Les droits exclusifs de retransmission télévisée

En juillet dernier, le Commissaire européen chargé de la concurrence, Mario Monti, a adressé à l’UEFA une communication de griefs concernant les droits de retransmission télévisée des matches de la Ligue des Champions.

Plus précisément, la Commission Européenne considère que la vente des droits de la Ligue des Champions en exclusivité à un seul radiodiffuseur par territoire pour une période couvrant plusieurs années, ne respecte pas le principe fondamental de libre concurrence, en ce que ce système de « vente en commun » vient avantager l’accès au marché des grands et puissants groupes médiatiques, avec le spectre de voir à l’avenir ceux-ci acquérir une position dominante collective au détriment de leurs concurrents plus petits. Or, en régime de libre concurrence telle que voulu et organisé par le Traité de l’Union Européenne, la sacro-sainte règle est de permettre à chaque opérateur économique considéré individuellement d’accéder de façon égale à un marché.

Pour comprendre cette prise de position officielle de la Commission Européenne, un rappel historique s’impose.

Au début des années 1990, la Commission eut déjà l’occasion de se pencher sur le cas de l’UER (Union Européenne de Radiodiffusion), association professionnelle indépendante créée en 1950 par des organismes nationaux européens et africains de radiodiffusion sonore et télévisuelle, gérant le réseau Eurovision et pratiquant un système d’achats collectifs pour l’acquisition des droits de radiodiffusion d’événements sportifs ou autres via la mise en commun des ressources de ses membres.

Indubitablement, ce système d’achats collectifs renforçait le pouvoir de négociation de l’UER, au détriment de ses concurrents qui ne tardèrent pas à alerter la Commission Européenne arguant d’une violation des règles de concurrence. Cette situation déboucha sur deux dossiers:

Plainte déposée en 1987 par la société britannique Screensport pour qui le système d’achats collectifs pratiqué par l’UER ne lui permettait pas de disposer d’un accès équitable au marché de radiodiffusion des événements sportifs. Finalement, le litige fut réglé à l’amiable, mais non sans que la Commission Européenne, en juin 1993, estime qu’il y avait effectivement une restriction de la concurrence affectant le commerce entre Etats membres;

Enquête de la Commission sur base de l’article 85, al. 3 (ancien) du Traité de l’Union, quant à la conformité du système d’acquisition de droits exclusifs de retransmission par l’UER à la politique communautaire de la concurrence. Aux termes de négociations au cours desquelles l’UER a adouci les conditions de cession de ces droits de retransmission exclusifs à des opérateurs non membres, la Commission Européenne a validé formellement le système précité en exemptant la restriction de concurrence qu’il entraîne de l’application de l’article 85, al. 1er (ancien) du Traité de l’Union Européenne, qui prohibe tout accord entre entreprises ou toute décision d’une association d’entreprises ayant un effet restrictif sur la concurrence au sein de l’Union (décret 93/403/CEE de la Commission, affaire n°V/32.150).

A la lumière de ce qui précède, un constat fondamental apparaît: pour la Commission Européenne, un système de droits exclusifs de retransmission n’est pas en soi contraire aux règles de concurrence, même si la durée et la portée de l’exclusivité ainsi achetées peuvent avoir un effet négatif sur la concurrence. La récente communication des griefs s’inscrit parfaitement dans cette logique.

Luc Misson

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