Les dangers de Pékin

Dans la chaleur et l’humidité de… Louvain, les candidats au voyage olympique se sont testés.

Le préparateur physique des Espoirs, Mario Innaurato, a assisté aux tests et collecté les données sur son ordinateur.  » En fait, les tests sont surtout centrés sur la course alors que je propose un petit test de force, avant et après l’effort, pour voir les différences entre un athlète qui n’est pas encore chaud et un athlète qui est chaud mais fatigué par l’effort « .

Le compte à rebours a commencé. Si la participation de l’équipe olympique semble perturber beaucoup de monde, à commencer par les clubs qui ne sont pas habitués à devoir libérer certains de leurs joueurs en juillet et en août, les responsables veulent préparer l’événement avec tout le sérieux voulu. Dès la fin de l’Euro 2007 des Espoirs, et la qualification acquise, des réunions ont eu lieu avec le COIB pour analyser les problèmes auxquels les footballeurs (et les athlètes en général) risquaient d’être confrontés.

Trois problèmes principaux ont été cernés :

e Le décalage horaire, qui ne peut être résolu qu’en partant plus tôt.

r La pollution, à propos de laquelle d’autres tests seront effectués plus tard en laboratoire à Bruxelles.

t La chaleur humide.

En ce qui concerne ce dernier aspect, les joueurs pressentis pour les JO ont été invités à se soumettre à une batterie de tests dans les laboratoires du Professeur Peter Hespel à Louvain, en fonction de leur disponibilité.

Un échantillon de transpiration est prélevé du front de Logan Bailly.  » Il y a des joueurs qui transpirent plus que d’autres « , constate le Professeur Hespel.  » Le minimum est d’un peu moins d’un litre par heure, mais certains dépassent les trois litres. Les athlètes qui transpirent beaucoup, et dont la concentration de sodium est forte, risquent des problèmes (de prestation mais aussi de santé) car leur masse sanguine diminue beaucoup à cause de la déshydratation « .

Le gardien de Genk Logan Bailly s’est soumis aux tests, comme les autres présélectionnés, mais avec un programme légèrement différent de celui des joueurs de champ. Ses tatouages ne sont pas passés inaperçus.  » Les deux étoiles préfigurent-elles deux titres de champion du monde ? », s’est demandé l’un des autres joueurs.

Une petite salle où les conditions climatiques que l’on rencontrera à Pékin en août ont été recréées : 33 à 34° et 70 % d’humidité.  » Les conditions seront encore plus pénibles en Chine que dans cette salle « , affirme Hespel.  » Car là-bas, en plus de la chaleur et de l’humidité, il y aura aussi l’irradiation solaire. Et si l’on joue le soir, la température dépassera toujours les 30° et le taux d’humidité… augmentera « .

Les retrouvailles sont l’occasion pour les footballeurs de se raconter les dernières nouvelles de leur club respectif. L’attaquant Jeanvion Yulu-Matondo annonce aux autres Espoirs que toute l’équipe de Roda JC partira une semaine à Majorque après la saison.

Sepp De Roover, le back droit de Groningue, dans la dernière ligne droite au bout de l’effort.  » Tous les joueurs portent le masque dans les derniers instants du test, lorsqu’ils sont soumis à l’effort maximal « , explique Hespel  » C’est destiné à déterminer le V02max. On veut savoir quelle est la condition des sportifs pendant un effort dans les conditions climatiques de Pékin « .

Il n’y a pas que les footballeurs qui ont été soumis à ce genre de tests.  » On les a effectués avec d’autres sportifs, mais seulement ceux pour lesquels la chaleur peut poser un problème. Ce n’est pas nécessaire pour les sprinters comme Kim Gevaert, par exemple. La chaleur n’est un problème que lorsqu’elle entraîne une déshydratation, c’est-à-dire une perte de plus de 2 % du poids corporel « .

Laurent Ciman, le défenseur de Charleroi, est préparé pour le test.  » On veut savoir plusieurs choses « , explique le professeur.  » Combien de litres les athlètes transpirent par heure, quel est le contenu de sodium dans la transpiration et jusqu’où la température corporelle augmente pendant l’exercice effectué dans la chaleur. Si la température monte à plus de 39°, il y a un problème « .

Faris Haroun, à droite, s’est soumis au test avec le sourire, suscitant l’admiration de ses partenaires.  » Le milieu de Genk plane, on dirait un athlète kenyan ! « , s’est exclamé l’un d’eux.

Selon Hespel, les joueurs d’origine africaine peuvent être avantagés.  » Mais seulement s’ils continuent à vivre en Afrique « , précise-t-il.  » S’ils vivent toute l’année en Belgique, et à fortiori s’ils sont nés en Belgique, ils sont habitués aux conditions que l’on connaît chez nous et on constate peu de différences avec les vrais Européens « .

Hespel analyse l’échantillon de transpiration d’un joueur. Lorsque toutes les données auront été analysées, les conclusions seront transmises au staff médical de l’équipe afin qu’on puisse prendre les dispositions nécessaires.

 » Aucun joueur ne sera complètement soustrait aux soucis d’acclimatation. Un des problèmes constatés est que tous les joueurs qui se sont soumis aux tests étaient, tous, sans exception, déshydratés au moment de commencer les tests. Beaucoup d’athlètes ne se rendent pas compte qu’ils ne boivent pas assez, surtout le matin. La nuit, on transpire, et donc on est déshydraté lorsqu’on se lève. On commence parfois l’entraînement avec 1 litre ou 1,5 litre de déficit d’eau dans le corps. A Pékin, c’est à proscrire à tout prix. Il faudra élaborer une stratégie pour que les joueurs commencent le match en état d’hyperhydratation : ils devront boire davantage avant le match (il faudra aussi ajouter du sel dans les boissons) afin de disposer d’une réserve d’eau supplémentaire dans le corps, ce qui leur permettra de transpirer davantage. Cette stratégie sera testée lors du stage qui aura lieu en mai « .

Les tests proposés se résument essentiellement à de la course sur tapis.  » Deux fois 35 minutes à des vitesses différentes : 5 minutes à 6 km/h, 5 minutes à 12 km/h, 5 minutes à 14 km/h, etc. On alterne la course, la promenade, le jogging. Pendant ces deux blocs de 35 minutes, on collecte la transpiration, on mesure le poids corporel, on calcule le contenu de sodium dans la transpiration, on détermine le VO2max en capacité d’effort maximal. Il y a des différences génétiques et il y a aussi un rapport avec la condition de l’athlète. Meilleure est la condition, plus on peut transpirer « .l

De Roover a – comme la plupart des autres joueurs – perdu plus de 2 kilos.  » Tous les footballeurs qui se sont soumis aux tests ont subi une déshydratation de plus de 2 % de leur poids corporel « , constate Hespel.  » Pour les footballeurs, la chaleur constituera assurément un problème à Pékin, mais il sera plus aigu pour l’un que pour l’autre « . De Roover fait partie de ceux qui ne devraient pas rencontrer trop d’ennuis.

par daniel devos – photos: reporters/ hamers

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