techniques, Luis Fabiano fait beaucoup parler de lui pour d’autres raison : son transfert en Europe. D’ailleurs, le jeudi 8 juillet, jour du premier match, n’avait pas très bien débuté pour l’attaquant de Sao Paulo. Le matin même, Carlos Alberto Pareira, l’avait surpris en train d’annoncer à certains membres de la délégation qu’il avait signé son contrat avec Barcelone. Le sujet transfert étant absolument interdit, le coach passa un fameux savon au joueur qui, selon ses proches, a été perturbé au point de se présenter sur le terrain avec la tête ailleurs.

Une chose est claire : la course à Luis Fabiano fait des ravages. Les dirigeants de Sao Paulo ont vite relancé les débats en prétendant qu’ils n’avaient pas vendu leur joueur et parlent d’offres insuffisantes toutes deux refusées : celle de Barcelone qui aurait proposé six millions d’euros directement et quatre l’année prochaine et celle du CSKA Moscou (12 millions). Mais à Arequipa, une ville située à 2.500 m d’altitude où séjournait la Seleçao, on a souvent vu Pepe Costa, le représentant du Barça. Et ce n’était pas tout, toujours selon le club, le Betis, Chelsea et Porto ont également effectué une proposition mais, comme ils sont restés sous la barre des 15 millions, les dirigeants de Sao Paulo ont décidé de ne pas donner suite à tout cela, pas plus qu’aux simples demandes d’informations émanant de la Juventus, Milan et la Fiorentina.

En fait, les dirigeants de Sao Paulo ne jouent pas contre la montre : certes l’argent du transfert les arrangerait bien mais, comme le joueur est encore sous contrat avec eux jusqu’en 2008, ils aimeraient bien toucher les 20 millions prévus en cas de rupture de contrat.

Une psychologue pour canaliser sa rage

Luis Fabiano est un guerrier, qui ne se rend jamais, et, en plus un goleador né. Sa carrière professionnelle a débuté fort tôt. A 18 ans, il était professionnel chez Ponte Preta, un des deux principaux clubs (l’autre étant Guarani) de Campinas, la ville où il est né en novembre 1980. Careca, l’ex-attaquant vedette de la Seleçao, l’a rapidement pris sous sa protection. A l’époque, Luis Fabiano vivait dans le quartier de Proença, près de la jeune fille qui allait devenir l’épouse de Careca. Luis Fabiano résidait là avec son grand-père : il n’avait jamais connu son père.

Il était tellement fort, que des visionneurs français firent tout pour emmener avec eux ce joueur avant qu’il ne coûte trop cher. Luis Fabiano se retrouva à Rennes où l’aventure ne se déroula pas trop bien :  » Il était trop jeune pour tenter une telle expérience « , commente Careca.  » Il ne pouvait pas s’habituer à un monde complètement différent en un instant sans y avoir été préparé « .

Ceci dit, cela a sans doute fait un bien fou au joueur de rentrer rapidement au pays et surtout d’avoir atterri dans un grand club : Sao Paulo. Après une première saison 2001 en demi-teinte (22 matches, 9 buts), il explosait carrément (23 matches, 19 buts en 2002 ; 34 matches, 29 buts en 2003).

S’il s’est encore bonifié sur le plan technique, il a surtout progressé sur le plan psychologique. Car jusque-là, Luis Fabiano ne s’était pas uniquement distingué par ses buts : c’était aussi un spécialiste des cartons rouges, des bagarres avec les arbitres et les adversaires et des crises de nerfs. Désormais, tous ces épisodes appartiennent au passé : dans le but de canaliser sa rage, il a été suivi par une psychologue, ReginaBrandao. Avec son 1,80 m et ses 78 kg, Luis Fabiano n’est pas un char du style Adriano. Son gabarit ne l’empêche pas de protéger le ballon avec une grande facilité et de dévier de la tête les centres qui lui sont adressés. Il utilise principalement le pied droit mais il marque aussi régulièrement avec le gauche. Ses buts ne sont jamais banals. Ainsi contre le Paraguay, il se trouvait démarqué sur le flanc droit du grand rectangle adverse, a contrôlé le ballon qui lui est parvenu en un temps et, dans le même mouvement, l’a amené avec lui quasiment sur la ligne de fond. De là, d’un angle pratiquement fermé, il a donné une sorte de petite claque du pied au ballon qui est allé se loger sous la barre transversale sans que le gardien adverse ait eu le temps de remarquer la boucle d’oreille qu’il porte au lobe de l’oreille droite. Fabuloso.

Nicolas Ribaudo, avec ESM

 » Je suis l’ami de Ronaldo. Etre son remplaçant EST UN HONNEUR  » (Adriano)

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