Les Casernes et le Canonnier

Les Grégoire sont désormais deux en D1. Sébastien tente de faire son trou et Christophe commence à percer.

Les Grégoire sont désormais deux en D1. Alors que Christophe (22 ans) poursuit son petit bonhomme de chemin à Mouscron, Sébastien (19 ans) a intégré l’effectif fortement rajeuni de Malines.

Un événement, ces débuts en D1?

Sébastien: J’avais déjà joué un petit quart d’heure à l’Antwerp, avec le Standard, mais c’est la première fois que je joue deux matches complets. Le rythme est forcément beaucoup plus élevé qu’en Réserve. Après une heure de jeu, à Charleroi, j’étais cuit. Contre Anderlecht, j’ai tenu le coup un peu plus longtemps. Progressivement, je commence à m’y faire. Au cours de ces six prochains mois à Malines, j’espère me montrer et apporter la preuve que j’ai le niveau de la D1. Pour susciter l’intérêt d’autres clubs ou, pourquoi pas, inciter le Standard -avec lequel je suis encore sous contrat jusqu’en juin 2005- à m’incorporer à son noyau A.

Le grand frère vous donne-t-il des conseils?

Sébastien: Un peu, mais pas au point de me guider dans toutes mes démarches.

Christophe: J’avais débuté en D1 dans d’autres circonstances que Sébastien, car j’avais déjà joué en D2 avec Liège avant de partir pour Mouscron. Certes, j’ai moi aussi dû passer par une période d’adaptation, qui s’est prolongée pendant près d’un an, puis je me suis affirmé au cours de ma deuxième saison. Je n’ai pas vraiment à lui donner des conseils, sinon de ne pas se prendre la tête et de ne pas baisser les bras si, un jour, il connaissait un creux. Son âge plaide en sa faveur, il a tout l’avenir devant lui. Mais, pour le reste, qui suis-je pour me permettre de lui faire la leçon? Je ne peux me targuer que de deux années d’expérience en D1 et je n’ai jamais que 22 ans, moi aussi.

Quelle est l’erreur que vous auriez commise et que Sébastien devrait éviter?

Christophe: Peut-être, la première saison, ai-je eu le tort de m’endormir trop rapidement sur mes lauriers. J’étais déjà tout content de me retrouver sur le banc et je n’essayais pas de forcer le destin. Mais, pour batailler, on peut faire confiance à Sébastien. « Cela se terminait en bagarre »

Il faudra attendre pour assister à un duel fratricide…

Christophe: Effectivement, Malines-Mouscron est programmé pour la toute dernière journée de compétition. Ce sera spécial, car ce sera la toute première fois que nous nous retrouverons face à face. Lors des occasions précédentes, en Réserve, les circonstances avaient toujours empêché le déroulement de cet événement. Les seules fois où nous nous sommes affrontés, c’était dans le jardin familial. Le mercredi midi, au retour de l’école, nous allions manger chez notre grand-père, puis nous jouions toute l’après-midi au football. Cela se terminait toujours en bagarre.

Sébastien: Christophe essayait toujours de… tricher lors de nos un-contre-un. Lorsque je menais à la marque, il bloquait le chrono pour s’accorder plus de temps pour remonter. Cela m’énervait.

Christophe: Par contre, en matière de tricherie, je ne me laisse jamais tomber. C’est un… défaut que je devrais corriger, car j’obtiens rarement un penalty. Je n’y pense pas, j’essaye toujours de rester debout et d’aller le plus loin possible. J’espère que, cette année, mon frère et moi pourrons enfin nous affronter sur un vrai terrain. Et, pourquoi pas, que Sébastien joue demi droit comme c’est le cas actuellement à Malines, et moi à mon poste habituel de demi gauche. Ce jour-là, croyez-moi, je… mettrai le pied ( ilrit). On m’a suffisamment reproché d’être trop gentil.

On dit que vous avez des caractères très différents.

Christophe: Au niveau du football, je suis plus technique, plus calme. J’ai parfois du mal à me faire violence. Je me vois mal placer un coup de gueule. Sébastien est plus explosif, plus accrocheur. Dans les équipes d’âge, il jouait comme attaquant et inscrivait de nombreux buts.

Sébastien: Pourtant, comme Christophe, on m’a parfois reproché de ne pas mettre le pied également. Mais il est exact que je m’emporte plus facilement. Dans les équipes d’âge, par exemple, je n’hésitais pas à dire ma façon de penser aux arbitres. Heureusement, je me suis calmé sur ce plan-là.

Christophe est-il l’exemple à suivre pour vous?

Sébastien: Sous certains aspects, oui, puisqu’il est titulaire en D1 à 22 ans. Si, dans trois ans, je pouvais être au même niveau, je serais déjà très heureux. Ce que j’admire, chez lui, c’est qu’il est resté simple et naturel, comme il l’a toujours été. Il n’a pas changé, sa réussite ne lui est pas montée à la tête. « Crv est encore plus doux que Christophe »

Jouer en D1 avec une bande de gamins, c’est génial à votre âge?

Sébastien: L’ambiance, en tout cas, est excellente à Malines. Nous sommes cinq du Standard et nous faisons tous les jours la route ensemble. Pour l’instant, nous devons encore trouver des automatismes avec nos nouveaux partenaires. Mais nous avons été très bien accueillis par tout le monde. Les supporters n’ont de cesse de nous encourager. Et ils viennent en nombre à chaque match. Dimitri Habran fait figure de vétéran avec ses 27 ans. David Crv, avec 25 ans, n’est pas loin. Il a été promu capitaine, mais il a un peu le caractère de mon frère: il est doux comme un agneau. L’entraîneur l’exhorte à parler davantage, pour tirer le groupe. Ce n’est manifestement pas dans sa nature.

Christophe: Je n’ai plus eu beaucoup de contacts avec David Crv depuis qu’il a été évincé du noyau A à Mouscron. Il est très taciturne. Quelque part, je le regrette, car j’ai rarement vu un garçon aussi gentil que lui.

Vous étiez arrivé ensemble à Mouscron. Au départ, il semblait avoir les meilleures chances, mais c’est vous qui avez percé. Un exploit sous la houlette d’Hugo Broos, à qui l’on a reproché de ne pas avoir assez fait confiance aux jeunes?

Christophe: Je ne pense pas qu’Hugo Broos soit allergique aux jeunes. Simplement, il attend le bon moment pour les lancer. Il a agi de cette manière avec moi, et a également offert une chance à David Crv et à Lionel Ladon au départ, même si c’est resté sans lendemain. On lui a reproché d’être trop frileux avec Jonathan Blondel, mais celui-ci a tout de même disputé 18 matches en D1 la saison dernière. A 18 ans, ce n’est pas mal.

Cette saison-ci semble plus laborieuse pour vous. Le ressentez-vous également ou avez-vous plutôt l’impression que l’on attend davantage de vous?

Christophe: Le club m’a offert un nouveau contrat de cinq ans. Dans ces conditions, il est normal que l’on attende davantage de moi. Par ailleurs, je dois reconnaître que je n’ai pas toujours brillé cette saison. J’ai bien débuté, j’ai connu un petit creux et je commence à revenir. Au début janvier, j’avais été prié d’aller retrouver mes sensations en Réserve. Nous avions disputé un match amical à Courtrai et Lorenzo Staelens n’était pas satisfait de la prestation de certains joueurs – dont moi- à qui il reprochait d’avoir pris cette rencontre de préparation à la légère. Ce n’était pas une question de motivation dans mon chef. Parfois, j’ai des absences, sans que celles-ci soient volontaires. « Ca y est, c’est encore pour moi! »

Lorenzo Staelens n’hésite pas à trancher dans le vif: au coeur de l’automne, vous aviez déjà fait la connaissance du petit banc et il avait titularisé Asanda Sishuba à votre place…

Christophe: Il place tout le monde sur un pied d’égalité et je crois que chacun, dans le groupe, accepte ses décisions. Si on ne lui donne pas satisfaction, on est sportivement sanctionné. Cela vaut pour les valeurs affirmées comme pour les jeunes. Cela a le mérite de tenir tout le monde éveillé, même si parfois, cela peut produire un effet perturbant. Lorsque je vois un réserviste qui s’échauffe après une demi-heure, il m’arrive de me demander: – Qu’aijeencorefait? Celavaencoreêtrepourmoi!

On a l’impression que vous jouez bien lorsque l’équipe joue bien, mais que vous ne parvenez pas encore à donner le coup de rein pour porter l’équipe lorsqu’elle se cherche…

Christophe: C’est une question de confiance. Lorsque l’équipe tourne, je me laisse effectivement emporter par le mouvement et je réussis des gestes que je n’oserais pas tenter en d’autres circonstances. Mouscron a alterné le bon et le moins bon cette saison. Ce fut mon cas également. Je ne parviens pas encore à être régulier dans mes prestations, mais c’est sans doute imputable à mon jeune âge.

Que se passe-t-il à Mouscron pour l’instant?

Christophe: Lorsqu’une équipe est privée simultanément de ses trois attaquants, c’est difficile. Heureusement, on annonce leur retour imminent.

Et à Malines?

Sébastien: Nous essayons de donner la meilleure réplique possible avec les moyens dont nous disposons. Ce n’est pas évident.

Alex Czerniatynski a déclaré que chaque point conquis s’assimilerait à une victoire…

Sébastien: Il a raison. Avec une équipe aussi inexpérimentée, nous ne pouvons pas espérer une masse de points. Nous sommes là pour apprendre.

Quelle impression vous laisse Alex Czerniatynski?

Sébastien: Il ne m’était pas inconnu, puisqu’il fut déjà mon entraîneur en Juniors au Standard. Antonio Caramazza et Xavier Asselborn faisaient également partie de l’équipe. Alex Czerniatynski est resté le même: il veut toujours gagner, même à l’entraînement. Quelque part, il a un peu le même caractère que moi. Et il a l’avantage de connaître mes qualités et mes défauts. Supporters de qui

Votre frère est-il devenu un supporter acharné de Malines?

Sébastien: Je ne le pense pas. Christophe est plutôt un fan d’Anderlecht. Mais, personnellement, j’avais toujours eu un faible pour Malines lorsque j’étais gamin. Mon joueur préféré, c’était Klas Ingesson. Je vibrais aussi aux exploits de Philippe Albert, Marc Wilmots, Michel Preud’homme. Je ne garde pas un souvenir marquant de la victoire en Coupe des Coupes contre Ajax, en 1988, mais je me souviens d’un match épique contre la Sampdoria, un peu plus tard: Geert Deferm avait marqué à sa première touche de balle. Avec Christophe, je me rendais régulièrement au Parc Astrid pour assister aux rencontres entre Anderlecht et Malines. C’étaient de fameux duels, en ces temps-là…

Rien à voir avec la rencontre d’il y a dix jours?

Sébastien: Anderlecht n’a sans doute pas trop poussé sur l’accélérateur, ce soir-là. Mais cela m’a fait quelque chose de porter le maillot de Malines contre le Sporting.

Christophe: Depuis que Sébastien y joue, je suis un peu devenu supporter de Malines par la force des choses. J’ai surtout été impressionné par l’enthousiasme des supporters. A Charleroi, lors du premier match de Sébastien, ils ont porté leur équipe du début à la fin. J’ai aussi été séduit par la combativité des joueurs. Ils ont vraiment donné tout ce qu’ils avaient dans le ventre. Mais on sentait qu’ils ne pourraient pas tenir la distance, surtout à dix contre onze.

Comment le supporter d’Anderlecht juge-t-il le Sporting?

Christophe: Que puis-je dire? Ce n’est pas brillant cette saison, mais chaque année connaît des périodes moins fastes. Bruges me paraît au-dessus du lot.

Et le Standard?

Christophe: Joker! Je n’ai pas joué le match retour contre le Standard. Enfin, si, 20 minutes… mais mon frère doit être plus à même de répondre à la question.

Sébastien: J’ai encore participé au stage du Standard à Valence, avant de partir à Malines. L’état d’esprit était positif. Lorsqu’on se glisse dans la spirale de la victoire, la confiance s’installe. Mais il m’est difficile de comparer les époques puisque, avant cela, je n’étais pas intégré au noyau A.

Daniel Devos

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