Les Dragons rêvent de Chievo

Pierre Bilic

Le patron sportif de Mons estime qu’une élite à 14 enlèverait à son club sa chance d’évoluer en D1.

La Grand-Place de Mons est magnifique et rappelle que la région fut autrefois prospère. Sous la direction d’ Elio Di Rupo, bourgmestre et président du Parti Socialiste, la ville du célèbre Doudou tente de retrouver le chemin du succès.

Le basket est un des vecteurs de communication de ce dynamisme retrouvé: Mons enfile les paniers en D1. L’Albert Elisabeth Club en fera-t-il bientôt autant en décrochant l’honneur de jouer parmi l’élite?

« Nous l’espérons de tout coeur et travaillons beaucoup pour mériter cet honneur », dit Geo Van Pyperzeele, 54 ans, président du Comité Sportif de l’AEC Mons, membre du Conseil d’Administration. Ancien joueur et coach des Dragons, diplômé de l’école des entraîneurs du Heysel, gérant de sociétés et de deux établissements horeca, directeur d’un centre sportif régional (le PHASE), il estime que la montée en tours de son club mérite l’intérêt.

« Mons en D1 serait magnifique pour nous mais provoquerait aussi, je crois, une bouffée d’air frais pour la D1 », lance le Montois. « Je ne comprends pas que certains tentent de fermer les portes de la D1. La consanguinuité n’est jamais bonne. Alors, à force de se croiser et de se recroiser, les heureux élus banaliseraient vite les affiches. En Italie, Chievo Vérone suscite la sensation. Une aussi belle aventure sportive ne serait pas envisageable dans un Calcio amaigri. Chievo étonne et tous les petits clubs rêvent d’en faire autant. Manchester United suit le gardien de Chievo: le football serait perdant si on interdisait aux petits d’épater, de goûter à la D1.

Moi, je ne crois pas du tout au succès des playoffs en football: ce ne sont que des « trucs » bizzaroïdes pour créer une caste d’intouchables. Mons n’a jamais joué au plus haut niveau du football belge. Toute la région en rêve. Ce serait notre Ligue des Champions à nous. Mons a les moyens de devenir le Westerlo du Hainaut car il y a de la place entre La Louvière et Mouscron ».

Un club sain

Une montée des Dragons complèterait la carte du football sur la dorsale wallone, de l’est à l’ouest, avec une seule absence: Namur. Après le départ de la présidence de Maurice Lafosse, l’ancien bourgmestre (PS) en désaccord sur toute la ligne, surtout politique, avec Elio Di Rupo, Mons s’est bien installé en D2.

Une ascension exigerait plus de moyens financiers. Or, ce coin de Belgique a-t-il une surface financière, sportive et populaire de niveau suffisant pour l’élite? Inutile de préciser que la direction de Mons mesure l’importance du réseau relationnel du maire au « noeud pap' ». Elio Di Rupo, actuellemnt administréateur, deviendra-t-il le Detremmerie de l’AEC de Mons?

« Nous avons d’abord un club sain », précise Van Pyperzeele. « Pas de dettes, une organisation qui tient la route sur la plan sportif et administratif notamment. Mons ne cesse de progresser. En D2, nous avons actuellement un budget qui tourne autour des 55 millions. Nous entretenons des contacts étroits avec tous les secteurs de la vie économique. Mons, ce n’est pas le Texas mais, en D1, nous pourrions doubler cette enveloppe et tourner avec près de 120 millions. Le sponsoring serait forcément en hausse comme le nombre de spectateurs. Les droits de télévision mettraient du beurre dans les épinards. Actuellement, nous accueillons un peu plus de 3.000 spectateurs pour chaque match à domicile. Ce nombre serait facilement multiplié par deux en D1. L’attente du public est assez énorme. Ce serait historique pour un coin de Belgique comptant 120.000 habitants ».

Geo Van Pyperzeele estime que son club fait déjà partie du véritable top 18 belge. Alost et Beveren ont des problèmes financiers sans nom. Leur trésorerie est nettement moins fringante que celle de l’AEC Mons qui, contrairement à eux, aurait un budget de D1.

« Il faut d’abord mériter la montée sur le terrain », ajoute Van Pyperzeele. « Quand ce sera fait, le reste sera forcément plus facile ».

Mais Mons s’inquiète en suivant les débats et échanges d’idées qui annoncent une fameuse cure d’amaigrissement de la D1.

« A 14, cela deviendrait beaucoup plus difficile pour nous car il n’y aurait plus de place pour les budgets dits moyens », affirme le patron sportif de Mons. « Une élite à 14 tuerait beaucoup de beaux rêves. Les petits clubs ont aussi leur utilité. Une foule de jeunes se révèlent dans le ventre mou de la D1. A 14 clubs, il y aurait moins de débouchés pour eux ou pour les coaches belges.

On prétend que la D2 doit être requinquée. Très difficile: les médias ne tournent leurs regards que vers la D1. En décembre, nous avons battu Malines sur son terrain au terme d’un match assez mémorable. C’était l’affiche de la journée mais nous n’avons pas eu droit à une seule image télévisée. Je ne peux que le regretter vivement. C’est dire si une promotion serait intéressante en fin de saison ».

Identification entre Mons et le Borinage

Mais quid si la Ligue Pro impose sa D1 à 14? « Nous tenterions malgré tout notre chance », raconte Geo Van Pyperzeele. « Pour tenir la distance, il s’agira alors de trouver des alliances et la solution passerait, je pense, par des fusions. Dans ce cas-là, il s’agira de tourner la tête vers le Centre et, bien sûr, le Borinage, si proche de nous ». Van Pyperzeele ne prononce le nom d’aucun club mais on devine qu’il s’agit de La Louvière et des Francs Borains. Le stade du Tivoli n’est situé qu’à 25 kilomètres de Mons. L’identification de Mons et du Borinage (Francs Borains) semble tout de même plus naturelle. L’idée d’un rapprochement entre les Loups et les Dragons avait déjà été abordée par Filippo Gaone. Elle a été mise au frigo.

« En réalité, l’AEC doit devenir l’ambassadeur de toute la région », dit Geo Van Pyperzeele. « C’est possible dans un rôle très fédérateur. Mons ne doit pas du tout écraser les petits clubs de notre entité. Il y a beaucoup de jeunes talents chez nous. Mais le blé qui lève s’évapore. Pour éviter cela, il conviendrait de regrouper tous les jeunes des clubs montois et borains. Non pas dans un seul centre mais à différents endroits très bien équipés: les Cadets à Havré, les Scolaires dans un autre club, etc. Chaque village a son club. Cela se respecte. Il y a beaucoup d’églises chez nous mais il faut une belle cathédrale en D1: l’AEC Mons ».

Même si Mons progresse, il y a eu des problèmes cette saison. Ainsi, Thierry Pister fut sérieusement inquiété. Il redressa la barre au cours du mois de décembre.

« Mons ne dévore pas ses coaches », dit tout de suite Geo Van Pyperzeele. « Il était important que l’AEC se forge une réputation de club sérieux. En gardant notre calme, et en étant derrière Pister alors que le temps était à l’orage, nous avons prouvé que Mons était devenu un club sage, stable, calme, certain de ses choix et de sa politique. Les sponsors n’aiment pas la révolution permanente car ce n’est pas rentable à long terme. Or, nous songeons à l’avenir, pas uniquement à ce qui pourrait se passer demain. Si on monte en D1, ce sera calmement afin que ce ne soit pas un voyage sans lendemain. Cette sérénité garantit notre stabilité. Si je soutiens Thierry Pister, cela ne veut pas dire que nous n’avons pas de discussions.

Cela chauffe parfois car Thierry Pister a des idées solidement arrêtées. Je le trouve parfois assez têtu mais l’homme est très intelligent. Sa jeunesse est un atout car il est parfaitement en phase avec son vestiaire. Il parle le langage des jeunes joueurs de cette époque. Il bavarde, motive, entretient les contacts avec tout le monde. Un jeune entraîneur est forcément fougueux.

Il avait réussi une belle première saison en D2. Mons participa au tour final et nous avons beaucoup appris. La D2 a ses spécificités avec un jeu généralement très défensif. Les grosses équipes songent d’abord à se défendre, à ne pas encaisser de buts, à s’exprimer en contres. Tout y est finalement très réaliste. Thierry Pister s’était mis beaucoup de pression en affirmant en début de saison que Mons visait le titre et rien que le titre. Or, Malines entama le bal sur un rythme endiablé et il y a eu des doutes.

Thierry voulait y arriver via un football très offensif. Le recrutement a été fait dans cette voie-là mais il s’avéra finalement que l’équipe était déséquilibrée. Elle était fragile à la récupération et la nouvelle division offensive tardait à trouver ses marques. Je n’étais pas intervenu au début de la campagne des transferts en été mais je l’ai fait récemment, dans le cadre de mes prérogatives, en oeuvrant pour le retour de Romuald Petit. Il n’avait pas trouvé ses marques du côté de Charleroi. Au Sporting, Enzo Scifo et Lucien Gallinella, avec qui j’ai joué à Havré, ont très gentiment coopéré à la réalisation de ce transfert. L’équipe tiendra mieux la route avec Petit. Et je crois que les succès de décembre, dont celui à Malines, ont déstressé tout le groupe. Il y a eu un déclic mais on ne parle pas du titre. Il ne faut pas écraser le groupe sous le poids des responsabilités. On fera les comptes en fin de saison. Malines a ses problèmes et on raconte que le président pourrait ne plus être aussi généreux. Tout le monde a ses problèmes ».

Mons doit s’inspirer de l’exemple français

Il y a quelques semaines, une rumeur circula près du Doudou: Daniel Leclercq allait-il prendre la succession de Thierry Pister?

Geo Van Pyperzeele ne cache pas qu’il rencontra plusieurs fois le Druide. Dominique Cuvelier, ancien entraîneur des jeunes de Mons et de la Réserve de La Louvière, les mit en contact.

« Le but n’était pas du tout de remplacer Pister », souligne le dirigeant de l’AEC Mons. « Je voulais rencontrer Leclercq afin de parler de football. Ce furent de bonnes discussions, rien de plus. Mons doit s’inspirer aussi de ce qui se passe en France et un club comme Lens n’est pas loin. On apprend des tas de choses en écoutant attentivement les autres ».

Van Pyperzeele répète que sa confiance à l’égard de Thierry Pister était restée intacte dans le creux de la vague: « En D3, une année, je me souviens que James Storme a perdu six matches alors que l’AEC Mons était impliqué dans la lutte pour le titre. Nous ne l’avons pas défenestré et cette attitude dans la difficulté donne finalement un reflet exact de la valeur d’un club ».

Pierre Bilic

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