Les consoles sont-elles tristes ?

F IFA 2007 qui vient de sortir, Pro Evolution Soccer 6 qui va le suivre pour mieux le concurrencer ! Chaque année, le business du foot virtuel fourgue les versions nouvelles de ses jeux sur console, en persuadant les fanas qu’elles sont encore plus réalistes, plus créatives, plus performantes. En conséquence de quoi les fanas salivent et banquent pour le dernier modèle, à moins de pouvoir pirater : concupiscence et triche sont nos péchés mignons depuis l’âge des cavernes !

J’avoue, je n’ai jamais joué à ces jeux, étant trop sûr d’une alternative que je n’ai pas envie d’affronter. Soit je jouerais épisodiquement et me sentirais gros con maladroit avec tous mes doigts,… c’était déjà comme ça avec Mario Bros et mes gosses voici 15 ans ! Soit je choperais le virus et m’y adonnerais au bas mot 20heures par semaine, dans l’espoir fou d’y progresser alors que j’ai toujours été naze au piano, sans compter que mes salsifis sont à l’orée de l’arthrose : et je deviendrais débile et mégalo dans ma tour d’ivoire, à force de me croire en même temps Gianluigi Buffon pour les arrêts, William Gallas pour l’arrachage, Ronaldinho pour le cirque et Thierry Henry pour les mettre au fond ! Non. Ma foi, tant qu’à être obsédé, autant le demeurer pour le foot en vrai…

A propos de Titi Henry, lui-même serait un fana de foot sur console, ce qui me navre énormément. D’abord, ce n’est pas un jeu pour les vraies stars, c’est un jeu qui aide à se prendre pour une vraie star ! Si Henry, qui a déjà l’immense veine d’être Henry, se simule lui-même devant son écran, qu’il aille voir un psy au lieu d’empiéter sur les plates-bandes du peuple ! S’il éprouve le besoin de se prendre pour Zinédine Zidane, qu’il aille en voir deux ! Et s’il a au surplus besoin de parfois s’imaginer être Marco Materazzi, qu’on l’interne !

Ensuite, savoir qu’un footballeur professionnel, dont le métier est de jouer au vrai foot tous les jours que dieu fait, ne trouve rien de mieux à glander quand il rentre chez lui que de jouer au faux foot, ce n’est plus de la passion, c’est de l’étroitesse d’esprit : que Titi apprenne à langer Téa (c’est sa gosse) s’il ne sait quoi faire de ses doigts ! Et justement, les doigts, parlons-en : comment est-il possible que la version virtuelle du football se joue avec les doigts de main plutôt qu’avec les orteils de pied ? C’est un crime de lèse membres inférieurs ! La moindre des choses eût été de concevoir un joystick pédieux. Pédieux ? Ouais, pédieux, comme on dirait manuel. C’est dans le dico. Suis pas étroit d’esprit comme Titi, moi…

Puisqu’on en est au foot qui fait des pieds et des mains, sachez qu’on en apprend tous les jours sur internet, en surfant sur les forums où quelques intellos, évidemment de gauche, évidemment illuminés, s’en donnent à c£ur joie pour shooter dans le foot. Je savais déjà que pour eux, le foot n’était pas né par hasard lors de la révolution industrielle : c’était le Grand Capital qui, pour que le prolétariat supporte au maximum l’exploitation de ses membres supérieurs lors du travail à la chaîne, avait imaginé cette compensation, cet équilibrage qu’apportait le foot en faisant bouger les membres inférieurs !

Hier, le web m’a apporté en sus l’éclairage libertaire suivant. Figurez-vous que, dans le cadre du sport de compétition en général (lequel est bien sûr une conspiration organisée par le Pouvoir pour juguler les pulsions sexuelles de notre belle jeunesse), le foot serait le grand jugulateur : car le fait d’inventer un jeu avec les pieds, et donc d’y interdire l’utilisation des mains, serait  » la symbolique on ne peut plus évidente de la masturbation prohibée  » ! J’en conclus pour rire que tous nos gardiens sont des branleurs, et plus sérieusement que c’est n’importe quoi. Je préférerais encore que ces intellos-là tripotent le joystick de Thierry Henry. Ou qu’ils se ressourcent en regardant Onze footballeurs en or, le très beau documentaire tourné en 1996 par Jean-Christophe Rosé, et que la RTBF nous offre demain 9 novembre à 22 h 35. Il raconte le parcours de l’équipe nationale de Hongrie des années 50, en narrant les exploits de Ferenc Puskas et compagnie tout comme l’insurrection de Budapest. Intelligent melting-pot de foot et d’histoire, de politique et de tragédie, de rêve en mouvement et de rêve brisé. A ne pas manquer, c’est mieux qu’un match en direct.

Bernard Jeunejean

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