Les clés du succès

Qui peut encore les battre ?

Cette fois-ci, il n’y a vraiment pas eu photo. Privé de succès lors de ses 9 dernières sorties au Standard, Anderlecht n’a pas fait dans le détail dimanche dernier : un 0-4 bien tassé. Et encore l’addition eût-elle été plus lourde sans un Sinan Bolat impérial. D’accord, l’exclusion d’ Axel Witsel, peu avant la pause, mâcha la besogne du RSCA. Reste que, même sans cette sanction, le Sporting, absolument souverain jusque-là, aurait sans nul doute empoché la totalité de l’enjeu à Sclessin. Quatre facteurs sont susceptibles d’abonder en ce sens.

1. La continuité d’un système

Fin décembre 2009, pas mal de Mauves redoutaient que la trêve ne vienne couper abruptement leur élan. Il est vrai qu’après huit victoires de rang, ils avaient alors dû se contenter d’un quatre sur six, fruit d’un partage obtenu sur le fil à La Gantoise (2-2) et d’une victoire étriquée à domicile contre Zulte Waregem (2-1).

Mais à La Manga, où les Bruxellois avaient à nouveau sonné le rassemblement des troupes sitôt les fêtes terminées, il était apparu bien vite que la césure n’avait pas vraiment eu d’incidence négative. La preuve par une victoire par 5 à 0 obtenue devant le FC Twente, leader du championnat des Pays-Bas. Certes, les Néerlandais venaient de reprendre le collier à ce moment-là mais il n’empêche que le 4-2-3-1 en vigueur cette saison avait visiblement toujours le même effet. Et ce, en dépit des tournantes vu qu’ Ariel Jacobs avait profité de l’occasion pour accorder du temps de jeu à tout le monde, y compris aux Nemanja Rnic, Victor Bernardez et autre CristopheDiandy pourtant peu utilisés tout au long du premier tour.

A Sclessin, il est apparu une nouvelle fois combien les Sportingmen maîtrisent ce système à présent. A un point tel que les réglages et autres permutations se passent sans le moindre hiatus. Le Sporting avait entamé la partie avec le duo Cheikhou KouyatéJelle Van Damme devant l’arrière-garde et un trio constitué de Jonathan Legear, Lucas Biglia et MbarkBoussoufa pour aider Romelu Lukaku devant. Après la pause, suite à l’exclusion d’ Axel Witsel, Jacobs modifia ses batteries en faisant descendre l’Argentin d’un cran, au côté de la tour sénégalaise, et en demandant au feu-follet marocain de coulisser de l’aile gauche vers le centre du jeu, en appui de l’homme de pointe. Dans cette configuration, Anderlecht fit tout simplement joujou avec l’opposition et chacun s’en donna à c£ur joie. Non seulement les titulaires mais aussi les hommes du banc, comme Kanu, impossible à déposséder du ballon et qui servit Lukaku sur un plateau d’argent lors du 0-2.

Avec un système similaire en 4-2-3-1 au départ, le Standard n’arriva jamais à une animation aussi harmonieuse. Un seul tir cadré sur l’ensemble de la première mi-temps, des soins de Dieumerci Mbokani, voilà qui était déjà très maigre. Et ce le fut davantage encore en cours de deuxième mi-temps, à 10 contre 11. LaszloBölöni eut beau se prononcer pour un 4-4-1 ou encore un 3-5-1 par moments, la maîtrise n’en restait pas moins anderlechtoise. Et dire qu’à l’aller, avec les mêmes hommes, à peu de choses près, et toujours privé de Witsel pour les raisons que l’on sait, le Standard était parvenu à ramener un point du stade Constant Vanden Stock. Depuis lors, les Principautaires ont allégrement plongé, tandis que les Mauves sont allés résolument de l’avant.

2. La richesse d’un noyau

Anderlecht n’a pas seulement un système bien rodé. Il dispose aussi d’individualités qui lui confèrent une dimension supérieure encore. Lors du Clasico, hormis Sinan Bolat, difficile de trouver dans les rangs liégeois un footballeur d’une cote supérieure à 6. Côté anderlechtois, à l’exception de Van Damme pas toujours des plus inspirés, tous les autres auront fait honneur à leur rang. Les motifs de satisfaction auront été très nombreux en tout cas.

Avec un Silvio Proto d’abord, qui ne cesse de gagner en assurance au fil des matches et qui collectionne les clean sheets. Devant lui, les quatre arrières forment depuis pas mal de temps un bastion inexpugnable. Dans l’entrejeu, indépendamment des qualités de métronome de Biglia, comment ne pas mettre en exergue l’avènement de Kouyaté. Le longiligne Sénégalais progresse lui aussi de match en match. Non content d’enrayer la progression de l’adversaire, il met le nez à la fenêtre de plus en plus souvent. A Gentbrugge, déjà, il avait eu deux opportunités en or face à Bogdan Jorgacevic. A Sclessin, il en a eu deux autres, de la tête d’abord puis du pied. La première, à bout portant, nécessita d’ailleurs une parade de toute beauté de la part de Bolat.

Devant, indépendamment du phénomène Lukaku, c’est Byzance à l’échelon des hommes en forme. A commencer par Jonathan Legear, impliqué sur trois buts et qui semble avoir fait son trou pour de bon sur le flanc droit. A condition bien sûr d’être à l’abri des bobos. Enfin, Boussoufa prend de l’étoffe lui aussi. Fréquemment pointé du doigt pour sa propension à ne briller que contre des équipes de moindre niveau, le 11 mauve s’est quand même rebiffé ces derniers mois avec quelques matches de haut vol contre des ténors. A l’Ajax, par exemple, et au Standard aussi, où il s’est révélé un point d’ancrage des plus précieux. La richesse du Sporting ne se limite pas aux seuls titulaires : les remplaçants sont à leur aune comme Kanu ou encore Tom De Sutter et Matias Suarez entrés en cours de partie à Sclessin. Heureux Sporting qui pouvait encore tabler dans le dug-out sur Davy Schollen, successeur de Daniel Zitka pendant les trois quarts de l’exercice 2008-2009, Rnic, auteur d’un tout bon match contre les joueurs d’Enschede dans le sud de l’Espagne, Bouba Saré, véritable révélation de la saison avant que Kouyaté ne le supplante, et last but not leastNicolas Frutos, qui claquait lui aussi les buts comme à la parade à La Manga. Le contraste était décidément des plus saisissants avec le banc du Standard peuplé d’un Olivier Dacourt toujours aussi poussif lorsqu’il est monté au jeu, d’un Moussa Traoré qui s’est surtout distingué par des fautes et autres actes d’antijeu et d’un Arnor Angeli encore un peu tendre à ce niveau. Les autres, c’était Gregory Dufer, qui ne décolle décidément pas en bord de Meuse, et Steven Defour, manifestement pas encore prêt non plus pour un match pareil.

3. Le phénomène Lukaku

Parmi les Mauves en vue, un élément mérite d’être mis en exergue : Lukaku. C’est à l’occasion du match retour, dans le cadre des rencontres d’appui destinées à consacrer le champion, en fin de campagne passée, que l’attaquant avait fait ses débuts en Première. A l’époque, il était monté au jeu à la 66e minute, à la place de Bernardez, afin de tenter le tout pour le tout face au Standard nanti d’un but d’avance (penalty transformé par Witsel).

Le teenager des Bruxellois, tout juste âge de 16 ans et 10 jours, n’était pas parvenu à inverser la tendance. Normal, somme toute, pour un jeune qui découvrait le plus haut niveau. Huit mois plus tard, le topo est complètement différent. Si Rom était encore troisième dans la hiérarchie offensive, il en est aujourd’hui le leader incontesté, fort de ses 10 buts dont le dernier paraphé à Sclessin. A l’image de ses partenaires, il avait terminé fourbu l’année 2009. Tant chez les Buffalos qu’au Parc Astrid, devant Zulte Waregem, il était passé à côté de sa prestation. Avec l’honnêteté qui le caractérise, il s’était d’ailleurs attribué la note de trois pour sa tenue lors de ces deux matches.

L’air de La Manga lui a manifestement procuré le plus grand bien et c’est un Rom requinqué qui a fait face au Standard. Ici aussi, la différence aura été saisissante entre un Dieu Mbokani mis complètement sous l’éteignoir par la paire formée par Roland Juhasz et Ondrej Mazuch et un Lukaku qui en a fait voir de toutes les couleurs à l’axe central liégeois Mohamed SarrEliaquim Mangala. Le jeune attaquant aura eu le mérite d’être à la base du but d’ouverture puis de signer le deuxième. Sur le premier, il se permit de rouler complètement dans la farine Sarr avant de délivrer un centre au cordeau pour Van Damme. Sa tête, repoussée par Bolat, fut alors déviée vers Legear qui n’eut plus qu’à conclure. Enfin, sur sa propre réalisation, Rom s’éleva plus haut que tout le monde pour signer son tout premier but dans un match au sommet en Belgique. Jusqu’ici, en effet, il avait dû se contenter de goals contre les sans-grades. En faisant mouche face à l’Ajax, en Europa League, puis au Standard, le plus jeune joueur du championnat a prouvé qu’il apprenait décidément très vite. C’est de bon augure aussi pour la suite des événements.

4. L’envie de gagner le titre

Réduits à la portion congrue depuis deux ans en matière de titres, les Anderlechtois semblent autrement plus affamés de succès que les Liégeois, manifestement repus. Ce qui se vérifie, notamment, par l’écart de 20 unités qui séparent les deux équipes au classement. Les Sportingmen ont d’autant plus intérêt à passer la surmultipliée que rien n’est encore acquis pour eux. Nantis de cette avance, ils n’ont évidemment plus grand-chose à craindre des Rouches, même si l’écart sera amputé de moitié au moment d’aborder les playoffs. Pour Anderlecht, il est clair que le danger se circonscrira au Club Bruges et à La Gantoise, vu que le Germinal Beerschot est en train de lâcher prise.

Dans ces conditions, on peut comprendre la détermination des joueurs de Jacobs de ne rien lâcher. A Sclessin, ils étaient venus clairement avec l’intention de prendre les trois points. Et lors de leur prochain déplacement au Kiel, à la fin du mois, puisqu’ils sont bye ce week-end, il n’en ira pas autrement. Tous les Mauves, sans exception, ont de toute façon l’une ou l’autre bonne raison pour se mettre en évidence au cours des prochains mois.

C’est valable pour Proto, qui a à c£ur de retrouver sa place en sélection. Ou pour Legear, qui rêve de se voir enfin décerner une chance à ce niveau-là. Le jugement est d’application aussi à ceux qui espèrent quitter le Parc Astrid par la grande porte. Comme Juhasz, qui a averti ses dirigeants qu’il ne rempilerait pas. Ou comme Biglia, qui paraît enfin mûr pour tenter la grande aventure dans un environnement plus huppé. Ou encore Boussoufa, qui se sait courtisé par Séville. Voire De Sutter, dont le nom figure sur les tablettes de Galatasaray. Ici aussi la différence est grande avec le Standard où Milan Jovanovic est le seul à être sollicité. Et dire qu’il y a peu, on se frottait encore les mains à Sclessin avec des gars comme Mbokani, Steven Defour et Witsel en vitrine. A cet échelon-là, c’est sûr qu’Anderlecht a repris également la main…

par bruno govers – photos: reporters/ gouverneur

« Indépendamment des qualités de métronome de Biglia, comment ne pas mettre en exergue l’avènement de Kouyaté. »

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