« Les bonnes options ont été prises »

Bruno Govers

Après cinq mois de galère, le gardien anderlechtois est devenu plus philosophe.

Peu d’Anderlechtois auront été aussi enthousiastes, au moment de reprendre le collier, lundi passé, que Filip De Wilde. Ce qui n’aurait dû être pour lui, au coeur de l’hiver, qu’une simple luxation du cinquième métatarse, avec immobilisation complète jusqu’à la mi-avril, se sera finalement avéré une rupture partielle du tendon avec intervention chirurgicale à la clé. L’indisponibilité de quelque six semaines, au départ, s’est donc muée en une période de cinq mois d’inactivité.

Filip De Wilde : Jamais encore en vingt ans de carrière, je n’avais été réduit à une inactivité aussi longue. Au départ, je n’étais pas fâché de décompresser un peu après toutes ces années de stress. Mais à mesure que le temps s’égrenait, je me sentais de plus en plus des fourmis dans les jambes. D’autant que le Sporting avait réussi au-delà des espérances en Ligue des Champions et que le vingt-sixième titre se profilait à l’horizon. J’aurais évidemment rêvé être associé plus étroitement au sacre de même qu’au superbe parcours de l’équipe sur la scène européenne. Mais je me console en me disant que j’ai eu ma part de mérite également face à des ténors comme Manchester United, le PSV Eindhoven, le Dynamo Kiev et la Lazio Rome. Sans compter que, chemin faisant, je me suis même approprié le record des sélections européennes d’Anderlecht avec soixante-neuf matches. Soit un de plus que Franky Vercauteren. J’avoue que je ne suis pas peu fier de devancer sur les tablettes des noms aussi prestigieux que celui de notre entraîneur-adjoint, ou encore Paul Van Himst et Ludo Coeck. Et je ne compte pas en rester là ( il rit).

Le passage du témoin entre vous-même et Milojevic, en février, ne s’était pas fait sans hiatus. Au début, le gardien serbe fut accusé de tous les péchés d’Israël et le club se mit même en quête d’un nouveau keeper, Pavlovic. Un coup d’épée dans l’eau puisque « Milo » ne tarda pas à retrouver toute sa superbe. A l’heure d’aborder la nouvelle saison, le problème s’est transformé en luxe, puisque le Sporting se retrouve avec quatre bons portiers sur les bas : le trio précité, plus Peersman. Sans oublier un jeunot : Carlier.

J’ai toujours soutenu que « Milo » avait les qualités requises pour me suppléer dans le but. Il l’a d’ailleurs prouvé dès qu’il eut pleinement retrouvé le rythme des rencontres. Si j’avais été à la place des dirigeants, je me serais sans doute résolu à abattre sa carte et j’aurais tout simplement promu l’un des jeunes, Kurt Carlier ou Sven Van der Jeugt, comme numéro 2. A présent, c’est Byzance car Anderlecht jouit de quatre éléments qui peuvent tous briguer le statut de titulaire. La lutte promet d’être âpre car chacun de nous a des atouts à faire valoir. Personnellement, je vendrai chèrement ma peau pour retrouver ma place entre les perches. Et je mettrai tout en oeuvre pour mériter les grâces du staff technique dès le tout premier rendez-vous majeur de la saison, en préliminaire de la Ligue des Champions. S’il n’en était ainsi, je me battrai, sportivement, pour bénéficier à nouveau des faveurs. Toutefois, compte tenu de ce que je viens d’endurer, il n’est pas impossible non plus que j’accepte avec philosophie la situation, si le sort m’était contraire. J’ai toujours été admiratif face à l’attitude empreinte de fair-play que « Milo » a toujours eue avec moi depuis son arrivée au Parc Astrid. Il y a dix ans, je n’aurais probablement pas eu la même grandeur d’âme que lui. Maintenant, je n’ai plus la même perception des événements. A trente-sept ans, ma carrière est faite. Je n’ai pour ainsi dire plus rien à y ajouter. C’est pourquoi je m’accommoderai sans doute plus facilement d’une position en retrait que par le passé. Même si je viserai toujours la place de numéro 1 ( il rit).

Cette assertion vaut pour les Diables Rouges aussi?

Contrairement à d’autres, je n’ai jamais fermé la porte de l’équipe nationale. Aussi ne déclinerai-je jamais une sélection. Mais dans l’état actuel des choses, mon concours ne s’impose pas. A cet échelon-là aussi, j’ai tout bonnement vérifié ce dont j’étais sûr depuis longtemps : qu’au même titre que « Milo », Geert De Vlieger était parfaitement capable de répondre à l’attente. A partir du moment où il fut en mesure de le démontrer, ses prestations ont subi une courbe ascendante. Et le même raisonnement peut être étendu à Frédéric Herpoel, qui prit incontestablement du galon lui aussi dès qu’il eut l’occasion de prouver toute l’étendue de son savoir-faire à La Gantoise. Avec Ronny Gaspercic en plus, la Belgique me semble parée dans ce secteur. Reste, bien sûr, qu’une saison est longue et que tout peut arriver, comme j’en ai fait moi-même l’expérience. Aussi ne faut-il jamais dire jamais.

La campagne 2001-02 sera même plus astreignante que la précédente. La multiplication des matches ne risque-t-elle pas de jouer un tour pendable au RSCA, qui a déjà été abondamment sollicitée ces derniers mois?

Le comportement du Sporting, durant la défunte campagne, atteste, si besoin en était encore, que tant qu’une équipe a un objectif bien défini en tête, elle tient souvent le haut du pavé. Quand donc les Mauve et Blanc ont-ils fléchi, la saison passée? Au moment où ils n’avaient plus rien à gagner en Ligue des Champions et qu’ils disposaient d’une avance sécurisante en championnat. C’est pourquoi la lourdeur du calendrier ne m’inspire aucune appréhension. D’autre part, il ne faut pas perdre de vue non plus qu’Anderlecht a subi l’une ou l’autre retouches d’un exercice à l’autre. Aussi les nouveaux venus auront à coeur de réaliser la même trajectoire de choix que leurs devanciers. C’est la raison pour laquelle une injection de sang neuf n’est jamais néfaste.

D’une saison à l’autre, la coupure aura quand même été drastique puisque plusieurs valeurs sûres comme Koller, Goor et Dheedene, pour ne mentionner qu’eux, ont quitté le stade Constant Vanden Stock cet été. N’est-ce pas énorme pour un club dont le propos était de tenter de conserver la plupart de ses forces vives?

J’aurais réagi différemment que la direction dans le cas des gardiens mais je persiste à croire qu’en haut lieu les bonnes options ont été prises. Les responsables du club auraient été de mauvais gestionnaires s’ils avaient dédaigné les centaines de millions que leur offraient le Borussia Dortmund et le Hertha Berlin. Il va de soi que tous ceux qui nous ont quittés s’étaient révélés d’un concours précieux la saison passée. A choisir, je préfère néanmoins que des éléments de cette trempe-là soient partis au lieu de ceux qui constituent la véritable charpente de l’équipe. Je veux dire par là qu’il vaut mieux, comme les dirigeants l’ont fait, garder intacts les fondements -lisez l’arrière-garde dans son sens large avec le gardien, la défense et les demis récupérateurs- que ceux qui sont chargés de l’inclination offensive. A partir du moment où les fondations sont bonnes, une formation reposera immanquablement sur du solide. Le reste n’est affaire que d’embellissement et de temps. En revanche, si les bases laissent à désirer, c’est tout l’édifice qui sera chancelant.

Durant votre revalidation, vous vous étiez montré confiant quant à une issue victorieuse pour le RSCA, en championnat, sous prétexte que contrairement au Club Brugeois, les Mauve et Blanc regorgeaient d’individualités comme Alin Stoica, Tomasz Radzinski ou Jan Koller, capables de faire la différence. Comment expliquer que leur départ ne vous affecte pas davantage?

Qu’on me comprenne bien : je ne tiens nullement à minimiser leurs mérites. Mais je trouve qu’on fait trop peu de cas d’autres joueurs qui n’ont pas eu droit aux mêmes louanges mais dont la toute bonne tenue a permis au Sporting de réaliser la campagne que l’on sait. Je songe à Bertrand Crasson, par exemple, qui a sans doute disputé la meilleure saison de sa carrière ou encore à Yves vanderhaeghe qui, dans le contexte de l’équipe, aura été tout aussi précieux qu’un Jan Koller par exemple. Sans obtenir la même publicité, loin s’en faut.

Avec un total de quatre-vingt-trois points en championnat et une accession au deuxième tour de la Ligue des Champions, Anderlecht a fait fort. Dans quelle mesure est-il capable de réaliser mieux encore?

Améliorer cette performance est utopique. Dans ce cas, nous devrions quasiment réaliser un sans-faute en compétition nationale tout en atteignant les quarts de finale de la Ligue des Champions, ce qui me semble présomptueux, malgré tout, compte tenu de la valeur des teams à ce niveau. Je pense qu’Anderlecht est tout à fait capable de glaner un vingt-septième titre. Malgré les départs, la direction a tout mis en oeuvre pour présenter à nouveau un onze compétitif. Des garçons comme Nenad Jestrovic, Marc Hendrikx et Tarek El Said ne manquent pas de références. Par rapport à la concurrence, qui n’a pas mis les petits plats dans les grands de la même façon, j’estime que le Sporting est mieux armé. La grande inconnue, ce sera la réplique du club en Ligue des Champions, pour peu évidemment de se hisser à ce niveau. La saison passée, nous avons bénéficié d’un effet de surprise qui n’aura probablement plus cours cette fois. De fait, Leeds United aura sans doute été le premier à donner le ton, chez nous, en témoignant d’une rigueur tactique autrement plus pointue que celle de Manchester United ou du Dynamo Kiev par exemple. En outre, je me demande si l’élargissement de notre surface de jeu, au Parc Astrid, ne va pas nous desservir : la saison passée, nous avons évidemment livré nos meilleurs matches sur une aire réduite alors que nous avons éprouvé les pires difficultés sur des pelouses à dimensions maximales, comme celles du Real Madrid et de la Lazio Rome. Je n’ai pas l’impression, dès lors, que cette mesure nous sera bénéfique.

Vous êtes avec Bertrand Crasson le seul rescapé de l’équipe anderlechtoise qui, aux prémices des années nonante, participa à trois reprises à la Ligue des Champions sans avoir marqué l’épreuve d’une empreinte indélébile. Comment expliquer que le Sporting soit plus performant, à présent, alors qu’à cette époque il éprouvait déjà de la peine face au Panathinaïkos ou à Hajduk Split, des noms moins ronflants que Manchester United ou le Real Madrid?

C’est avant tout une question d’état d’esprit. Certains disent qu’Aimé Anthuenis est parfois trop calculateur. Mais tout bien considéré, sa conception est autrement plus constructive que celle de Johan Boskamp qui calculait en définitive autant quand Anderlecht jouait sur ses terres qu’en déplacement. C’est sans doute vrai que l’entraîneur aurait pu tabler davantage sur Alin Stoica, par exemple. Mais indépendamment de la présence ou non du Roumain, on ne peut pas dire que le Sporting ait refusé le combat, un seul instant, en déplacement. Au décompte final, cette manière de faire nous aura peut-être valu l’une ou l’autre dégelées mémorables. Mais elle nous a permis également de forger quelques exploits retentissants. A choisir, je préfère de loin cette façon-là.

Bruno Govers

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