LES BARON

Jimmy, l’aîné, et Billy, le cadet, Baron font exploser les parquets belges. Découverte de deux frères qui réalisent leur rêve : jouer ensemble. Et qui, corollairement, redorent le blason des Spirous.

Certains les considèrent déjà comme le baro(n)mètre du Spirou Charleroi. D’autres disent qu’ils en sont les patrons sur le terrain. Tout le monde s’accorde à dire que la venue des frères Baron (Jimmy et Billy) a donné un coup de frais au club le plus titré du sud du pays.

Les quotidiens sportifs ne parlent plus que d’eux et leur présence est déjà déterminante pour tout le collectif carolo. Quand Billy (25 ans) est malade et ne distribue pas avec précision, Jimmy (29 ans), le tireur d’élite, tousse et dévisse.

Leur statut est déjà connu depuis l’ouverture du championnat : ils seront les maîtres à jouer du Spirou et les architectes d’une course au titre qu’Ostende monopolise depuis 4 ans.  » Et nous pouvons le faire « , lâche sans hésiter le big bro Baron.

La pression, ils ne connaissent pas.  » On est à chaque fois dans le journal ? « , s’interroge Billy.  » Je vous avoue ne rien piger au français donc à part la photo prise à notre arrivée, je n’ai rien lu à notre sujet. Puis, si on commence à penser en termes de pression et de statut spécial, on va perdre les pédales.  »

L’acclimatation ne fut pas spécialement simple. Ils ont beau avoir vécu quelques années en Europe, la Belgique n’a rien à voir avec leurs États-Unis.  » J’ai la chance d’avoir habité en Italie et surtout en Espagne durant un long moment « , lâche Jimmy.

 » San Sebastian ressemble un peu au lifestyle à Charleroi. Nous avons également un avantage sur les Américains qui viennent de grandes métropoles car nous avons grandi dans une petite ville de l’Etat de Rhode Island, le plus petit du pays.  »

Son frère n’a, lui, passé qu’une année en Lituanie avant de débarquer en Belgique.  » Et mis à part le manque lié à l’entourage, j’ai parfois du mal quand je crève de faim et que je ne trouve plus les choses auxquelles j’étais habitué. Là, c’est chaud (rires). C’est toujours notre petit confort qui nous manque.  »

L’AUBERGE AMÉRICAINE

Les Baron ont pourtant recréé une sorte de petite Amérique du côté du Pays noir.  » Je vis au deuxième étage et Jimmy au troisième « , décrit Billy.  » JordanHeat habite en dessous et JustinHamilton est aussi dans le bâtiment. On passe beaucoup de temps avec les gars mais surtout à deux. On mange ensemble, on mate des films ensemble.  »

 » On agit un peu comme des colocs « , renchérit Jimmy, rejoint entre-temps par son épouse et ses enfants peu après notre rencontre.

L’histoire de leur arrivée en Belgique vaut le détour.  » Je n’ai d’ailleurs pas cru que c’était vrai quand on me l’a dit « , raconte Billy.  » J’ai tilté quand j’ai vu mon frère à l’aéroport. D’habitude, on se disait au revoir et on ne se voyait plus avant les vacances. Là, on faisait le truc à deux.

Il a vraiment fallu du temps pour que je comprenne que notre éternel projet prenait enfin forme. Je n’ai jamais vraiment pâti de la distance car j’étais encore à la maison avec mon père comme coach. Cela devait être plus dur pour Jimmy, qui était à l’autre bout de la planète.  »

Durant 6 ans, les frères ont vécu loin l’un de l’autre. Jimmy est parti pour l’Europe en 2009.  » L’arrivée à Mersin (Turquie) fut un choc. Je suis descendu de l’avion et l’Imam appelait à la prière. Les premières nuits furent compliquées mais j’ai mordu sur ma chique. Tout le monde espère que son nouveau pays ressemble à son ancien mais c’est impossible. Je ne pouvais pas vivre comme si j’étais aux États-Unis alors que j’habitais dans une petite ville proche de la Syrie.

J’ai tourné le bouton et j’ai bossé. Je suis ensuite passé par l’Espagne, l’Italie et la Russie. J’ai toujours connu de beaux résultats sportifs. J’ai même gagné l’Eurocup avec le Lokomotiv Kuban Krasnodar en 2013. Est-ce le meilleur souvenir de ma carrière ? Non, le meilleur c’est maintenant. C’est jouer avec mon frère, vivre une expérience familiale que peu de gens peuvent connaître.  »

DÉBRIEFING PAR SMS

Une année mouvementée pour l’un – Jimmy a connu deux clubs l’an passé – et une première expérience européenne compliquée pour l’autre – Billy est arrivé en Lituanie où ni son coach ni ses équipiers ne parlaient anglais et où il a été laissé de côté – leur ont finalement permis de vivre un rêve qu’ils évoquent depuis qu’ils savent manier un ballon.

 » Nous jouions la Summer League « , raconte Jimmy, alors que Billy concède ne pas avoir compris comment leur transfert a été acté.  » J’étais avec les Knicks, en pleine découverte de la triangle offense, et mon frère travaillait avec les Pistons quand Jacques (Stas, le coach du Spirou) est venu à ma rencontre.

Je savais très bien qu’il était intéressé par le profil de Billy et lui ai dit qu’on était prêts à faire des sacrifices pour jouer ensemble car on pensait que ça pouvait marcher. Toutes les planètes étaient alignées ce jour-là et le Spirou nous a donné cette possibilité. Peu l’auraient fait car nous sommes étrangers, nous ne connaissons pas le championnat. Frères ou non, ces données comportaient une dose de risque.  »

Un risque payant car les deux hommes se soutiennent mutuellement et se trouvent les yeux fermés sur les parquets de Scooore League.  » Je sais comment et où il veut le ballon « , explique Billy, le distributeur.  » Je connais ses zones de confort à force de voir tous ses matches. Ne pensez pas que la distance nous empêchait de communiquer. Je me levais plus tôt pour le regarder et lui se couchait plus tard pour en faire de même.

On débriefait ensuite par SMS. Avec tout cela, tu sais un peu ce qu’il se passe dans la tête de l’autre. Je sens déjà les défenseurs anticiper nos passes. J’ai déjà vu un gars partir sur une feinte car je me dirigeais vers Jimmy. J’ai compris son mouvement et j’ai eu un boulevard vers l’arceau.  »

UNE FAMILLE FOLLE DE BASKET

Cette expérience est une première pour les deux hommes. Leur différence d’âge ne leur a jamais permis de jouer ensemble. Quand l’un atteignait sa taille adulte, l’autre partait pour l’université. Les moments de complicité sportive furent donc rares pour eux.

 » Nous jouions à la maison. Nous n’arrêtions pas mais il était impossible de nous comparer « , analyse Jimmy.  » J’étais logiquement meilleur que lui durant tout un moment car j’étais plus grand. Puis, il a refait son retard. Je pense d’ailleurs qu’il est physiquement plus doué que moi mais quand il a atteint sa taille actuelle, je suis parti pour l’université puis l’Europe. Il est donc compliqué de pouvoir quantifier qui surpasse l’autre.  »

Les Baron sont nés avec une sphère en mains et savaient crosser et shooter en fade-away avant de savoir marcher. Cet ADN de basketteur vient de leur père : un certain Jim Baron, célèbre coach universitaire depuis la fin des années 70.  » À la maison, on devenait parfois fou tant ça parlait basket « , se souvient Billy.

On passait déjà notre temps à traîner avec lui à l’entraînement de son équipe, alors en parler à table, ça faisait beaucoup. Je me disais ça sur le moment mais il faut avouer qu’on le poussait dans ce sens-là. Et sans lui, on n’en serait pas là.  »

Contrairement à ces parents qui poussent leur gamin à bout, Jim Baron n’a jamais forcé ses enfants à jouer au basket.  » Il ne trouvait pas sain de voir les parents devenir plus fans du sport que leur enfant « , explique Billy.

Jimmy appuie :  » On a essayé le base-ball mais ce n’était pas trop ça. Notre paternel avait un plan en tête pour notre développement. Il ne voulait qu’une seule chose : nous faire aimer le jeu. C’est vraiment incroyable ce qu’il a fait. Comme il avait déjà une belle carrière, il n’a jamais dû vivre à travers nous.  »

À L’UNIVERSITÉ AVEC PAPA

Le paterfamilias a attendu que ces deux gamins viennent à lui pour faire passer le basket du statut de jeu à celui de métier.  » C’était fini de déconner et faire juste des shoots pour le fun « , se souvient Jimmy qui insiste sur le fait que le travail n’est pas amusant. Billy se souvient, lui, de ce fameux instant qui a bouleversé sa vie.

 » Je venais de jouer un match de merde avec mon équipe au collège et j’ai été discuter avec lui. Je lui ai dit ‘Papa, je veux devenir basketteur et prendre tout ça au sérieux.’ Il a accepté et nous avons commencé le boulot. C’était dur, très dur, mais j’aimais le jeu. J’espère pouvoir faire aussi bien que lui avec mes enfants.  »

À coup de litres de sueur, les deux brothers percent en high school, puis à l’université. Jimmy intègre celle de Rhode Island avec son père comme entraîneur. Cette trajectoire, Billy décide d’en dévier.  » On m’avait dit qu’être coaché par son père était un désavantage. Je voulais pourtant le faire mais j’ai finalement décidé de partir seul en Virginie.

Mon père s’est ensuite retrouvé dans une mauvaise passe et je suis venu l’aider à Rhode Island. Il a finalement été renvoyé et je l’ai suivi à Canisius où j’ai terminé ma formation. Nous avons réalisé de belles choses après avoir vécu un vrai cauchemar à son renvoi.  »

Leur chemin n’était pas supposé bifurquer outre-Atlantique. Billy a grandi en rêvant des Boston Celtics et Jimmy des Bulls de MichaelJordan. Avec respectivement 2 et 3 participations à la Summer League, ils n’ont pas encore (totalement) abandonné leur rêve américain.

 » C’est toujours l’objectif mais on n’y pense pas trop « , lâche le cadet alors que son aîné n’y croit plus trop. Jimmy :  » J’aurais pu en rêver avec 10 centimètres en plus (NdlR : les frères font plus ou moins 190 cm). Vu mon profil, l’Europe est plus taillée pour moi.

La NBA fait davantage partie du domaine du divertissement. La différence est énorme et tout est fait pour laisser place au show et aux stars. Mais bon, je préfère ne fermer aucune porte même si j’approche de la trentaine.  »

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM – PHOTOS BELGAIMAGE – VIRGINIE LEFOUR

 » Quand il était dans le sud de l’Europe et moi en Lituanie, je me levais plus tôt pour le regarder et lui se couchait plus tard pour en faire de même.  » – BILLY BARON

 » Le meilleur souvenir de ma carrière, ce n’est pas ma victoire en Eurocup avec Krasnodar. C’est tout bonnement jouer avec mon frère.  » – JIMMY BARON

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