Les coaches autrement

Le Standardman vit à 300% pour son métier. Mais il n’oublie pas la famille.

Rarement sans doute les premiers pas d’un jeune entraîneur auront été suivis autant que ceux de Michel Preud’homme. Et cela fait un an que ça dure! D’autant qu’après avoir été le premier depuis six ans à qualifier le Standard pour une coupe européenne, il a entrepris un grand chantier destiné à rendre à ce club l’âme qui était la sienne lorsqu’il fut champion pour la dernière fois, voici vingt ans. Une entreprise rendue extrêmement délicate par les lois qui régissent actuellement le marché du football belge.

On imagine donc le stress que cela peut engendrer. Caméras braquées sur lui, ses mimiques sont un régal pour le téléspectateur. Difficile, cependant, d’imaginer en l’observant la richesse du personnage qui se cache derrière ses traits émaciés.

Ses proches en témoignent.

« Il est toujours pressé »

Mariette, sa maman: « Quand il m’a annoncé qu’il allait revenir au Standard comme entraîneur, je n’ai pas pu cacher mes craintes », confie sa maman. « Je ne le voyais pas fait pour ce métier où on est rapidement porté au ciel mais aussi très vite descendu. Après un an, je me dis qu’il ne s’en sort pas mal mais je reste prudente. J’assiste à tous les matches à Sclessin et je ne le quitte pas des yeux pendant la rencontre. Lorsqu’il sort de sa cage, j’essaye de décoder le message qu’il veut faire passer. Je n’avais jamais vu un entraîneur de foot rassembler ses joueurs en cercle avant le match, par exemple. Après, je le rencontre à la salle des joueurs. C’est pratiquement le seul moment où je peux le voir car il est toujours pressé. Heureusement, on se téléphone plusieurs fois par semaine. Michel n’est pas quelqu’un qui se confie beaucoup. Je sens bien, toutefois, qu’il est bien plus stressé qu’avant, qu’il a toujours peur que cela n’aille pas. Je lui dis parfois qu’il a les traits tirés car c’est vrai qu’il est très maigre. Et pourtant, il mange comme quatre. Sa femme, d’ailleurs, est très bonne cuisinière. Et il adore notamment les spaghettis bolognaise qu’Ingrid prépare le week-end ».

« A l’écoute des gens »

Philippe Germay, l’un des kinés du Standard, est le parrain de Megan, la fille de Michel. Les deux hommes se connaissent depuis plus de trente-cinq ans puisqu’ils ont joué ensemble de Minimes à Scolaires. « A l’époque, déjà, Michel était à l’image de ce qu’il est aujourd’hui: poli, bien élevé. Pendant un match, il ne jure pas, par exemple, même s’il vit encore cela comme quand il était joueur. Je connais peu de gens qui le détestent. Il n’aimait pas se faire remarquer et était toujours le premier à écouter un copain qui avait un problème. Aujourd’hui, c’est la même chose: il est proche de son groupe. Sans doute parce que sa carrière n’est pas terminée depuis longtemps mais aussi parce qu’il ne pourrait pas laisser quelqu’un dans la mouise. C’est un humaniste du football ».

Philippe Germay, dont le père fut lui aussi kiné du club et qui traîne dans les couloirs du Standard depuis l’âge de trois ans, fut bien entendu aux côtés de Preud’homme dans les moments les plus difficiles de sa vie, comme cette affaire de corruption qui ruina le Standard. « Ce n’était pas la difficulté mais carrément la grosse m… Michel a eu un moment de laisser aller. Il a vite compris qu’il devait se reprendre. En grande partie grâce à Léon Semmeling mais aussi parce qu’il n’est pas du genre à se lamenter ou à ruminer ses erreurs pendant plusieurs jours. Face à la critique, il est également très lucide et il assume ses choix, sans tenter d’incriminer personne d’autre ».

« Il devrait s’évader un peu »

Etienne Delangre, qui joua avec Preud’homme dans l’équipe championne du Standard, fut son professeur l’an dernier à l’école des entraîneurs. Une partie de golf est programmée depuis longtemps entre les deux hommes mais Michel l’a chaque fois reportée par manque de temps.

« C’est quelqu’un de très méticuleux, très superstitieux et hyperactif. Il vit pour son métier 24 heures sur 24 et je lui dis parfois qu’il devrait se ménager des plages d’évasion car, psychologiquement, le métier d’entraîneur est difficile. A l’école, il était très assidu, présent, appliqué. Malgré son vécu, il posait plus de questions que certains candidats du samedi matin qui viennent juste prendre une information. Il demandait des renseignements sur plusieurs thèmes et ne fermait jamais les oreilles à un conseil. Puis, une fois rentré chez lui, il faisait le tri. Je ne veux et ne peux pas juger le style de jeu du Standard car je ne l’ai pas vu assez souvent. D’une manière globale toutefois, je suis content qu’il ait arrêté de jouer le 4-3-3 car, à l’image du football belge, il ne possède pas suffisamment de joueurs spécifiques pour cela ».

Delangre a bien sûr remarqué que, sur son banc, Preud’homme s’agite énormément. Surtout vis-à-vis des arbitres. L’entraîneur du Standard a d’ailleurs déjà reconnu que, sur le terrain, il aime la provocation qui fait monter l’adrénaline. « Je ne sais pas pourquoi il s’excite autant mais son intelligence ne peut être mise en doute. Il n’aime pas trop l’injustice et il lui arrive parfois de réagir un peu à chaud mais si on discute avec lui à tête reposée, on s’aperçoit que c’est quelqu’un de très ouvert ».

« Il a appris à dire non »

Ingrid, son épouse, est sans doute la personne qui connaît le mieux Michel Preud’homme. Quand elle l’a rencontré, en novembre 86, il sortait de deux années noires: l’affaire Standard-Waterschei, un mariage manqué et l’alternance avec Bodart à Sclessin qui l’avait obligé à émigrer à Malines. Il y recommençait à zéro une carrière qui allait le mener au sommet de la hiérarchie mondiale des gardiens, avec deux Souliers d’Or qu’Ingrid a placés bien en vue dans le salon de leur maison de Keerbergen, juste sous la photo d’un mariage qui leur a donné deux enfants: Guylian et Megan.

« Je dis souvent à Michel qu’il a deux personnalités. Au football, il vit à 300% pour son métier et oublie tout le reste. J’ai toujours admiré sa persévérance. En vacances, il est plus relax, même si ces moments sont très rares et que je me retrouve souvent seule avec les enfants, ce qui n’est pas toujours facile. Pour les devoirs, notamment. Enfin… Cela va un peu mieux depuis qu’il est passé par le Portugal. Là, il a bien dû apprendre à dire non, tant les sollicitations étaient nombreuses. Un jour, nous avions décidé d’aller au zoo avec les enfants. Après dix minutes, il a voulu rentrer parce qu’on l’assaillait de toutes parts pour une photo, un autographe. Généralement, il a trop tendance à faire confiance aux gens, même si cela a tout de même changé aussi ».

C’est donc à sa famille que Michel consacre ses rares moments de loisirs. La découverte du golf, notamment, fut bénéfique à tout le monde. « Il reste parfois quinze jours sans jouer mais, quand il rentre d’un parcours, c’est un autre homme, plus souriant. Guylian et moi avons appris à jouer et l’accompagnons le plus souvent possible, même s’il a parfois des horaires différents des nôtres. J’aime aussi me retrouver seule avec lui dans la nature, en amoureux. Et Guylian commence à jouer des tournois que Michel suit passionnément ».

Pour le reste, Michel aime lire au lit et a enfin trouvé le temps de monter la table de snooker. Ce n’est pas lui qui s’occupe des poules et des poissons. Et il traîne les pieds quand il marche, ce qui ne manque pas d’irriter son épouse. Celle-ci se montre par contre bien plus compréhensive à l’égard de ses manies superstitieuses d’avant-match.

« Parce que, moi aussi, avant les examens, j’avais mes rituels. Je ne sais pas ce qu’il fait au stade mais je me rappelle qu’il tenait toujours en main une pièce tracée d’une ligne rouge qu’une petite fille lui avait donnée. A un certain moment, il aimait que j’aille au match avec les enfants parce que cela portait chance. Et quand nous ne pouvons pas y aller, une heure avant le match, nous allumons une grande bougie rouge. Guylian sort alors un anneau rond auquel il pend deux petits souliers d’or tandis que notre fille prend une chaîne avec un dé en or. Nous passons un CD du Standard et je dis une prière ».

« Il a une force terrible »

Plus scientifique, Olivier Auquier est l’ostéopathe de Preud’homme depuis sa première année à Malines. Il est aussi le père de Céline (16 ans), la filleule de Michel. C’est d’ailleurs elle qui l’a choisi pour parrain, lorsqu’elle avait trois ans. Et même s’il ne peut pas toujours se libérer, Preud’homme n’oublie jamais de passer un coup de téléphone.

« On doit s’attendre à le voir arriver du jour au lendemain, très simplement, avec des fleurs et du vin. Mais quand il prévient de son arrivée, il dit toujours: -Fais des tartines« .

C’est sur les conseils d’ Alain De Nil que Preud’homme consulta pour la première fois Olivier Auquier.

« Il était venu me voir pour une blessure importante dans le bas du dos qui l’empêchait de dégager. Par la suite, il a rarement été blessé. C’est dû à son hygiène de vie mais aussi à sa morphologie hors du commun. Michel est un félin. Longs et fins, ses muscles auraient fait de lui un bel athlète. Frêle, lui? Grosse erreur! Michel a une force terrible. Rappelez-vous à quelle distance il lançait le ballon à la main. Et dans certains exercices d’ostéopathie, je devais m’accrocher pour ne pas qu’il m’éjecte ».

Bien qu’il avoue ne pas être grand amateur de football, Olivier Auquier se dit frappé par le sens tactique de Michel.

« En équipe nationale, quand il avait un doute, c’est Michel que Guy Thys appelait. Dans tout ce qu’il fait, il a une capacité d’analyse exceptionnelle. Il gère aussi très bien son personnage en situation et s’adapte très vite. Trois caractéristiques qui sont, selon moi, autant de signes d’intelligence. C’est aussi quelqu’un qui a toujours peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur de ce qu’on attend de lui. Il remet donc sans cesse l’ouvrage sur le métier. A Benfica, même lorsqu’il était le papy de l’équipe, c’est lui qui obtenait le meilleur résultat d’ensemble à la batterie de tests physiques ».

« Il apprécie la franchise »

Stan Van den Buys est aujourd’hui le scout du Standard. Il connaît cependant Michel depuis bien plus longtemps puisqu’il fut d’abord son… sponsor puis son partenaire.

« Je l’ai eu sous contrat lorsque je travaillais pour une firme d’équipements. Par la suite, je l’ai rejoint à Malines où personne n’osait s’opposer à lui. En quelques mois, il était devenu la référence du vestiaire, notamment parce qu’il avait appris très vite le néerlandais. Pareil à Benfica. Je me rappelle qu’un jour, en stage à Ooisterwijk, Joao Pinto était venu le trouver pour lui demander un conseil. Pour ma part, je l’ai parfois contredit et, au début, on s’est un peu accrochés mais, au fil du temps, nous sommes devenus amis. C’est quelqu’un qui apprécie la franchise, même s’il est très sensible. Il lui arrive parfois d’exploser mais il vous rend toujours une chance et il respecte l’avis des gens ».

Dia 1

Patrice Sintzen

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