LES EFFETS PERVERS DE LA FORMATION

Sans jouer au Nostradamus, les médias européens devraient vous servir, à l’approche de l’EURO, des sujets autour de la belle histoire nord-irlandaise, première de son groupe qualificatif avec un attaquant anciennement gardien et ses joueurs évoluant dans les séries inférieures, ou du miracle islandais, ses terrains indoor, ses 20.000 affiliés et, bien sûr, une pelletée de reportages sur le  » phénomène Diables Rouges  » dont le buzz s’est encore épaissi grâce à notre surprenante première place au classement FIFA.

Avec, en suspens, cette éternelle question : mais comment ce petit village gaulois fait-il pour rivaliser avec les mastodontes étrangers ? Récemment Canal+ France s’est intéressé  » aux racines des Diables  » dans l’émission Enquête de foot, à travers un long documentaire fouillé sur la formation de nos jeunes, devenu véritable parangon en la matière.

Vous trouverez toujours des esprits chagrins pour nous bassiner que cette génération dorée n’est qu’un gros concours de circonstances et que la suite s’annonce moins rose mais, malgré eux, comment ne pas se féliciter de la santé de notre foot ? Jamais notre pays n’a connu une telle concentration de talents. C’en est même irrationnel pour une nation si petite et si complexe politiquement.

Cette anomalie, on la doit à un label de qualité bâti sur les cendres du fiasco de l’EURO 2000 et d’une remise en question qui a porté ses fruits au Standard, Anderlecht, Genk en attendant une probable récolte à Bruges, Gand voire Charleroi. On n’oubliera évidemment pas de souligner les voies prises par les Hazard, Mirallas, Alderweireld, Vertonghen, Vermaelen, Carrasco, MusondaJr, partis faire parfaire leur formation à l’étranger dans les instituts les mieux cotés.

Aujourd’hui, ce label  » jeunes  » fait même figure de référence dans des pays footballistiquement émergents comme l’Autriche, voire dans des pays de tradition comme l’Italie et l’Angleterre, où la Belgitude est quasi vénérée. Un succès d’estime qui conduit malheureusement à des effets pervers. Désormais, les agents et scouts de tous pays s’agglutinent autour de nos sélections de jeunes.

Le jeune Belge est aujourd’hui un produit qui rapporte, aux agents, aux parents, et à nos clubs, même si ceux-ci s’estiment souvent lésés d’avoir accompli 90 % du travail de formation avant de plier devant le pouvoir de l’argent. On en oublierait presque qu’on est toujours le pauvre de quelqu’un. Car chez nous aussi le plus grand pille les plus petits et se bagarre avec ses adversaires directs à coups de promesses, de maison et voitures pour les parents et commissions pour les agents. Gentleman’s agreement bonjour.

Au Standard, comme à Anderlecht, la formation est présentée comme la seule et unique voie pour tenter de lutter avec les puissants. Mais chez l’un comme l’autre, les plus beaux fleurons migrent très tôt vers l’étranger. A Anderlecht, on se félicite pourtant d’aligner des Tielemans, Praet (pour rappel piqué à Genk) ou Dendoncker de concert, labellisés mauves et à haute valeur marchande. Et puis, quand ça va moins bien, le jeune est le coupable idéal : trop dilettante, léger, manquant de planches.

A Anderlecht, ça manquait même  » de poil au menton  » dixit Defour qui sait de quoi il parle. Alors, on injecte du muscle et de l’expérience durant l’hiver. Pour en arriver au même constat : le néant ou presque quand il s’agit de construire de derrière, de créer du mouvement, de l’animation. Deux ans de galère sauvés par des rencontres européennes ou quelques sommets en Belgique, ou le chaos tactique règne à l’image du match héroïque à l’Olympiacos. Mais cela a ses limites. Et elles sont criantes. Et si, enfin, on se posait la question du fond de jeu à Anderlecht ?

PAR THOMAS BRICMONT

Et si on se posait enfin la question du fond de jeu à Anderlecht ?

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