Les effets du pop-corn

Bernard Jeunejean

Il aurait suffi de presque rien, peut-être trente années de moins, pour que je sois (totalement au point de mépriser le foot pour elle) zamoureux de Scarlett Johansson : le coup (de foudre, pas de coin) a eu lieu voici trois ans, durant les 90′ de Lost in translation, film de Sofia Coppola beau comme la vie qui s’égrène, et où – coïncidence – l’acteur principal flashant sur Scarlett ( Bill Murray) me battait au moins par 28 rides à 15… Dès lors, en apprenant récemment que la Scarlett irradiait dans son dernier film, que celui-ci était de Woody Allen, que le titre était Match point et qu’il y était question d’un champion de tennis raté devenant prof pour riches, cela faisait plusieurs bonnes raisons d’aller bouffer du pop-corn en salle obscure.

J’y suis allé et je confirme, en bon supporter d’elle que je suis, Scarlett valait à elle seule mon déplacement !… A elle toute seule, car si c’est le film d’un gars qui fut peut-être jadis Allen et génial, le réalisateur n’est ici que le pro routinier d’un thriller bien foutu mais convenu. Et puis, moi qui aime les fictions à thématique sportive, je me suis fait rouler dans la farine : on ne voit le prof de tennis sur un court que lors d’une courte séquence au début ! Et surtout, surtout, alors qu’il est censé interpréter le rôle d’un surdoué de la raquette, Jonathan Rhys-Meyers a bousillé mon moral et l’écran avec des coups de poignet de C30,2 ! Cela, ça me tue dans tous les films sportifs : si l’acteur n’est pas gestuellement crédible un minimum, l’intrigue va me sembler plate et le pop-corn me rester en travers de la gorge.

A tout prendre et pour rester dans le filet et les histoires de smashes, je préférais de loin Wimbledon voici quelques mois, un film de Richard Loncraine dont l’idée un peu bébête était de faire tomber amoureux, en plein tournoi, un trentenaire sur le retour, 100e mondial n’ayant jamais rien gagné, et une ambitieuse gonzesse de 20 qui aimait la gagne mais pas que ça.

L’actrice jouait comme un manche, de raquette évidemment. Mais le gars ( Paul Bettany) compensait largement par un touché de balle qui devait bien valoir celui de Pierre-Yves Hardenne (lequel est B-2,6 : ce qui n’est pas rien). L’histoire était aspergée d’humour à l’eau de rose, gentillette mais bien agréable, au point de hausser dans mon estime les comédies dites sans prétention. Toujours est-il que ma femme et moi avons vidé le grand sachet de pop-corn de concert, sans nous engueuler ni nous emmêler les pinceaux, et sommes ressortis détendus, plus gentils qu’en entrant.

Tant que nous y sommes, un jour prochain où vous serez dés£uvrés pour cause de match remis, vous pouvez aussi regarder Bobby Jones, naissance d’une légende de Rowdy Herrington : c’est la biographie romancée d’un gars qui fut la star du golf entre 1923 et 1930.

Le jeu d’acteur de Jim Caviezel donne une épaisseur intéressante à celui qui reste comme l’amateur du siècle : Bobby Jones, compétiteur marginal et tourmenté, aimait le jeu davantage que ses à-côtés, refusa de passer pro mais battit tous les pros… Et rien à signaler rapport au pop-corn, j’ai vu ça chez moi en DVD.

Mais de tous les films vus récemment, celui qui m’est apparu le plus sportif dans l’âme ne l’était, curieusement, pas a priori. Dans Michael Blanco, son premier long-métrage flirtant entre documentaire et fiction, le Bruxellois Stephan Strecker, par ailleurs journaliste sportif à ses heures et qui collabora à S-FM, narre l’arrivée à Los Angeles d’un jeune acteur belge ( Michael Goldberg, époustouflant) prêt à bosser dur (comme des milliers d’autres…) pour devenir une star à Hollywood. Formellement léché tel une passe longue de Walter Baseggio, le film n’est pas que cela : pour ceux comme moi que le sport branche, il devient surtout parallèle troublant des trajectoires et illusions, qu’elles soient d’acteur ou de sportif.

Des deux côtés, le caractère statistique inéluctable (multitude d’appelés, poignée d’élus) n’empêche en rien la ténacité pour apprendre, l’enracinement des rêves de gloire, la candeur renouvelée d’y croire, les grands découragements et les petits bonheurs, jusqu’au corps un peu maso que dompte l’entraînement… Un beau film différent, pas rigolo, sans envie de grignoter.

bernard jeunejean

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