Les contradictions d’une enquête

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Mars 2007, un séisme s’abat sur l’Excel

120 policiers débarquent au petit matin pour 17 devoirs de perquisition, à Mouscron et à Gand. Ils visitent notamment le stade, deux intercommunales (dont la fameuse IEG qui a déjà consenti au club plusieurs gros prêts, dont certains ont été convertis en sponsoring), l’hôtel de Ville, le Futurosport, les bâtiments de sponsors et le domicile de Jean-Pierre Detremmerie. Le but est clair : détricoter la toile d’araignée tissée par Detrem. La Justice (le Parquet de Tournai dans ce cas) se pose de nombreuses questions sur le mode de fonctionnement du club et les interférences entre l’Excel et le pouvoir politique local. En ayant été aussi longtemps bourgmestre et président du club, et en étant devenu numéro 1 de l’IEG, la banque publique du club, dès la perte de son écharpe maïorale fin 2006, Detremmerie avoue même qu’il s’attendait ces perquisitions.

Les policiers repartent avec 20 m3 de documents et de nombreuses copies de disques durs. Le Parquet parle d’une instruction sur  » abus de biens sociaux, faits de corruption, faux et usage de faux, fraudes lors d’attributions de marchés publics, mise à disposition illégale de personnel communal – NDLA : à une époque, près de 50 personnes payées par la Ville travaillaient pour le club -, logements sociaux et voitures de la Ville mis illégalement à la disposition de joueurs « .

Jean-Pierre Detremmerie et Francis D’Haese, encore président de l’Excel peu de temps avant les perquisitions, sont longuement auditionnés. Ainsi que Jacques Fervaille, ancien échevin des Finances et ex-trésorier du club – deux casquettes aussi incompatibles que celles de Detremmerie.

En juin, Detremmerie et D’Haese sont à nouveau entendus

Il semble que cette fois, on leur pose aussi des questions sur le transfert de Luigi Pieroni à Auxerre -sur lequel des commissions se seraient perdues. Philippe Dufermont, le nouveau président, sera aussi interrogé : la Justice se demande s’il n’est pas l’homme de paille du mystérieux investisseur kazakh avec lequel Detremmerie avait trouvé un accord pour la reprise du club – un investisseur qui s’est retrouvé en prison entre-temps.

En juillet, Nord Eclair signale  » de bonne source  » que deux personnes sont inculpées

Le journal cite Francis D’Haese pour faux et usage de faux, et Thierry Knockaert (ancien directeur financier et toujours comptable du club à l’heure actuelle) pour faux. Du côté du Parquet de Tournai, silence radio.

Où en est-on aujourd’hui ?

Une source policière confirme ces deux inculpations. Jean-Pierre Detremmerie refuse d’aborder le sujet. D’Haese ne veut ni confirmer, ni infirmer, se retranchant derrière le secret de l’instruction. Et Knockaert ne veut pas s’exprimer, lui non plus. Coup de fil à Jean-Bernard Cambier, premier substitut du procureur du Roi de Tournai. Sa réponse :  » Personne n’a été inculpé jusqu’à présent. Et il n’y a pas eu d’élément neuf récemment. Dès le début, le juge d’instruction a dit que ce serait un travail de longue haleine, qui ne serait pas bouclé en quelques mois. Il y a énormément d’éléments à vérifier. Quand vous enquêtez sur la criminalité en col blanc, vous devez vous armer de patience. Nous devons presque réaliser un audit du club. Nous menons une enquête du même genre à Tournai, où le club de football est aussi concerné, et c’est tout aussi compliqué « .

Alors, inculpés ou pas ? Le premier substitut dit-il vrai ou veut-il brouiller les pistes ? Nous prenons la température dans l’équipe dirigeante actuelle, qui n’était en aucun cas concernée par les perquisitions vu qu’elle n’était pas encore en place à l’époque. Benoît Roul, directeur général de l’Excelsior :  » Pas de commentaire sur des inculpations éventuelles. Ce n’est pas au club qu’il revient de trahir le secret de l’instruction. Nous laissons la justice faire son travail. Philippe Dufermont refuse systématiquement d’aborder le sujet dans les médias car cela perturbe l’image du club. Nous travaillons pour demain, pas sur ce qui s’est passé hier « .

Comment expliquer le silence du Parquet alors que dans la majorité des enquêtes, les identités des inculpés et des éléments concrets des investigations sont rapidement rendus publics ? Peut-être le juge d’instruction est-il convaincu que la montagne mouscronnoise accouchera simplement d’une souris, d’où l’inutilité de citer des personnes ? Peut-être n’y a-t-il aucun soupçon d’enrichissement personnel, ce qui rendrait le dossier et les sanctions moins graves, et ne justifierait donc pas que l’on jette des personnalités sur la place publique ? La Justice finira par sortir du bois mais nous avons cru comprendre que ce ne serait pas pour demain.

pierre danvoye

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