Les dents de Maria

La Russe Sharapova est la leader de la nouvelle génération

New York 2006. Finale de l’US Open. Maria Sharapova sort le grand jeu. Classée quatrième joueuse mondiale, la Russe prend la mesure de Justine Henin, alors deuxième, sur le score sans appel de 6-4 6-4. Sur la route de cette finale, Sharapova n’avait perdu qu’un seul set, face à la première tenniswoman de l’époque, la Française Amélie Mauresmo… à qui elle infligea un cinglant 6-0 dans l’ultime manche. Après cet US Open, Sharapova ne perdra plus un seul match avant de se présenter au Masters. Victorieuse des tournois de Zürich et de Linz, elle faisait figure de méga favorite de l’ultime épreuve 2006. En demi-finales, elle s’inclinera pourtant en deux sets face à… Justine Henin qui, le lendemain, remportera son premier Masters.

Reste que, fin 2006, alors qu’elle n’avait encore que 19 ans, Sharapova était considérée comme l’évidente dominatrice de la saison 2007. Laquelle commença d’ailleurs relativement bien. En l’absence de Henin, elle se hissa en finale de l’Australian Open où, à la surprise générale, elle fut battue par la revenante américaine Serena Williams. La suite de la saison allait être nettement moins rose puisque la Russe s’inclina en demi à Roland Garros, en huitièmes à Wimbledon et en seizièmes à l’US Open. Elle retrouva certes des couleurs au Masters où elle offrit un des plus beaux matches de l’histoire du tennis féminin en finale face à Justine qui s’imposa au terme de trois sets étincelants.

Melbourne 2008. Quarts de finale de l’Australian Open. Maria Sharapova sort le grand jeu. Classée cinquième joueuse mondiale, elle balaye Justine Henin sur le score sans appel de 6-4 6-0. Sur la route de ce quart de finale, Sharapova n’avait laissé que quelques miettes à ses adversaires, dont les pourtant talentueuses Lindsay Davenport (USA, actuellement WTA 51) et Elena Dementieva (RUS, WTA 11). Après avoir éliminé la première mondiale, elle se jouera encore des quatrième et troisième joueuses mondiales, les Serbes Jelena Jankovic et Ana Ivanovic.

Ces deux tournois – US Open 2006 et Australian Open 2008 – sont à la fois semblables et différents. Semblables parce qu’ils ont permis de voir Sharapova mener de bout en bout. Ne jamais douter d’elle-même, ni de son jeu. Or, avec la puissance de ses armes – coup droit et revers, le service étant moins performant -, le fait d’être devant les autres lui confère une confiance absolue. Seule arme pour ses adversaires : la faire douter. En quarts de finale, Justine Henin était à deux doigts de renverser la vapeur. Menée 5-2, elle reviendra à 5-4 et aura la possibilité de recoller au score. Si elle l’avait fait, il y a fort à parier que Sharapova se serait posé des questions, comme elle l’a si souvent fait au cours des neuf duels avec la Belge (6-3 en faveur de Justine). Mais voilà, il était dit que, cette année, du côté de Melbourne, Sharapova ne tremblerait pas. Elle est restée devant tout au long de la quinzaine…

La différence, entre l’US Open et l’Australian Open, réside dans l’âge de Maria Sharapova. Il y a deux ans, forcément, elle était encore une teenager talentueuse mais incapable de gérer ses émotions. Cette année, elle fêtera ses 21 ans le 19 avril. Elle aura l’âge de la maturité. Forte de ses victoires à Wimbledon (2004), l’US Open (2006) et l’Australian Open (2008), elle devrait être capable de se préparer à reprendre le flambeau. Autrement dit, elle pourrait tout doucement devenir la rivale principale de Justine Henin dont elle devrait prendre la place de leader mondiale dans les années à venir. Pas tout de suite, car si le score de ce quart de finale était sévère, il ne remet pas en cause la domination actuelle de Henin. N’oublions pas que la Rochefortoise n’avait plus connu la défaite depuis la demi-finale de Wimbledon et qu’elle avait ensuite aligné 32 succès d’affilée, remportant entre autres le Masters et l’US Open. Connaissant sa force de caractère et sa capacité à analyser les défaites, le prochain duel qui l’opposera à Sharapova vaudra la peine d’être vécu. D’autant que la Russe devra alors confirmer son succès australien, se plaçant de la sorte dans la peau de la favorite plutôt que dans celle de l’outsider, situation nettement plus délicate.

Les véritables grands rendez-vous 2008 seront bien Wimbledon et Roland Garros, où Sharapova tentera de remporter le seul tournoi du Grand Chelem qui lui manque. Londres, où Henin essayera de triompher dans le seul tournoi du Grand Chelem qu’elle n’a pas encore gagné… Le suspense sera torride d’autant que l’une, Henin, est la reine de la terre et que l’autre, Sharapova, dispose d’un jeu terriblement efficace sur gazon.

Pendant encore quelques années, le circuit féminin devrait vivre au rythme des duels entre la Russe et la Belge. La première est la principale candidate à la reprise du trône convoité par la nouvelle génération et l’Australian Open a marqué un début de fin de règne. En demi-finales, on y a retrouvé quatre joueuses de moins de 25 ans, Sharapova et Ivanovic ont 20 ans, Jankovic, n’en a que 23 ans pour 24 à Daniela Hantuchova (SLO, WTA 9). Les plus âgées ont quant à elles été éliminées plus vite que d’habitude. On pense à Mauresmo (bientôt 29 ans), Venus Williams (28), Serena Williams (27) et Justine qui aura 26 ans le 1er juin. Ce ne sont plus les quasi-trentenaires qui feront régulièrement de l’ombre à Justine mais bien les jeunes femmes de 20 à 25 ans. La vie est cruelle.

Cet Australian Open a donné une assez fidèle image de ce que devrait être le tennis féminin à l’aube des années 2010-2012. Qui sont à la fois très proches et très lointaines tant le tennis féminin peut générer des disparitions suivies de retours au premier plan.

par patrick haumont – photos: reuters

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