Les BEAUFS

Mouscron-La Gantoise, c’est aussi une histoire de famille.

Vendredi, Mouscron accueille La Gantoise. Un match qui dégage toujours une saveur particulière : c’est le retour de GeorgesLeekens et de StephenLaybutt au Canonnier, mais aussi désormais de Christophe Grégoire…

Le visage de l’ex-Anderlechtois s’illumine lorsqu’on évoque cette perspective.  » C’est vrai, cela me fait très plaisir de revenir. J’ai gardé beaucoup d’amis dans la cité des Hurlus. Et si j’avais affronté l’Excel lors de mon premier match officiel avec Anderlecht, je n’ai encore jamais rejoué au Canonnier depuis mon départ. J’étais très anxieux le week-end passé, car j’avais deux cartons jaunes à mon passif et j’étais sous la menace d’une suspension. Or, s’il y avait un match que je ne voulais rater sous aucun prétexte, c’était celui de vendredi prochain « .

Ce match sera aussi l’occasion de rencontrer, sur le terrain, SteveDugardein. Le capitaine de l’Excel fut son équipier et son guide pendant quatre saisons à Mouscron, mais il est aussi – c’est moins connu – son futur beau-frère.

Christophe fréquente Camille, une jeune Française de Saint-Péray près de Valence, depuis sa plus tendre adolescence. Il l’avait rencontrée en vacances, alors qu’il n’avait que 10 ou 11 ans, et lui est toujours resté fidèle malgré la distance : Camille, toujours étudiante jusqu’à l’an passé, venait la rejoindre chaque week-end en TGV ou en avion, et elle emménagera bientôt avec lui dans la nouvelle maison de Tourcoing.

Delphine, la s£ur de Camille, est la compagne de Steve depuis trois ans.  » Comment nous nous sommes rencontrés ? C’est simple : au soir de la finale de la Coupe de Belgique perdue en 2002 contre Bruges « , se souvient le capitaine des Hurlus.  » Il y a eu une réception à l’hôtel de ville, Christophe avait invité sa belle-famille, et voilà… Delphine est venue s’installer avec moi à Mouscron, m’a suivi à Caen la saison dernière, et lorsque je lui ai demandé si elle serait d’accord de revenir à Mouscron cette année, elle m’a répondu : -Oui, sans problème ! Comme quoi, dans la vie, il n’y a parfois qu’un pas entre espoir et désespoir : le 9 mai 2002, j’ai perdu l’occasion d’accrocher un premier trophée majeur à mon palmarès, mais sur le plan humain et familial, j’ai gagné beaucoup « .

Pas de regrets

La trajectoire des deux hommes recèle bien des points communs. Ils ont tous les deux quitté Mouscron la saison dernière (Christophe un peu plus tard que Steve), mais leur expérience dans leur nouveau club a tourné court. Aujourd’hui, Steve est de retour au Canonnier et Christophe n’aurait pas été réfractaire à l’idée de l’imiter, mais a finalement opté pour Gand.

 » L’an passé, à cette époque-ci, j’étais fort perturbé « , se souvient Steve.  » C’était la première fois de ma carrière que des propositions vraiment sérieuses me parvenaient. Il y a eu le Standard, d’abord. Qui m’offrait la possibilité de jouer pour l’un des trois plus grands clubs du pays, mais toujours dans les mêmes stades que je fréquentais déjà depuis huit ans. Le choix était difficile entre une promotion sportive et la fidélité au club de mon c£ur. La perspective de travailler avec PhilippeSaintJean m’attirait également : son discours m’avait plu et j’étais persuadé qu’il aurait pu m’apporter beaucoup. Puis, Caen est arrivé. Là, je me suis laissé tenter. C’était un néo-promu, considéré par beaucoup comme un candidat à la relégation dès le départ, mais il m’offrait la possibilité de découvrir un autre championnat et d’évoluer dans des stades qui m’avaient toujours fait rêver : le Parc des Princes, Gerland, le stade Vélodrome de Marseille… Aujourd’hui, je ne regrette rien. Ces moments-là, je les ai bel et bien vécus. J’ai même eu la chance de vivre une mise au vert à Clairefontaine et de jouer une finale au stade de France devant 80.000 personnes. Cette finale, on l’a perdue, et au bout du championnat, on a été relégué comme certains nous l’avaient prédit, mais toutes ces expériences, on ne pourra pas me les retirer. Et tant pis si je n’émargerai pas au rang de ces joueurs, de plus en plus rares, qui ont fait toute leur carrière dans le même club. Jadis, lorsque je découvrais le Spécial Compétition de Sport/ FootMagazine, il n’y avait qu’une ligne sous ma photo : Mouscron, de 1982 à… Aujourd’hui, il y a une deuxième ligne : Caen, de 2004 à 2005. Bon, on dira que j’ai effectué une année de stage là-bas…  » ( ilrit)

 » Anderlecht, c’était un rêve de gosse pour moi « , reconnaît Christophe.  » Lorsque j’étais gamin, je me rendais au Parc Astrid avec mon père, pour voir les grands matches européens et les duels du championnat. Lorsque mon transfert s’est enfin réalisé après bien des palabres, j’étais à la fois heureux et soulagé. Les débuts furent prometteurs. Puis HugoBroos a été limogé et cela s’est gâté pour moi. Si je regrette une chose, c’est d’avoir été écarté sur base d’une seule défaite : le fameux 0-1 contre Ostende, alors que je n’étais certainement pas l’unique responsable, loin de là. Je n’ai plus trop envie de revenir sur la suite. J’ignore pourquoi ça n’a pas collé entre FrankieVercauteren et moi « .

Le c£ur, l’ambition et l’argent

La perspective d’un retour de Christophe à Mouscron fut un moment envisagée, au début juin :  » GeertBroeckaert m’a effectivement téléphoné, alors que j’étais en vacances, pour connaître mes intentions. Revenir au Canonnier ne m’aurait pas déplu, mais je savais que c’était quasiment impossible. D’abord, on ne m’aurait plus proposé le même salaire que lors de ma première période là-bas. Ensuite, il y avait une somme de transfert à payer à Anderlecht « .

Ce salaire, apparemment impayable pour la plupart des clubs belges, a longtemps bloqué Christophe.  » On a écrit beaucoup de choses à propos de mon salaire. J’ai lu des chiffres qui m’ont fort étonné. J’ai eu la chance de pouvoir signer un beau contrat à Mouscron pendant la période des vaches grasses, je ne l’ai jamais caché. Mais je n’ai fait qu’accepter ce qui m’a été proposé. Et, si on m’a proposé ce contrat, c’est parce qu’on estimait que je le valais. Il est faux de croire que seul l’argent m’intéresse. Si j’avais été attiré par l’aspect financier, je serais parti en Russie : un petit club de Moscou était fort intéressé par mes services. Ou à Heracles, un club néerlandais récemment promu en D1, qui était prêt à m’offrir un meilleur contrat que celui que j’avais à Anderlecht. Mais cela ne m’intéressait pas. J’ai fait des concessions financières pour signer à La Gantoise « .

Un bon choix ?  » Oui car Christophe retrouve Leekens « , estime Steve.  » C’est un entraîneur capable de le relancer, qui sait le serrer de près et le réveiller lorsqu’il a tendance à s’endormir. J’ai toujours dit que, si l’on avait pu réunir la technique de Christophe et mon caractère dans une seule personne, on aurait eu un très grand joueur. Evidemment, on ne peut pas tout avoir. Leekens a joué un rôle très important dans ma propre carrière également. Lorsqu’on est monté en D1, en 1996, je revenais d’une grave blessure à la jambe. Il m’a toujours incité à me dépasser, à mordre sur ma chique. J’en ai bavé. Mais, s’il n’avait pas été là dans ces moments-là, je n’aurais peut-être pas réussi la modeste petite carrière qui est la mienne « .

Pour Steve, la question financière n’a apparemment pas constitué un obstacle lors du retour à Mouscron :  » Je n’ai plus le même contrat que lorsque je suis parti. Mais il y a cette perspective de reconversion. Au bout de mes trois ans comme joueur, on pourra décider, soit de prolonger, soit de m’insérer dans le staff. A 31 ans, cette perspective d’avenir n’a pas de prix. Et puis, j’ai laissé parler mon c£ur. J’étais en voiture lorsque RolandLouf m’a téléphoné. J’avais entendu des rumeurs à propos d’un intérêt de Bruges, de Genk ou de Charleroi, mais rien de concret. J’étais prêt à repartir pour une nouvelle saison avec Caen : même en Ligue 2 et en sachant que, depuis le départ de PatrickRemy et son remplacement par FranckDumas, je n’avais plus guère eu voix au chapitre. Lorsque l’Excel s’est présenté, je ne devais plus obtenir qu’une chose : l’accord de Delphine. Cela n’a pas été très compliqué « .

Changements d’entraîneurs

Tant Christophe que Steve peuvent parler des changements d’entraîneurs qui influencent la carrière d’un joueur :  » C’est clair que je n’entrais pas dans les plans de Dumas « , reconnaît Steve.  » Mais que pouvais-je revendiquer ? Lorsqu’il a pris la succession de Remy, on a gagné à Marseille, battu Saint-Etienne et gagné à Toulouse. Et si l’on ne s’était pas incliné stupidement chez la lanterne rouge, Istres, lors de la dernière journée, on se serait sauvé. Face à de tels résultats, je ne pouvais que me taire. Dans le cas de Christophe, j’ignore aussi ce qui s’est passé entre Vercauteren et lui. Mais, n’en déplaise à mon beauf, Vercauteren est un monsieur que j’avais toujours admiré autrefois. Et il fait du bon boulot à la tête du Sporting « .

 » Passer d’Anderlecht à La Gantoise, c’est un petit pas en arrière, mais il y a pire dans la vie « , relativise Christophe.  » J’ai malgré tout retrouvé un très bon club, où il y a un bon amalgame entre des joueurs très physiques et d’autres, comme MbarkBoussoufa, à la technique raffinée. Malgré un départ difficile, je suis convaincu qu’on peut être ambitieux. Et pour moi, l’essentiel, c’était de rejouer. J’aurais pu signer au Mans : cela ne m’intéressait pas. Un néo-promu, avec la perspective de se retrouver en Ligue 2 un an plus tard ? Non, merci « .

Christophe n’aurait donc pas fait le même choix que Steve, qui n’a pas hésité à rejoindre Caen dans les mêmes circonstances ?  » A son âge, oui. Mais pas à 25 ans… Steve n’avait encore connu que Mouscron et Caen lui offrait l’une des dernières possibilités de découvrir des horizons différents. Personnellement, je sais que d’autres possibilités s’offriront encore à moi. Je ne demande pas nécessairement Lyon, Marseille ou le PSG, mais un club stable, établi en Ligue 1 depuis longtemps. Et si je dois faire toute ma carrière en Belgique, tant pis : ce n’est pas un aussi mauvais championnat qu’on le dit « .

 » On en a discuté ensemble lorsque Le Mans s’est présenté « , se souvient Steve.  » C’est vrai qu’en France, on voit rarement des néo-promus qui jouent les premiers rôles, comme… Mouscron lors de sa première saison parmi l’élite ou Zulte Waregem cette saison-ci. Souvent, ils redescendent après une saison. La preuve par… Caen. Il y a des exceptions, comme Saint-Etienne, mais c’est un club qui a un passé et qui avait déjà l’expérience de la Ligue 1 « .

Christophe aurait aussi pu rejoindre… Broos à Genk, si Koen Daerden était parti.  » Est-ce la vraie raison de ce transfert avorté ? », se demande- t-il.  » Genk a bien engagé GonzagueVandooren, qui joue aussi comme flanc gauche. Daerden évolue en position plus centrale, aujourd’hui, et je suis convaincu qu’on aurait pu jouer ensemble. Mais bon : c’est peut-être mieux ainsi. Si j’avais travaillé une troisième fois sous la direction d’Hugo Broos, mon nom aurait été trop facilement associé au sien. Je ne veux plus penser à toutes ces péripéties. Ma seule préoccupation, désormais, c’est La Gantoise « .

Que penses-tu du Mouscron actuel, par rapport à celui que tu avais connu avant ton départ ?

Steve :  » Le club a radicalement changé. Déjà, le président est parti. Enfin, parti ? Lors du dernier match contre Westerlo, en remontant sur le terrain, j’ai été très surpris de croiser JeanPierreDetremmerie qui se baladait le long de la ligne de touche. Je suis resté ébahi, l’espace d’une seconde : – Tiens, ilestencorelà ? Comment aurais-je pu en douter ? L’Excel, c’était son enfant, et on n’oublie jamais son enfant. Autrefois, il descendait fréquemment dans les vestiaires, pour nous encourager. Il était très présent. Avec EdwardVandaele, c’est différent. Il a été nommé à la présidence parce qu’il fallait un nom pour l’Union Belge, et je suis certain qu’il remplira sa tâche avec beaucoup de sérieux, mais dans la pratique, le club est géré par un triumvirat, avec RolandLouf et FrancisD’Haese. Les joueurs aussi ont changé. A mon retour, je ne connaissais quasiment plus qu’ OlivierBesengez, PacoSanchez, JeanPhilippeCharlet et ChristopheMartin. J’avais très peu côtoyé DaanVanGyseghem et YassineBenajiba, qui ont intégré le noyau A la saison dernière.

J’ai découvert de nombreux joueurs français : des garçons sympas avec une mentalité très professionnelle telle que je l’ai connue à Caen, mais ils ressentent sans doute moins l’amour du maillot que les anciens. Ils sont là pour se montrer, pour se relancer, mais leur ambition n’est pas de faire toute leur carrière à Mouscron comme… moi. L’ambiance a changé aussi. Beaucoup de personnes me parlent encore de la première saison en D1, lorsque le stade était plein une heure et demie avant le coup d’envoi, pour la venue d’Anderlecht. Aujourd’hui, le Canonnier sonne parfois creux, mais c’est aussi lié aux résultats. Si, à Charleroi, il y a plus de monde désormais, c’est parce que les résultats suivent. Il paraît que j’ai été engagé pour que le club conserve une certaine identité régionale. Je m’efforcerai, en tout cas, de recréer l’ambiance d’autrefois. Cela passe aussi par des dîners entre joueurs, par des troisièmes mi-temps avec le staff technique. Je me souviens encore de l’arrivée d’ HugoBroos. Je me demande s’il avait déjà bu une pinte avant de venir à Mouscron. Mais, chez nous, il faisait parfois la fermeture de la buvette. Je suis certain que cette ambiance peut revenir.  »

Tu as connu Anderlecht, comme j’ai connu Caen. As-tu découvert le vrai professionnalisme à Bruxelles ?

Christophe :  » Je n’ai pas cette impression. Au niveau des infrastructures, c’était mieux à Mouscron, où il y a de très bons terrains d’entraînement et une très belle salle de musculation sous la tribune principale. Au niveau du staff médical aussi, c’était mieux à Mouscron. Au Parc Astrid, j’ai été écarté des terrains pendant trois mois en raison de douleurs dorsales, alors que je n’avais quasiment jamais été blessé auparavant. Ces maux de dos étaient la conséquence des semelles orthopédiques qu’on m’a fait porter, alors que je n’en avais pas besoin. Ce n’est pas normal et je me pose des questions sur la compétence de l’encadrement du club bruxellois. Anderlecht a plus de prestige, plus de public et plus d’argent, mais pour le reste…  »

Daniel Devos

 » J’ai toujours été Mouscronnois. J’ai simplement fait UNE ANNéE DE STAGE à CAEN  » (Dugardein)

 » L’argent ? J’AURAI PU GAGNER plus aux Pays-Bas ou en Russie !  » (Grégoire)

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